Le revenu «viable» est de 66 000$ pour un ménage avec enfants à Gatineau

Pour une famille de deux adultes et deux jeunes enfants en sol gatinois, un revenu annuel d'au moins 65 743$ est nécessaire pour «atteindre un niveau de vie digne et sans pauvreté, au-delà de la seule couverture des besoins de base telle qu’établie par la Mesure du panier de consommation (MPC)»

Un montant de 66 000$: voilà ce qu'est un «revenu viable» pour une famille de deux adultes et deux jeunes enfants en centre de la petite enfance (CPE) qui habitent à Gatineau, selon la plus récente étude de l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), qui scrute les conditions de vie dans sept villes québécoises.


Plus précisément, pour une telle famille en sol gatinois, un revenu annuel d'au moins 65 743$ est nécessaire pour «atteindre un niveau de vie digne et sans pauvreté, au-delà de la seule couverture des besoins de base telle qu’établie par la Mesure du panier de consommation (MPC)». Par rapport à l'an dernier (61 929$), il s'agit d'une hausse de 6%. 

Selon l'IRIS, encore une fois cette année, cet indicateur est plus élevé à Gatineau qu'à Montréal (65 033$), Québec (64 388$) et Sherbrooke (61 662$), notamment. Seule Sept-Îles (70 322$), où la réalité diffère en raison de l'absence du transport collectif et du coût plus élevé du panier d'épicerie, surpasse la quatrième plus grande ville de la province dans cette catégorie.

Dans le cas d'une personne seule, Gatineau est aussi quasi au sommet du classement puisque le revenu viable est chiffré à 29 593$, une augmentation de 5%, tandis que ce montant est évalué à 42 548$ (+6%) pour un ménage monoparental avec un enfant. 

Au Québec, environ une personne sur cinq vit sous le seuil du revenu viable , précise l'organisation.

«Le salaire minimum (14,25$ depuis le 1er mai) n'est malheureusement pas suffisant, avec le coût de la vie. Il y a un rattrapage, étape par étape, c'est bien, mais ce n'est pas encore à un niveau où ça permet d'avoir un panier de dépenses qui nous sort de la pauvreté», explique le chercheur associé Minh Nguyen. 

L'analyse conclut entre autres qu'un salaire horaire de plus de 18$ est nécessaire pour espérer atteindre le niveau de revenu viable dans la majorité des grandes villes de la province.

«Un temps de travail plus important ou un taux horaire supérieur serait requis pour atteindre le même niveau de vie à Montréal, à Québec et à Gatineau, et encore davantage à Sept-Îles. Les méthodes de fixation des revenus assurés par l’aide de dernier recours et par le salaire minimum sont probablement parmi les plus grands obstacles à lever pour avancer en direction d’un Québec sans pauvreté. Le coût de la vie est peu utilisé pour prendre les décisions publiques concernant les personnes qui vivent au bas de l’échelle des revenus, comparativement à d’autres impératifs économiques et politiques, comme l’incitation à l’emploi, qui prennent le pas sur cette dimension de la condition humaine pourtant évidente pour quiconque fréquente le bas de cette échelle», écrit-on.

Sans surprise, l'inflation en forte hausse depuis quelques mois a des conséquences directes sur ces seuils minimaux, qui s'accroissent chaque année.

«À Gatineau, la situation est la même que pas mal partout et l'inflation fait mal. Mais, on s'en sort quand même mieux puisque, par exemple, le transport en commun y est présent et est assez efficace, ce qui vient stabiliser un peu les finances des ménages. Ils s'en sortent mieux grâce à ça, l'inflation liée à la mobilité y est moins élevée», spécifie-t-il. 

C'est à Gatineau qu'un habitant paie le plus cher pour son loyer, soit en moyenne 10 284$ par an.

Logement: Gatineau au sommet

Quand on décortique les données, par exemple pour une personne seule, c'est à Gatineau qu'un résident paie le plus cher pour son loyer (10 284$ par an), devançant là aussi Montréal, Québec et Sherbrooke. Malgré tous les avantages et économies qui s'y rattachent, le constat est le même pour le transport collectif (1200$ par an), un laissez-passer mensuel régulier s'élevant à 100$, alors qu'il varie entre 82,50$ et 90,50$ dans les trois autres grandes villes. 

«L’inflation qui caractérise l’année 2022 et la volatilité du coût de l’essence et des voitures d’occasion augmentent les dépenses des ménages dépendants de l’automobile. Leur revenu viable augmente plus que celui des ménages utilisant uniquement le transport en commun, dont les coûts sont relativement stables», précise aussi l'IRIS.

Le crédit de 500$ pour contrer l'inflation offert dans le plus récent budget provincial à tous les contribuables dont le revenu est inférieur à 100 000$ aura peu d'impacts concrets dans les poches des gens dont le revenu est au seuil de la viabilité, estime la Régie de l'énergie.

M. Nguyen rappelle qu'en raison des problèmes à la chaîne d'approvisionnement dans l'industrie automobile (véhicules neufs), la demande pour les véhicules usagés, vers lesquels se tournent davantage les gens à plus faible revenu, a augmenté en flèche, tout comme leurs prix. Le tout s'ajoute au prix du carburant, qui a bondi de façon spectaculaire depuis la fin de l'hiver, en particulier depuis le début de la guerre en Ukraine.

Selon la Régie de l'énergie, si le prix moyen affiché du litre d'essence ordinaire à Gatineau était de 1,36$ au début janvier, il atteignait les 1,86$ au début mars, avant de diminuer et d'avoisiner les 1,75$ en avril. 

En se basant sur le prix réaliste de l'essence établi par CAA-Québec à la mi-janvier et au début mars, l'IRIS en arrive à la conclusion qu'avec le cas typique d'une Honda Civic 2018 (qui roule 18 000 kilomètres par an), l'écart de coût d'usage d'une telle voiture sur une base annuelle à Gatineau se chiffrerait à 366$. 

L'organisme soutient par ailleurs que le crédit de 500$ pour contrer l'inflation offert dans le plus récent budget provincial à tous les contribuables dont le revenu est inférieur à 100 000$ aura peu d'impacts concrets dans les poches des gens dont le revenu est au seuil de la viabilité. 

Lorsqu'on tient compte de ce crédit jumelé aux fluctuations notables observées dans les postes de dépenses relatifs à la nourriture, au logement et au transport, on en arrive malgré tout à un déficit variant entre 545$ (personnes seules) et 1920$ (ménage avec deux enfants en CPE) à Gatineau. Outre Sept-Îles, c'est dans la région où le déficit est de loin le plus important. Pendant ce temps, dans le cas d'une personne seule, en y ajoutant ce nouveau crédit gouvernemental, les calculs concluent à un excédent à Montréal (+98$) et Saguenay (+58$).