Chronique|

L’étiquette, un badge d’inclusion ou d’exclusion?

Un appel de candidatures de l’Université Laval pour une chaire de recherche en biologie n’y va pas par quatre chemins. On indique clairement que seuls les candidats s’étant auto-identifiés à l’une des catégories sous-représentées pouvaient être retenus. Le message est clair, si le postulant n’est ni une femme, ni un Autochtone, ni en situation de handicap ou appartenant à une minorité visible, il n’a aucune chance.

CHRONIQUE / Qui souhaite être embauchée, choisie ou nommée en fonction de son origine, son handicap ou son genre? C’est tout de suite ce qui m’est venu en tête lorsque j’ai lu le tweet de Guy Nantel qui soulignait l’exclusion de «l’homme blanc non handicapé». Un appel de candidatures de l’Université Laval pour une chaire de recherche en biologie n’y va pas par quatre chemins. On indique clairement que seuls les candidats s’étant auto-identifiés à l’une des catégories sous-représentées pouvaient être retenus. Le message est clair: si le postulant n’est ni une femme, ni un Autochtone, ni en situation de handicap ou appartenant à une minorité visible, il n’a aucune chance.


Puisque je porte désormais deux étiquettes identifiées par cette annonce, je me suis sentie interpellée par le débat qui s’en est suivi. Le gazouillis dénonciateur de l’humoriste a fait boule de neige sur les réseaux sociaux ainsi que dans les médias. La polémique a même résonné jusqu’à l’Assemblée nationale où tous les partis politiques se sont exprimés dans le même sens: le dérapage au nom de la discrimination positive n’est pas la solution à l’inclusion.

Déjà, la juxtaposition des mots discrimination et positive fait un peu mal aux yeux comme aux oreilles.



L’Université Laval s’est défendue avec raison, elle est loin d’être la seule. Remplir les quotas imposés par le gouvernement fédéral pour accéder aux subventions est monnaie courante.

Lorsque l’on observe les données publiées dans le Plan d’action équité, diversité et inclusion du programme des chaires de recherche du Canada, on dénote l’écart important entre les hommes et les femmes chez le corps professoral de l’Université Laval, mais encore plus significativement, le pourcentage de personnes handicapées apparaît plus que faible par rapport aux autres minorités visibles. Les autochtones, eux, arrivent trop souvent en fin de peloton.

Maintenant que tout le monde s’accorde pour dénoncer à la fois la minorité de certaines étiquettes dans certains secteurs tout en étant contre l’exclusion de la majorité dans ceux-ci, que doit-on faire pour équilibrer les équipes?

Je n’ai évidemment pas de solution magique. Et je m’interroge: doit-on poser une étiquette sur les gens pour inclure la différence? Car la personne qui la porte déjà et qui cherche à être vue et perçue au même titre que les autres, verra-t-elle une victoire dans sa nomination?



On le sait, être une femme ou appartenir à une minorité visible n’est pas une compétence en soi. Bien que ces groupes spécifiques peuvent apporter un angle de vue différent et enrichissant à une cellule homogène, il faut d’abord être qualifié, comme l’indique d’ailleurs l’appel de candidatures de l’Université Laval.

Reste que l’idée d’être favorisé doit hanter l’heureux ou l’heureuse élue. Quoique... Peut-être arrive-t-on à se dire que pour tous les autres embûches et préjugés rencontrés, la chance a le droit de tourner un peu de son côté.

J’ai survolé les 97 pages du plan d’action de l’Université Laval révisé en novembre 2020. Les résultats d’un sondage exhaustif pour bien cibler l’étiquette à apposer tentent réellement de faire avancer les mentalités et par conséquent, d’améliorer les conditions de travail. Le corps professoral et les experts consultés semblent avoir bien identifié les irritants que vivent certaines personnes au sein du campus. De nombreuses mesures sont déployées et si ce n’était pas d’écarter systématiquement «le jeune homme blanc non handicapé» dans un peu moins de la moitié des chaires de recherche, on n’y verrait que du bon.

Les mêmes efforts devraient être généralisés sur l’entièreté du marché du travail. Augmenter le nombre de professeurs masculins dans nos écoles pourrait aussi être un bel objectif à adopter. Avoir plus d’infirmiers et de préposés dans le milieu de la santé serait autant bénéfique, à mon humble avis, que viser à voir plus de femmes en politique, entre autres.

Juste pour prêcher un peu plus pour ma paroisse, si les lieux étaient davantage accessibles en fauteuil roulant, ça élargirait davantage le bassin de travailleurs et travailleuses en situation de handicap.

C’est quand même triste de constater que ces mesures pour inclure ou exclure des candidats selon l’étiquette ont vu le jour suite au racisme, à l’homophobie, au capacitisme et au sexisme. Les mentalités changent. Lentement, très lentement, mais sûrement.



Je suis une femme en situation de handicap, mais aussi une mère de deux garçons en santé. Et comme tout parent, je souhaite qu’ils puissent atteindre leurs objectifs sans contrainte, sans exclusion.

De toute façon, les gens ne sont pas les étiquettes qui les différencient les uns des autres. Les gens sont d’abord et avant tout: François, Julie, Nabil, Pierre, Inaya, Monique…

J’ai hâte qu’on traite l’être humain de la même façon qu’on aimerait être traité. Est-ce possible qu’un jour, toutes les étiquettes tombent?

Car il est là le vrai défi de l’équité.

***

Pour consulter le plan d’action Équité, diversité et inclusion de l’Université Laval concernant le programme des chaires de recherche du Canada, suivez le lien: https://institutedi2.ulaval.ca/nouvelles/plan-daction-en-edi/