CNA: tempête sensorielle aux confins du vide

<em>White Out</em> présentée du 6 au 9 avril au Théâtre français du Centre national des arts (CNA) se veut une immersion dans ce vide qui nous envahit quand on fait face au désespoir.

White Out présentée du 6 au 9 avril au Théâtre français du Centre national des arts (CNA) se veut une immersion dans ce vide qui nous envahit quand on fait face au désespoir. À peine assis, le spectateur est plongé dans une tempête sensorielle de sept minutes. Ainsi déboussolé, il peut ressentir pleinement la pièce et les émotions qui la traversent.


«White Out évoque une perte de repères, un vide dans lequel on peut tomber quand on vit une peine d’amour, une dépression, un “burn-out”. Quand on a l’impression qu’on est perdu, mais que peu à peu l’espace reprend vie», raconte l’actrice et metteuse en scène Anne-Marie Ouellet.

La création de la compagnie L’eau du bain, qui a nécessité plus de quatre années de travail, a pour décor la chambre face à la mer Noire dans laquelle se déroule le roman, La maladie de la mort, de Marguerite Duras. Sur scène, un lit avec un amas de draps et Anne-Marie Ouellet rejoint par «cinq enfants qui viennent resemer la vie dans cette chambre».

«Ce qu’on a voulu creuser, c’est ce moment où le personnage se rend compte que son amour n’est plus là et qu’il tombe dans le désespoir, explique-t-elle. Ce qui nous intéressait ce n’était pas de raconter l’histoire, mais plutôt d’amener le spectateur dans ce moment de perte de repères», poursuit la metteuse en scène qui réside en Outaouais.

Et pour que le spectateur puisse vivre ces émotions pleinement, il est plongé dans un “white out” – ce phénomène du voile blanc, qui apparaît au cours de certaines conditions météorologiques. «Ce sont ces tempêtes dans le nord, quand il y a du vent, de la poudrerie, de la neige et que la lumière s’y reflète. Cette impression de flotter dans le vide, c’était notre point de départ pour créer la pièce», précise Anne-Marie Ouellet.

Les paysages sonores conçus par Thomas Sinou et lumineux de Nancy Bussières ont donc été les pièces centrales pour recréer ce “white out”. «Le texte, lui, est mis au service de ces paysages», explique Mme Ouellet. Un écran géant, rétroéclairé par des points D.E.L., tapisse tout le fond de la scène, donnant ainsi une perception de lumière en perpétuel mouvement.

Le spectateur est plongé dans un “white out” – ce phénomène du voile blanc, qui apparaît au cours de certaines conditions météorologiques. 

«Il y a aussi beaucoup de fumée qui diffuse la lumière, ajoute la metteuse en scène. Le public a l’impression que la lumière vient jusqu’à lui. Le son, quant à lui, est très présent dans l’impression, mais moins dans la narration», décrit-elle.

L’objectif: «secouer le spectateur de l’intérieur» et le faire entrer dans un autre état de perception. «En traversant cette tempête sensorielle, le spectateur voit et entend différemment. Le texte chemine au vous, et dit: “Imaginez, vous rentrez dans votre chambre et votre amour n’est plus là”. Et là, chacun se projette dans ces propres souvenirs et fait son propre voyage à travers ça, souligne-t-elle. On n’est pas dans le récit, mais davantage dans des images qui vont agir comme le fait la poésie et laisser la place au spectateur de faire sa propre interprétation».

<em>La chambre des enfants </em>fait<em> </em>appel au même dispositif de son et de lumière que pour <em>White Out</em> 

Version adaptée aux enfants

La chambre des enfants, présentée du 9 au 10 avril et destinée à un public plus jeune, fait écho à White Out. Si le diptyque a un lien esthétique, la metteuse en scène précise que l’histoire est différente.

Cette création voit sept enfants, âgés de 7 à 14 ans, «incarnant une fratrie disparate et jouant dans une chambre» aux murs scintillants. Le clan en pyjama y fait apparaître tout ce que l’imaginaire de l’enfance a à offrir.

Faisant appel au même dispositif de son et de lumière que pour White Out – à l’exception de la fumée –, les rêves et les jeux des enfants sont amplifiés. «On vient donner corps à leur rêve. Ils se transforment tour à tour en montagne qui parle un langage inventé, en loup qui rôde dans la chambre, détaille Anne-Marie Ouellet. Le son permet entre autres de transformer une voix ou de recréer l’ambiance de la forêt». Tandis que l’écran géant et la lumière font défiler des paysages.

La chambre des enfants a nécessité un an et demi de travail et beaucoup d’ateliers avec les enfants non-acteurs. «Tout le spectacle a été créé à partir d’exploration et de jeux qu’on a faits avec eux. C’était important pour nous de ne pas en faire de petits acteurs, mais plutôt de nous mettre à l’écoute de leurs interactions, de leur façon de jouer et de créer sur le plateau», explique la cofondatrice de L’eau du bain.

<em>La Chambre des enfants</em> est présentée du 9 au 10 avril au CNA.

La compagnie de théâtre qui «a une expérience avec les non-acteurs,» poursuit ainsi l’exploration amorcée avec Impatience, élaborée avec des adolescents, et Nous voilà rendus, créée avec des personnes âgées. «Mais les enfants, c’est différent. Ils sont très joyeux et ça demande beaucoup d’énergie pour les suivre», conclut Anne-Marie Ouellet.

White Out est présentée du 6 au 9 avril et La Chambre des enfants du 9 au 10 avril au CNA.