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Tout d’abord il s’agit d’une discussion autour d’un sondage, d’une simulation et il est toujours étonnant de voir des politiciens se plier à un tel exercice, celui qui consiste à débattre des prédictions d’une firme de sondages. Mais aujourd’hui ce réflexe est considéré comme normal, personne ne s’étonne plus que l’on commente ce qui n’est pas encore arrivé lors d’un prochain scrutin.

Quel est alors l’intérêt d’aller voter puisque tout semble décidé? Cette fâcheuse habitude est doublée d’une réponse encore plus savoureuse de François Legault (au sujet d'une réforme du mode de scrutin): «J’écoute les Québécois et ce que j’entends des Québécois, c’est qu’il n'y a pas d'appétit pour ça». À un non-événement, le premier ministre répond par une interprétation fantasque de la pensée des Québécois. Que le premier ministre parle en notre nom, soit. Qu’il se fasse l’interprète de nos désirs pour mieux imposer une fin de non-recevoir, l’ensemble est à la limite du grotesque.

Ce qui est étonnant et malheureux dans tout cela, c’est que l’on se préoccupe très peu de notre démocratie dans une période où elle montre des signes évidents d’essoufflement ici et ailleurs. Ce n’est pas juste une discussion sur l’aspect technique du mode de scrutin qui est intéressante, lui injecter tel que promis une dose de proportionnelle, c’est le mépris du débat, de la discussion.

Le Québec, de par sa situation géographique, a pu pendant la pandémie assister à la montée ou à la baisse des cas en Europe et s’est souvent inspiré de la France pour sa gestion des mesures sanitaires. Notre province aurait d’ailleurs dû capitaliser davantage sur cette posture privilégiée pour prévenir la flambée des cas. Il en va de même des leçons de démocratie qui sont dispensées en ce moment en Ukraine ou lors des élections présidentielles françaises. Il me semble que François Legault gagnerait à être aux aguets dans les mois à venir.

Certains pays d’Europe et les États-Unis semblent décidés à défendre le principe même de démocratie par le biais d’une guerre par pays interposés. D’autres combattent par conséquent à notre place pour défendre un idéal dont nous jouissons au quotidien. Certes, de nombreux pays leur fournissent des armes, de l’argent, mais c’est le peuple ukrainien qui souffre des affres de la guerre. Emmanuel Macron, lors de son quinquennat a eu bien de la difficulté à préserver la démocratie française du populisme qui la gangrène en s’éloignant du peuple qu’il gouverne au point où il est qualifié de président jupitérien. Nous pourrions ajouter que le refus de réformer les institutions politiques pour endiguer le mécontentement populaire ne semble pas être pour demain, pas de VI^e République en vue malgré une vague promesse de changement lors de son allocution de victoire.

Ici ou ailleurs, la déconnexion des élites qui nous gouvernent est évidente et l’on semble vraiment oublier les fondamentaux de la démocratie représentative, entre autres, par Lefort ou Rosanvallon : Qu’en démocratie le pouvoir y est posé comme un «lieu vide» chez le premier ou qu’il faille la surveiller, la questionner, enquêter chez le second, le dénominateur commun demeure la vigilance. Bien sûr au Québec, nous sommes loin de l’Ukraine, du populisme racoleur du RN de Marine Le Pen mais tenir la démocratie pour acquise dans un contexte comme celui-là tient de l’insouciance. Ce qui est surprenant, c’est que nous refusions encore et toujours le débat sur le mode de scrutin, la place qu’occupe la langue française, la pertinence de certaines institutions, l’abandon de l’imputabilité et ce au provincial, comme au fédéral. Il me semble que les signaux sont pourtant clairs. Nous n’avons même pas le courage d’entamer la moindre discussion sur les réformes de nos institutions afin de nous réconcilier avec une frange de la population qui versera inévitablement dans le cynisme et refusera de se rendre aux urnes. Comme si l’inflation ne nous touchait pas déjà, comme si la crise du logement était une vue de l’esprit. À défaut de regarder ce qui se passe ailleurs, nous pourrions au moins analyser ce qui ne va pas, ici, il me semble que nous sommes loin d’être rassasiés et que cette démarche s’inscrirait dans le respect des valeurs démocratiques dont nous avons héritées.

Jérémie Valentin, Enseignant, science politique, Cégep de l’Outaouais, Gatineau

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