Camions lourds à Ottawa: pollution atmosphérique accrue

Les moteurs des camions lourds qui carburent au diesel émettent des particules ultrafines qui ont davantage d'impacts sur la santé que les particules émises par les voitures qui fonctionnent à essence.

Les centaines de manifestants toujours bien ancrés devant la colline parlementaire à Ottawa font rouler presque sans arrêt les  moteurs de la plupart des camions lourds stationnés, afin de se garder au chaud. Mais leurs poumons pourraient rapidement écoper à force de respirer cet air pollué, croit un expert.


«Il y a vraiment une préoccupation quant à la qualité de l'air au centre-ville d'Ottawa en ce moment», a souligné sans équivoque le professeur à la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa et épidémiologiste pour Santé Canada, Éric Lavigne. «D’un point de vue objectif, en regardant les moniteurs [d'Environnement Canada], on [le] voit. Et on le voit quand on regarde en périphérie du centre-ville, les niveaux de pollution atmosphérique sont beaucoup plus bas que ce qu'on voit au centre-ville.»

Ottawa est actuellement le théâtre d’un rassemblement de centaines de véhicules et de camions lourds qui occupent le centre-ville au nom de la liberté sanitaire. Certains camionneurs ont parcouru des centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres, pour se joindre à la manifestation. Une fois sur place, les camionneurs laissent leur moteur rouler, espérant contrer le mercure du mois de janvier. Chaque camion lourd produit 0,7 tonne de gaz à effet de serre par 1000 km, selon les données du titulaire de la chaire en énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau. M. Pineau précise que les camions immobiles, mais dont le moteur reste allumé, consomment 2,4 litres de carburant par heure, ce qui crée 6,8 kg de GES par heure. 

 

Santé à risque 

Les moteurs des camions lourds qui carburent au diesel émettent des particules ultrafines qui d’ailleurs ont davantage d'impacts sur la santé que les particules émises par les voitures «normales» qui fonctionnent à essence, précise le professeur Lavigne. Une fois inhalées, ces particules pénètrent dans les voies respiratoires et peuvent s'infiltrer à travers la circulation sanguine, ce qui est d’autant plus préoccupant, souligne-t-il. «Ça, c'est nocif pour les personnes qui ont déjà des problèmes de santé, des gens qui sont asthmatiques ou des gens qui ont des problèmes cardiaques cherchant à taper et qui ont des problèmes cardiaques. Les gens qui sont exposés, que ce soit des manifestants ou des gens qui passent par le centre-ville, [on peut voir] des symptômes d'asthme, de sifflement au niveau de la respiration, il peut même y avoir des gens qui vont avoir recours à des services de santé, parce que leurs symptômes vont être exacerbés au point d'aller à l'hôpital. Et ce sont des choses qui peuvent s'observer assez rapidement. Si un niveau de pollution augmente une journée, ça peut nécessiter que les gens aient besoin d'aller à un service d'urgence la journée même ou le lendemain.» 

Lors d’un passage du Droit sur la rue Wellington lundi soir pour tâter le pouls de la manifestation, deux chauffeurs de véhicules style pick-up, moteur au neutre, faisaient volontairement émaner un nuage de CO2 de leur tuyau d’échappement en appuyant sur l’accélérateur. 


Selon un expert, les camions immobiles, mais dont le moteur reste allumé, consomment 2,4 litres de carburant par heure, ce qui crée 6,8 kg de GES par heure.

Pour Éric Lavigne, ce genre de comportement est un risque qu’il qualifie de «non nécessaire». «On comprend, les moteurs roulent pour garder au chaud, à un certain niveau, mais le fait d'utiliser de l'essence, de brûler de l'essence, pour reprendre l'expression, c'est vraiment absolument non nécessaire et les gens qui s'y exposent se mettent à risque d'impacts sur leur santé à court terme.»

Selon M. Lavigne, les impacts de cette pollution de l'air des derniers jours à moyen ou long terme sont toutefois difficiles à cerner pour le moment. «Habituellement, quand il y a un [avertissement] de mauvaise qualité d'air ou de smog, ça peut se résorber en quelques jours. Donc les répercussions à moyen et à long terme, dépendamment de combien de temps la manifestation va durer, ne sont vraiment pas très claires. Est-ce que ça va augmenter le niveau de pollution dans la Ville d'Ottawa pour un certain temps? Je ne pense pas.»

Il dit davantage se préoccuper des effets immédiats sur l'air respiré par les gens du secteur, qu'ils soient des résidents, des commerçants ou les manifestants déterminés toujours présents, d’autant plus que ces derniers ne semblent montrer aucun signe d'essoufflement ou de désir de quitter. D’ici là, il suggère fortement aux gens d’éviter le centre-ville et l’air préoccupant qui s’y trouve et de trouver des alternatives. 

Avec Benoit Sabourin