Plan Dubé en santé: les ressources seront-elles au rendez-vous?

Le ministre de la Santé, Christian Dubé

Tout en soulignant que le plan de réorganisation des soins de santé au Québec est rempli de «belles intentions», le président de l'Association des médecins omnipraticiens de l'ouest du Québec (AMOOQ), le Dr Guillaume Charbonneau, attend maintenant de voir si «les ressources et les investissements seront au rendez-vous» pour que la réforme proposée donne des résultats significatifs.


Quelques heures à peine après que le ministre de la Santé, Christian Dubé, eut présenté les grandes lignes de son «plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé», le Dr Charbonneau a réagi en affirmant que les mesures proposées sont «toutes intéressantes à réaliser». «Mais on se l'est fait promettre souvent, a-t-il précisé. […] Des fois, les intentions sont là, mais les ressources ne sont pas au rendez-vous. Des fois, le discours va dans un sens et les actions vont dans l'autre.»

Les espoirs du GAP

Le guichet d'accès à la première ligne (GAP), dont le ministre a vanté les résultats obtenus au Bas-Saint-Laurent, est une avenue intéressante pour les médecins de famille. «C'est un des éléments sur lesquels on fonde le plus d'espoir, parce que sans ça, c'est impossible d'y arriver», estime le Dr Charbonneau. Le GAP devrait être mis en place partout en province d'ici la fin de l'année, afin que les patients puissent l'utiliser comme porte d'entrée unique pour consulter le bon professionnel au bon moment. Le président de l'AMOOQ a fait savoir que cette façon de faire a été implantée de façon «embryonnaire» au cours des dernières semaines en Outaouais, d'abord auprès des patients en attente d'un médecin de famille qui en ont le plus besoin, soit les priorités A et B.

Le Dr Charbonneau note qu'environ la moitié des consultations effectuées auprès de médecins de famille pourraient être évitées. Dans un contexte où il manque environ 1000 omnipraticiens en province, il sera donc bienvenu que les autres professionnels de la santé soient mis à contribution. Selon le président de l'AMOOQ, plusieurs patients ignorent, par exemple, que les optométristes peuvent être consultés pour un corps étranger dans l'oeil et que les pharmaciens peuvent aider ceux qui souffrent de multiples infections urinaires.

Le Dr Charbonneau souhaite aussi que le gouvernement valorise véritablement la médecine familiale, en soulignant que c'est l'effet contraire qui se vit actuellement avec le projet de loi 11.

Un «employeur de choix»

Le ministre Dubé a affirmé, mardi, que le réseau de la santé doit devenir un «employeur de choix», tant pour les employés actuels que pour en attirer de nouveaux. Le président de l'AMOOQ estime à cet égard que l'Outaouais mérite «clairement» les incitatifs particuliers promis par la Coalition avenir Québec, en raison de la proximité de la région avec l'Ontario. Même si la promesse date de la campagne électorale de 2018 et qu'elle a été réitérée à plusieurs reprises depuis, le gouvernement n'a toujours pas fait connaître sa stratégie spécifique à l'Outaouais. Or, si l'Outaouais veut tirer son épingle du jeu, il faut que les conditions de travail soient compétitives avec ce qui est offert de l'autre côté de la rivière, insiste le Dr Charbonneau.


Quand les choses sont gérées trop à distance, les gens ont l'impression de ne pas être écoutés et que leurs problèmes ne sont pas pris au sérieux parce que les gestionnaires sont trop loin, et ça amène un peu de désengagement

Décentralisation

Le président de l'AMOOQ voit aussi d'un bon œil la volonté de gouvernement de décentraliser, ce qui permettrait «une correction par rapport à la centralisation excessive qui est arrivée en 2015 avec la réforme Barrette, qui a laissé énormément de séquelles desquelles le réseau ne s'est toujours pas relevé». Encore là, le Dr Charbonneau insiste pour dire que les ressources devront suivre, entre autres pour qu'il y ait des gestionnaires de proximité qui pourront prendre de réelles décisions, au lieu que tout soit centralisé. «Quand les choses sont gérées trop à distance, les gens ont l'impression de ne pas être écoutés et que leurs problèmes ne sont pas pris au sérieux parce que les gestionnaires sont trop loin, et ça amène un peu de désengagement», expose le Dr Charbonneau.

Informatisation

L'information des données de santé est aussi un élément primordial que le Dr Charbonneau souhaite voir le plus rapidement possible. Trop souvent, dit-il, les médecins doivent travailler sans avoir accès à toute l'information nécessaire. En Outaouais, les médecins voient aussi le contraste quand leurs patients consultent un spécialiste en Ontario. Le bilan informatisé de la consultation est disponible dès le lendemain, alors que du côté québécois, il peut arriver que rien ne soit rentré après des mois. «On a des retards importants au niveau de l'informatisation du réseau et de la circulation efficace de l'information, déplore-t-il. […] Il y a une perte de temps et de qualité [qui en découle].»

Le CISSSO collaborera

Le Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) n'a pour sa part pas voulu réagir, mardi, à l'annonce du plan de Christian Dubé. «Il est encore trop tôt pour pouvoir commenter alors que nous prenons actuellement connaissance de l'annonce effectuée [...] par le gouvernement, a fait savoir l'organisation dans une réponse écrite. Nous donnerons notre entière collaboration à la réalisation du plan.»