Chronique|

Un budget très tiède pour les francophones

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford

CHRONIQUE / Le quatrième et dernier budget présenté par le gouvernement de Doug Ford dans ce mandat ne restera pas dans les annales pour les francophones.


C’est peut-être là ou le bât blesse. Les élections du 2 juin prochain se joueront dans la région du grand Toronto. Beaucoup de luttes sont encore indécises dans la cinquantaine de circonscriptions que compte la Ville reine et ses banlieues.

Ce n’est pas le cas des circonscriptions marqué par le fait francophone, comme le Nord de l’Ontario où l’Est de la province.



Ce désintérêt des territoires éloignés de Toronto se reflète par le peu de mentions à l’égard de plus de 600 000 Franco-Ontariens.

Ces derniers doivent se contenter d’une référence à la modernisation de la Loi sur les services en français adoptée pourtant… en décembre dernier. Le pavé présenté par le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy évoque aussi l’appui aux entreprises francophones pour attirer de la main-d’œuvre, par l’entremise de la Fédération des gens d’affaires de l’Ontario.

Peter Bethlenfalvy, ministre des Finances de l'Ontario.

Le «bonbon» francophone, à savoir l’investissement de 10 millions pour un nouveau toit pour le Centre communautaire francophone de Timmins avait été annoncé la veille.

Alléchant sur le papier, cet investissement dépendra de la capacité du gouvernement Ford à assurer sa réélection le 2 juin, et dans un second temps à représenter le même budget lors de la nouvelle législature.



Dans la pratique, rien n’oblige le futur ministre des Finances à agir de la sorte.

En 2018, le gouvernement libéral à son crépuscule avait notamment inscrit dans son budget une enveloppe supplémentaire de 20% pour le ministère des Affaires francophones, puis promis plus tard un financement de 4,2 millions pour le Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO). Des annonces laissées sans lendemain après la défaite des libéraux.

Doug Ford pourrait cependant se défendre d’avoir ignoré les francophones, en déclarant les inclure dans les mesures comme la réduction de la taxe sur l’essence, le crédit d’impôt pour les aînés, et les investissements records en infrastructures. Des sommes d’argent destinés en réalité à satisfaire l’électorat des banlieues et de la région du grand Toronto.

Ce dernier budget Ford a en tout cas ravivé les tensions entre le premier ministre et le milieu de l’éducation. Anne-Vinet Roy, la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) parle de «poudre aux yeux» et le manque d’investissement «historique».

Plus mesurée, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) voulait tout de même plus de solutions pour contrecarrer la pénurie de main-d’œuvre francophone en Ontario. Il est vrai que la pandémie a donné à cet enjeu autrefois circonscrit surtout aux enseignants une teneur nouvelle dont on ne connaît pas encore les conséquences.

Le contraste était au final saisissant entre ce budget bien tiède et la ferveur accompagnant l’inauguration de la Place des Arts de Sudbury, ce vendredi.



Fruit d’un projet de plus de 10 ans et d’un financement des trois paliers gouvernementaux, le centre deviendra le principal repère pour tous les francophones de Sudbury.

Des projets de ce genre doivent passer par des budgets plus audacieux pour la minorité francophone. Le document financier de cette année a en cela raté cet objectif.

Sébastien Pierroz est journaliste et producteur pour la franchise d’actualité ONFR+ du Groupe Média TFO

Dans le budget annuel de l’Ontario qu’a déposé Peter Bethlenfalvy, un document qui mourra presque certainement au feuilleton avant même d’être adopté par la chambre, il établit clairement les promesses électorales des progressistes-conservateurs pour les années à venir. 

Mais si son parti progressiste-conservateur est réélu le 2 juin, le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy déposera-t-il un plan de dépenses identique à celui présenté jeudi?

Peter Bethlenfalvy, ministre des Finances de l'Ontario.

Questionné de façon insistante par les médias, celui-ci a refusé de répondre par «oui» ou par «non». 

«Nous allons écouter les gens de l’Ontario, s’est-il contenté de répéter. Ceci est le plan que nous proposons, et les gens de l’Ontario vont voter en fonction de ce budget et ce seront eux qui décideront s’il est approuvé ou non.»

L’attachée de presse du ministre, Emily Hogeveen, a tenté de clarifier les propos de M. Bethlenfalvy, en fin d’après-midi. «Ce budget est le plan de notre gouvernement, nous allons adopter ce budget si nous sommes réélus», a-t-elle indiqué dans un courriel envoyé au Droit.

Retour à l’équilibre budgétaire

Il est toutefois convaincu que son plan de dépenses permettra un retour à l’équilibre budgétaire plus tôt que prévu.

Dans un scénario de «croissance au ralenti», l’Ontario aura toujours un déficit de 15 milliards en 2024-2025.

