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C’était l’heure bleue, le ciel était couvert et une fine neige tombait sur la forêt. Le décor était parfait.

Et là, durant un magnifique instant, la tête de la chouette a fait une rotation de 270 degrés, comme pour saluer le photographe.

L’hypnotisante vidéo que M. Bégin a en a tiré traduit bien à quel point il a été émerveillé à la vue de la plus grosse chouette du Québec, perchée devant lui dans un parc naturel de la Mauricie.

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Cet art de l’émerveillement, Jean-Simon Bégin, 31 ans, l’aiguise au quotidien. «C’est un métier contemplatif, dit-il. On est presque en méditation : plus on est en fusion avec le moment présent, plus on est à même de bien le capter.»

Quand il était gamin, à Cap-Rouge, Jean-Simon Bégin pouvait passer des heures à admirer les insectes et à les photographier. Il en faisait aussi une grosse collection, à laquelle il a ensuite mis fin pour ne plus avoir à les tuer. «C’était une façon naïve pour moi de dire : regardez comment c’est beau!»

M. Bégin se souvient d’avoir pris sa première photo animalière vers l’âge de 12 ans, celle d’un canard colvert en plein vol. Il se rappelle aussi à quel point son appareil photo était hyperactif lorsqu’il allait voir Papillons en Fête au Jardin Hamel, à L’Ancienne-Lorette.

Quand il a eu son permis de conduire, Jean-Simon Bégin prenait la route tôt le matin avec un ami pour être sûr d’arriver avant le lever du soleil au Parc national de la Jacques-Cartier, à Stoneham. Il photographiait des orignaux, des renards, des castors, captivé par ce moment d’intimité que des animaux partageaient avec lui.

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Parfois, la recherche est extrêmement minutieuse. «Tu marches doucement, doucement, tu regardes partout à 360 degrés, à chaque deux pas», décrit le photographe de Québec.

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Lorsque son sujet animalier apparaît enfin, le spectacle est fascinant. Après 20 ans de métier, Jean-Simon Bégin, qui est aussi peintre, excelle à rendre la splendeur de ces instants d’intimité partagés avec la faune nordique.

En 2021, M. Bégin a été élu photographe de l’année par Canadian Geographic. «Par sa beauté, son originalité et sa capacité d’évocation», son travail s’est distingué parmi les 7000 candidatures au concours, note le magazine.

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M. Bégin, qui est aussi peintre, a longtemps dû travailler en restauration avant de pouvoir vivre uniquement de la photo. Maintenant, il est un des rares photographes à gagner sa vie en braquant son objectif sur la faune québécoise.

En décembre 2021, Jean-Simon. Bégin a été élu photographe de l’année par Canadian Geographic, un magazine qui met en valeur le travail des photographes canadiens. Les éditeurs de la revue ont notamment été conquis par ses photos prises lors de deux expéditions au Nunavik, dans le Grand Nord québécois, en septembre dernier.

Quand il revient sur sa carrière, Jean-Simon Bégin voit un fil conducteur. «J’ai toujours eu une fascination pour la nature, une espèce de curiosité sans borne de toujours arriver devant l’inconnu, devant le formidable, dit-il. Cette fascination que j’avais de m’ébahir devant des papillons et des bibittes, je l’ai encore aujourd’hui. J’ai toujours cultivé ça. C’est une des choses les plus précieuses que j’aie en moi».

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Exercer l’émerveillement

Comme Jean-Simon Bégin, on a tous la capacité de s’émerveiller. Cette aptitude est peut-être enfouie depuis longtemps, ramollie par des années de vie effrénée. Ou peut-être qu’elle s’est réveillée avec des balades en forêts durant la pandémie. Dans tous les cas, elle est là. Elle demande juste à faire un peu d’exercice.

Pour les cyniques, l’émerveillement est un truc réservé aux enfants ou aux adultes un peu gagas qui persistent à se pâmer devant des banalités : hon, regarde les belles fleurs!

Mais ce que la science constate depuis une vingtaine d’années — et que des religions et la philosophie avaient deviné longtemps avant —, c’est que l’émerveillement fait partie des grandes émotions positives qui infusent le quotidien de l’être humain, comme la joie, l’amour, l’espoir ou la fierté, par exemple.

