Enfants: 6 h par jour devant un écran en début de pandémie

En mars 2020, quand les garderies et les écoles ont fermé en raison de l’émergence du virus, de nombreux parents se sont retrouvés à travailler à la maison tout en surveillant les enfants; à superviser l’école à distance; à animer leurs rejetons en manque de contacts sociaux dans une routine éreintante. Plusieurs ont alors permis à leurs enfants de passer plus de temps devant la télé, la tablette, le téléphone ou l’ordinateur. Que celui qui n’a jamais lancé un film juste avant une réunion jette la première pierre!


Une équipe de l’Université Western, en Ontario, a voulu quantifier le phénomène. Ils ont sondé 73 familles ayant au moins un enfant de 6 à 12 ans. Ces familles ont affirmé qu’avant la pandémie, les enfants passaient environ deux heures par jour devant un écran. Entre mars et juin 2020, le bilan est plutôt monté à 5,9 heures par jour. Ce chiffre exclut les classes virtuelles. 

Si le nombre de familles sondées demeure modeste, les résultats, parus dans l’édition de décembre du Journal of Affective Disorders Reports, sont cohérents avec les hausses observées dans plusieurs autres pays, dont le Chili (3 heures chez les 1 à 5 ans) et la Turquie (6,4 heures pour les 6 à 13 ans). 

Les chercheurs ontariens ont remarqué que plus les parents se disaient stressés, plus les enfants avaient accès aux écrans. Pareillement, plus les parents étaient insatisfaits de l’école à distance, plus les jeunes passaient de temps sur les écrans pour le divertissement.

Mécanisme d’adaptation

Quel sera l’effet de cette hausse? C’est à voir. Mais même avant la pandémie, les effets du temps passé devant l’écran étaient imprécis, comme nous vous expliquions ici. Certaines études pré-pandémiques ont fait état de potentiels enjeux de santé mentale, d’interaction sociale, de trouble du sommeil et de sédentarité. Plusieurs études datent de l’époque ou la télévision était le seul écran disponible, ce qui permet difficilement de tirer des conclusions des expositions actuelles.

Les auteurs de l’étude se gardent bien de juger les parents. La hausse du temps d’écran a pu permettre d’éviter des conflits parents-enfants ou d’augmenter les contacts sociaux des jeunes (salutations aux grands-parents qui ont diverti leur descendance sur Facetime!) Ils estiment que la recherche scientifique devra explorer les bénéfices et les désavantages du temps d’écran pour les parents et les enfants dans un contexte de confinement.

La professeure de psychologie à l’Université Laval Célia Matte-Gagné souligne que l’augmentation du temps d’écran a constitué un mécanisme d’adaptation pour des parents. «Le fait de devoir travailler tout en prenant soin de leurs enfants – ce qui représente en soi un stress–, a effectivement pu amener les parents, alors plus stressés, à proposer davantage des activités qui nécessitaient moins leur présence. Les parents devaient travailler pour continuer à subvenir aux besoins de la famille. Les activités qui impliquent les écrans, telles que d’écouter un film, exigent moins de surveillance de la part des parents que des activités extérieures, pour donner un exemple, et ces activités permettent aux parents de travailler tout en offrant une présence minimale à l’enfant», dit la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la trajectoire de développement de l’enfant et le rôle du père.

La durée du temps d’écran est un facteur, mais elle rappelle que le type de contenus consommés par les enfants (éducatif, versus un jeu comme Fortnite) influence le portrait, tout comme le moment du jour où ce divertissement est permis (le matin, versus juste avant de dormir, ce qui peut nuire au sommeil). 

À tout ceux qui s’en veulent d’avoir laissé filer les épisodes de La Pat’Patrouille, elle offre ce message. «En temps de crise,  il est normal de vivre plus de stress comme parent et aussi de s’inquiéter des conséquences négatives que peuvent avoir sur nos enfants les changements qui surviennent durant la crise, dit la docteure Matte-Gagné. Bien que normale, la culpabilité associée à l’augmentation de l’usage des écrans devrait être mise de côté par les parents.»

Avant la pandémie, la Société canadienne de pédiatrie recommandait aux parents de ne pas exposer les enfants de moins de deux ans à des écrans et de limiter la consommation des 2 à 5 ans à un maximum d’une heure par jour. Chez les plus vieux, les experts conseillaient un bon encadrement, sans prescrire un nombre d’heures précis.

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Ce texte est d'abord paru dans Québec Science. Pour lire d'autres articles de ce magazine, rendez-vous sur www.quebecscience.qc.ca.