Se joignant aux moyens de pression prévus partout en province jusqu'à jeudi sous le thème «Engagez-vous pour le communautaire», 74 organismes d'action communautaire autonome de la région ont fait entendre leur voix lundi alors que près de 200 personnes ont manifesté lors d'une marche «funèbre» sous escorte policière dans les rues du centre-ville de Gatineau.
Malmenés aussi par les impacts de la pandémie, ces organisations qui se décrivent comme un «maillon essentiel du filet social et de la vie démocratique des communautés» sonnent l'alarme car elles sont «à un point de rupture» — certaines disent carrément craindre pour leur survie — en raison notamment de la pénurie de personnel, de la hausse des besoins et du sous-financement, dit la Table régionale des organismes communautaires de l’Outaouais (TROCAO).
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Défaillance
Martelant comme d'autres que des promesses avaient été faites à cet égard par le gouvernement, le coordonnateur de Droits-Accès Outaouais, Sekou Cissé, affirme que le nerf de la guerre est l'argent.
«Il faut que le gouvernement s'assume et prenne conscience du rôle que les organismes comme le nôtre jouent dans la communauté. Qu'on le veuille ou non, on est en première ligne pour le soutien à la population et avec la pandémie qu'on vit depuis deux ans, les besoins augmentent de plus en plus, par exemple en santé mentale. C'est nous qui faisons la job. On nous demande d'en faire plus mais les moyens ne suivent pas. De façon générale, le financement des organismes communautaires au Québec est défaillant, on peut même dire que c'est endémique. Le message à lancer à M. Legault, c'est de se réveiller, pour qu'en contrepartie on soit en mesure de renforcer notre soutien, nos services», dit-il.
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Selon ce dernier, cela fait «trop longtemps» dans la province qu'on entend «de belles paroles» à ce sujet et le gouvernement a l'occasion de renverser la vapeur, parce que «le sous-financement tue», pouvait-on lire sur certaines affiches.
«Il est temps de passer à l'acte. [...] On a besoin de plus de moyens. Dans notre cas, on est le seul (organisme) à offrir ce genre de mission et on dessert autant Gatineau que le reste de la région, avec les zones rurales», a-t-il plaidé, au son des sifflets.
Jacinthe Potvin, directrice générale du Centre Kogaluk, affirme qu'il y a des limites à avoir «un grand coeur comme le monde» et qu'il faut cesser de percevoir ces organismes comme «des œuvres de charité»: il faut, dit-elle, hausser les subventions pour offrir des services de qualité et des conditions de travail décentes.
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«Le manque de financement a des impacts majeurs. Premièrement, plutôt que de se concentrer sur notre mission, on se bat 24/7 pour survivre, alors on est toujours en mode survie, ce qui est extrêmement plate. Il y a aussi des conséquences au niveau du personnel, tout le monde le dit: moi, si une petite fille sort du programme de travail social et que je lui dis qu'elle aura 16 ou 17$ l'heure, elle va passer six mois chez moi pour avoir une expérience de terrain puis elle s'en ira. Et on sait qu'au niveau des personnes qu'on dessert, des gens très fragilisés, ça prend du temps à faire confiance dans la vie, souvent ils ont été brûlés, ont été des numéros une partie de leur vie, alors il faut de la constance», lance-t-elle.
«L'épée dans les airs»
Mme Potvin souhaite rappeler au gouvernement que les organismes communautaires offrent un service «parallèle» au système de santé et qu'ils méritent plus de reconnaissance plutôt que d'être sans cesse forcés de se battre pour se faire entendre.
«Pour la survie de l'organisme, ça fait 21 ans que j'ai l'épée dans les airs alors il y a de l'essoufflement. Ce qu'on fait dans le communautaire, c'est incommensurable, ç'a une valeur incroyable. L'État économise tellement. Pour une personne en psychiatrie que moi j'héberge, pour une personne qui devrait être en prison, combien fais-je épargner à l'État? Les sous que je reçois représentent ce qu'une seule personne coûte en psychiatrie par année mais j'en ai 25. C'est tout ça. On aimerait continuer notre mission parce qu'on l'a à cœur. À un moment donné, le guerrier est fatigué. Quatre ou cinq ans, c'est souvent à peu près tout ce que les gens du milieu peuvent faire, car non seulement c'est difficile de côtoyer la souffrance humaine chaque jour mais tu n'as pas non plus les moyens pour habiliter les gens à ouvrir leurs ailes et s'en sortir», de dire l'intervenante de longue date.
Elle précise que c'est de l'aide récurrente dont ont urgemment besoin des organismes comme celui qu'elle dirige, qui célébrera 40 ans d'existence cette année.
«Des vies, on en a transformé. On a contribué incroyablement au rayonnement et à la reconstruction de ces gens-là mais à un moment donné, que faut-il faire pour que je prouve la valeur de notre existence? [...] M. Legault, j'espère que vous allez prendre conscience de ce cri du coeur, on est du bon monde qui a absolument besoin de votre soutien avec un investissement majeur», s'exclame-t-elle.
Dans le cas du Centre Kogaluk, dont le budget annuel est d'environ 350 000$, Mme Potvin affirme qu'il faudrait une enveloppe additionnelle d'environ 200 000$ par an pour avoir les coudées franches avec sa mission. Le tout permettrait d'augmenter le salaire des intervenants, d'embaucher un autre employé et d'améliorer les services, notamment.
En plus de cette marche, diverses actions de piquetage sont prévues cette semaine dans la région, dont à Gatineau, notamment devant la Soupière de l'amitié mardi et la Soupe populaire de Hull jeudi; de même qu'à Campbell's Bay, Maniwaki et Saint-André-Avellin.