Mais dans un scénario plus optimiste, celui où la province enregistrerait une «croissance accélérée», l’Ontario pourrait enregistrer un surplus budgétaire de 2,4 milliards à la même période.

Or, le gouvernement prévoit dépenser selon un scénario qui se situe plutôt entre les deux, qui verrait le déficit passer à 7,6 milliards en 2024-2025 et qui mènerait à l’équilibre budgétaire, voire à un surplus de 1,3 milliards des coffres, en 2027-2028. 

Pourtant, le Bureau de la responsabilité financière (BRF) avait souligné, dans un rapport publié à la mi-avril, que la province pourrait se sortir du rouge d’ici l’an prochain.

Si la croissance économique s’avère plus lente, ou encore plus rapide que prévu, «le plan financier de l’Ontario changerait», peut-on lire dans le budget de la province.

Un haut fonctionnaire du ministère des Finances a noté espérer que l’économie ne soit pas interrompue à nouveau en raison de la COVID-19. Il a souligné que l’avenir incertain causé par la pandémie et les nouveaux variants du virus continue de poser un risque sur les projections financières.

Les progressistes-conservateurs prévoient dépenser 20 milliards en 2022-2023 pour construire des routes et des infrastructures, entre autres.

Les promesses

Doug Ford et sa troupe promettent «l’un des plus ambitieux plans d’immobilisations» de l’histoire de l’Ontario.

Les progressistes-conservateurs prévoient dépenser 20 milliards en 2022-2023 pour construire des routes et des infrastructures. 

Ce sont près de 159 milliards sur une période de dix ans qui seraient dépensés pour améliorer les systèmes routiers, de transports en commun, de santé et l’accès à Internet haute vitesse si les Ontariens choisissent de maintenir le gouvernement de Doug Ford en poste pour un second mandat. 

Les projets prévus sont situés dans les quatre coins de la province, y compris le Grand Toronto, ainsi que le Nord et le le Sud de l’Ontario.

Le hic: très peu est prévu pour la Ville d’Ottawa.

Certes, le gouvernement a l’intention de soutenir le projet de réaménagement du Campus Civic de l’Hôpital d’Ottawa, le projet d’agrandissement du Centre de santé communautaire Carlington et la réfection d’une partie de l’autoroute 417, près du chemin Walkley.

Or, ces annonces représentent une infime fraction des dépenses prévues pour l’ensemble de la province. 

Les progressistes-conservateurs ont aussi omis d’inclure des engagements pour financer la troisième phase du train léger dans la capitale fédérale.

Le ministre Bethlenfalvy promet aussi de dépenser dans les minéraux comme le nickel et le cobalt, l’acier propre et l’énergie nucléaire, qui devrait contribuer, à ses dires, «à renforcer nos chaînes d’approvisionnement locales liées à la fabrication de batteries de véhicules électriques».

Du nouveau

Plusieurs des mesures annoncées dans le budget présenté jeudi avaient déjà été dévoilées au cours des derniers mois.

Mais le document comprend bel et bien du nouveau: la Ford Nation propose une amélioration au programme de crédit d’impôt pour les personnes et les familles à faible revenu (CIPFR).

Lorsque Doug Ford est arrivé au pouvoir et qu’il a annulé le plan du gouvernement libéral précédent d’augmenter le salaire minimum à 15$ l’heure, il avait mis ce programme sur pied pour compenser alléger le fardeau fiscal des personnes qui font moins de 38 500$ par année.

Dès 2022, ce crédit d’impôt touchera les personnes qui qui font un salaire de 50 000$ ou moins, et l’allégement maximal passerait de 850$ à 875$ par année. 

Cette bonification du programme permettrait à 700 000 Ontariens de plus qui pourraient toucher ce crédit d’impôt, et toucherait donc un total de 1,7 millions de personnes.

Si Doug Ford est réélu, il promet aussi un crédit d’impôt pour les soins à domicile pour les aînés.

Le gouvernement ontarien promet également de construire plus de routes menant au Cercle de feu, un gisement important de minéraux qui, selon la province, «jouera un rôle clé pour assurer la prospérité future de l’Ontario».

Le ministre Bethlenfalvy promet aussi de dépenser dans les minéraux comme le nickel et le cobalt, l’acier propre et l’énergie nucléaire, qui devrait contribuer, à ses dires, «à renforcer nos chaînes d’approvisionnement locales liées à la fabrication de batteries de véhicules électriques».

Doug Ford réitère aussi, dans son budget, ses promesses de réduire la taxe sur l’essence de 5,7 cents le litre pendant six mois à compter du 1er juillet de cette année, de supprimer les frais de renouvellement des plaques d’immatriculation et la suppression des péages sur deux autoroutes de la province.