Avortement: confrontation à l’horizon sur la colline

Le parlement du Canada à Ottawa  

Le Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) francophone d’Ottawa attend de pied ferme les militants pro-vie qui participeront à la Marche nationale pour la vie jeudi midi sur la colline parlementaire.


L’organisme «se voit dans l’urgence de s’y opposer» et a lancé un appel par l’entremise des réseaux sociaux cette semaine afin d’inviter les activistes pro-choix à sa contre-manifestation nommée «Mon corps? Pas d’tes affaires».

«Il est très important de noter que nous ne sommes pas contre la vie, mais pour le choix, affirme d’emblée la gestionnaire de services au CALACS, Josée Laramée.

«Il n’est pas question de faire un pas en arrière! Chaque femme a le droit d’avoir accès à l’avortement de façon sécuritaire et gratuitement», soutient-elle.

Elle compte d’ailleurs sur l’appui de plusieurs organismes et militants pour manifester contre la 25e édition annuelle de la Marche.

«On s’attend cette année à avoir beaucoup d’hommes, de femmes et de la diversité de genre — on parle de transgenres — qui seront là pour justement manifester et démontrer l’importance des choix des femmes en matière d’avortement, enchaîne-t-elle. Tout le monde a sa place à la contre-manifestation.»


On ne parle plus simplement de l’avortement. On parle des droits des femmes: le droit de choisir la régulation des naissances, le contrôle de son corps.

Le CALACS invite d’ailleurs ses alliés à porter une cape rouge, un symbole adopté universellement par des militantes pour dénoncer le contrôle du gouvernement sur le corps des femmes et inspiré du livre La servante écarlate, de l’auteure canadienne Margaret Atwood.

Dans ce roman de science-fiction dystopique, les rares femmes fertiles, dont l’utérus se voit contrôlé par le gouvernement totalitaire, portent ces fameuses capes écarlates.

Le CALACS veut à tout prix éviter que la fiction devienne réalité. L’organisme rappelle qu’il est témoin «des impacts que le contrôle et l’oppression sur les corps des femmes peuvent avoir sur ces dernières» quotidiennement.

«On ne parle plus simplement de l’avortement. On parle des droits des femmes: le droit de choisir la régulation des naissances, le contrôle de son corps. Et nous, c’est certain, en tant qu’organisme contre les agressions à caractère sexuel, on promeut le pouvoir et la liberté de choisir», remarque Mme Laramée.

L’influence américaine

Même si le CALACS s’oppose à la Marche depuis 20 ans, l’édition de cette année revêt d’une importance particulière pour le centre d’aide en raison d’une décision imminente aux États-Unis.

Le média américain Politico révélait la semaine dernière que la Cour suprême casserait d’ici deux mois l’arrêt Roe c. Wade, qui garantit aux Américaines la liberté en matière d’avortement depuis 1973.

«Ce qui se produit aux États-Unis présentement a un impact sur le Canada. Il faut noter que l’avortement est décriminalisé au Canada, mais la pratique en soi n’est pas légalisée. Cela veut dire par exemple que chaque province a le libre choix d’offrir des cliniques d’avortement ou non […] Le fédéral ne peut pas contrôler toutes les provinces», avance Mme Laramée.

À cet effet, notons qu’au Canada, le droit à l’avortement relève d’une décision de la Cour suprême en 1988 (R. c. Morgentaler) et n’est pas protégé par une loi fédérale.

«On se dit que nous sommes encore libre-choix, mais il y a encore beaucoup de problèmes. Par exemple, il y a des endroits au Canada où ils n’ont même pas accès à des cliniques d’avortement. Ça prend de l’argent aussi, car ce n’est pas toujours gratuit. Il y a des listes d’attentes… Donc, on ne peut pas parler tout à fait d’un libre-choix au Canada. On a encore beaucoup de chemin à faire. Ce recul en arrière ne devrait même plus être considéré. Quel message donnerions-nous aux femmes et aux filles?» déplore Mme Laramée.

Une telle décision pourrait avoir des conséquences néfastes dans d’autres sphères de la société, craint-elle.

«De ne pas permette le droit à l’avortement, ça glisse sur d’autres choix aussi comme le mariage gai parce que ça touche aux droits et libertés de la personne.»

Confrontation attendue

Les partisans pro-vie doivent se réunir dès 12h30 sur la colline parlementaire jeudi. Ils entameront ensuite une marche dans les rues du centre-ville une heure plus tard afin de revenir au point de départ où des témoignages sont prévus. Mme Laramée s’attend à ce que la présence des opposants pro-choix dérange.

«La contre-manifestation féministe est la contre-manifestation la plus violente. On sait comme féministes, nous recevrons beaucoup de haine, de harcèlement et de violence verbale.»

«On ne sait jamais quel genre de personnes sera sur la colline et quelle idée ils ont derrière la tête. Même si le CALACS invite les gens, on ne peut pas assurer la sécurité. Ces groupes-là sont souvent violents verbalement.»