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Dans son livre Mieux vivre grâce à la pensée positive, publié l’an dernier en français, la psychologue Barbara Fredrickson, considérée comme une pionnière de l’étude des émotions positives, décrit l’émerveillement* comme ce qui se produit lorsque vous «êtes momentanément cloué sur place» et que «vous avez accès à quelque chose de plus grand que vous-mêmes».

On ressent tous de l’émerveillement de temps en temps, le plus souvent quand on est happé par la beauté de la nature — une forêt majestueuse, un coucher de soleil derrière une montagne, des vagues qui se brisent sur le rivage.

Mais on peut aussi s’émerveiller en contemplant une toile de Riopelle, le Château Frontenac, Maxence Parrot qui s’élance au grand saut aux JO ou une vidéo d’une chouette lapone qui tourne la tête à 270 degrés.

Selon une étude, on est émerveillé environ une fois par trois jours. Mais on pourrait faire beaucoup mieux que ça. En fait, on devrait, parce que l’émerveillement peut donner un gros coup de pouce à notre bien-être.

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Mathématique du bonheur

La recherche a montré notamment que lorsqu’on est émerveillé par quelque chose de plus grand que soi, on se sent plus humble, moins individualiste et moins matérialiste.

Mais le bienfait le plus évident — et peut-être le plus important — de l’émerveillement est qu’il s’agit d’une émotion positive.

Lorsque vous ressentez une émotion positive, les niveaux d’hormones du bien-être — dopamine, sérotonine, endorphines et ocytocine — augmentent dans votre cerveau. Et que se passe-t-il?

Vous vous sentez bien, vous sentez que la vie est belle. Et plus vous baignez souvent dans cet état, plus vous êtes heureux. Le bonheur est, d’une certaine façon, mathématique.

C’est un peu comme si une montre intelligente pouvait calculer votre ratio d’émotions positives par rapport à votre niveau d’émotions négatives et qu’à la fin de la journée elle vous envoyait un message : «Bravo! Aujourd’hui, vous avez atteint un ratio de 4 émotions positives pour 1 émotion négative.» Ou : «Dure journée! Vous avez atteint un ratio de 5 émotions négatives pour 1 émotion positive».

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Bien sûr, le bonheur est plus compliqué que ça. L’indice le plus couramment utilisé pour mesurer le bonheur est notre niveau de satisfaction à propos de notre vie — et cet indice exige une perspective plus large que le bilan des sourires et des sourcils froncés. Il nous demande si on a accompli ce qu’on voulait à notre âge et si notre vie a un sens.

Mais selon le psychologue Daniel Kahneman, prix Nobel en 2002, on ne devrait pas sous-estimer l’importance du bonheur qu’on expérimente d’heure en heure, celui est tissé d’une succession d’émotions positives et négatives.

Pour Kahneman, on peut augmenter le bonheur «expérientiel» de façon relativement simple : en passant moins de temps à faire des activités déplaisantes, comme être dans le trafic, et plus de temps à faire des activités plaisantes, comme faire de l’exercice ou socialiser.

Rattaché à l’émerveillement, ce principe signifie qu’on aurait avantage à émailler notre horaire d’activités susceptibles de nous émerveiller.

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Selon le centre scientifique Greater Good, de l’Université Berkeley, en Californie, l’émerveillement a tendance à se produire dans des endroits qui ont deux caractéristiques principales : l’immensité physique et la nouveauté.

Alors, si vous êtes un adepte de randonnée pédestre, n’hésitez pas à explorer de nouveaux sentiers et à chercher des miracles de la nature, comme de grands arbres, des falaises, des chutes. Et si vous préférez les décors urbains, variez les quartiers ou les villes et admirez les structures vertigineuses comme les ponts, les gratte-ciel, les églises.

Mais on peut aussi s’émerveiller en étant plus attentif aux détails. Par exemple, j’ai récemment lu une entrevue avec une critique gastronomique qui s’est mise à photographier chaque jour les visiteurs de son jardin.

Habituellement, elle ne remarquait que les bourdons. Mais, à force de poser son objectif, elle s’est mise à relever tous ses invités botaniques : les colibris, les guêpes, les mouches et un gros criquet qui était toujours assis à la même place.

Ce genre de rituel d’émerveillement nous force à relever la tête de nos téléphones intelligents et à nous affranchir des diktats de la productivité, qui ont tendance aussi à s’immiscer dans nos loisirs.

Un lecteur m’avait déjà parlé des «grouillants», ces gens qui s’entraînent en nature, mais oublient de la contempler.

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«Hier, à l’heure du souper, je suis passé par la chute Montmorency, m’avait-il écrit. Je ne saurai pas trouver les mots pour décrire cette chute gonflée à ce temps-ci de l’année. De partout où je me déplaçais, elle m’apparaissait différente, je ne me lassais plus de l’observer, de l’entendre».

Pendant ce temps-là, me décrivait-il, une bonne dizaine de grouillants montaient les 487 marches de l’escalier, moniteurs cardiaques attachés aux avant-bras. Combien parmi eux avaient pris le temps de s’attarder à la beauté de la chute après l’exercice? «Je lance un chiffre comme ça : 0», évaluait le lecteur.

Et vous, prenez-vous le temps de vous émerveiller de la nature? Ou faites-vous juste passer?

Jean-Simon Bégin, lui, estime qu’il devient de plus en plus contemplatif en forêt avec les années. Il se met moins de pression pour ramener des photos parfaites de ses expéditions.

La faune et la flore continuent de l’émerveiller même si la chasse n’a pas été bonne. «Je ne sens pas que je perds mon temps, dit-il. Je sens que je suis à la bonne place au bon moment.»

***

* Dans son livre original publié en anglais, Barbara Fredrickson utilise le mot «awe» qui n’a pas d’équivalent direct en français. La traduction française du livre utilise le mot «admiration». Mais j’ai choisi d’utiliser le mot «émerveillement» qui est, à mon avis, plus proche de la signification de «awe» en anglais.

","type":"paragraph","contents":[],"photos":[]},{"caption":"Photographie intitulée «Flocons»","contentType":"image","credits":"JEAN-SIMON BÉGIN","position":17,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fe971b837-f5ce-448e-9556-35b37c79c712.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},{"position":18,"text":"

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UN EXERCICE POUR S'ÉMERVEILLER

Comment faire pour s’émerveiller plus souvent? Un moyen simple : prenez 15 minutes et faites une «promenade d’émerveillement».

L’exercice consiste à aller marcher en étant vraiment à l’affût de votre environnement. Vous marchez avec un regard neuf, comme si vous étiez là pour la première fois. Au lieu d’être portée à l’intérieur sur vos soucis quotidiens, votre attention se concentre sur l’extérieur.

Une étude publiée en 2020 dans la revue scientifique Emotion a montré que des personnes âgées qui ont fait des «promenades d’émerveillement» hebdomadaires de 15 minutes pendant huit semaines ont signalé une augmentation des émotions positives et moins de détresse dans leur vie quotidienne.

Voici comment faire une promenade d’émerveillement (votre cellulaire doit être fermé)

1 Inspirez profondément. Comptez jusqu’à 6 en inspirant et jusqu’à 6 en expirant. Sentez l’air circuler dans vos voies nasales et entendez le bruit de votre respiration. Revenez à ce souffle tout au long de la promenade.

2 Quand vous commencez à marcher, sentez vos pieds sur le sol et écoutez les sons environnants.

3 Redirigez votre attention afin d’être ouvert à ce qui vous entoure, aux choses vastes, inattendues, aux choses qui surprennent et ravissent.

4 Inspirez à nouveau profondément. Encore une fois, comptez jusqu’à six en inspirant et jusqu’à six en expirant.

5 Laissez votre attention s’ouvrir à l’exploration et passer du vaste au petit.

6 Continuez votre promenade et, de temps en temps, ramenez votre attention sur votre respiration. Comptez jusqu’à six en inspirant et jusqu’à six en expirant. Prenez le temps de remarquer la multitude d’images, de sons, d’odeurs et d’autres sensations dont vous êtes conscients.

Source : Centre de science Greater Good, Université Berkeley

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