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La cour d’école des grands

L’engouement pour les réseaux sociaux, une dépendance pour plusieurs, fait partie de nos vies et encore plus de celles de nos enfants. Mais que pouvons-nous faire pour contrer les mauvaises influences?

CHRONIQUE / Aussitôt que le gouvernement annonce le retour des enfants en classe, les commentaires de réjouissance se multiplient sur les réseaux sociaux. Les émojis de verres à vin font tchin-tchin, c’est la fête chez les parents qui jonglent avec la pandémie, le boulot et les enfants. Puis, la tempête de neige est annoncée. Le couperet tombe sur les plus mal pris et on peut sentir le changement de ton sur internet. Certains sont quand même contents d’avoir été informés la veille, d’autres se plaignent qu’ils doivent encore s’organiser pour s’occuper de la marmaille. Pendant ce temps, les enfants lisent les états d’âme des parents qui s’expriment en ligne.


On oublie que les jeunes ont accès à la cour d’école des grands.

Mélanger les enfants avec les adultes n’était probablement pas une bonne idée. Bien sûr, au début, il y a eu un peu de résistance. On pensait peut-être que le 13 ans requis allait freiner les répercussions sur les plus influençables. Mais aujourd’hui, force est de constater que presque tous les jeunes possèdent un compte sur l’une ou l’autre des communautés en ligne. De fil en aiguille, les adultes se sont abonnés aux enfants et les enfants aux adultes.



Les réseaux sociaux sont en quelque sorte une immense cour d’école où les propos véhiculés ne sont pas toujours cotés «général». Dans un coin, on a Facebook où les blagues douteuses de mononcle et de matante pullulent. Du côté de Twitter, la plupart du temps, les réactions sur l’actualité (ou sur ce qu’il se passe à la télé) sont enflammées, voire enragées. Heureusement, les enfants ne semblent pas trop s’intéresser à la twittosphère. Ils sont plutôt présents sur Snapchat, TikTok et Instagram où les influenceurs sont très actifs, en particulier sur les deux dernières applications.

Le fameux party à bord du vol de Sunwing aura révélé le métier d’influenceur aux adultes qui ne le connaissaient pas encore. J’ose écrire «métier», car il arrive qu’un élève du primaire choisisse la profession d’influenceur pour présenter son métier de rêve lors d’un oral. Mais comment leur reprocher ce choix? C’est attrayant; ils sont beaux, jeunes et semblent posséder beaucoup d’argent.

Abonnés par milliers aux comptes Instagram des stars de l’image, les enfants se retrouvent à aduler de drôles de moineaux qui volent dans un ciel sans limites. La grande accessibilité des réseaux sociaux sans qu’aucun filet de sécurité ne soit installé est plutôt problématique. On a beau se déculpabiliser avec les algorithmes qui censurent l’extrême, la vérité est que le grand «n’importe quoi» est partout.

Les études, les psychologues et les pédiatres sonnent l’alarme depuis un bon bout de temps. L’utilisation des médias sociaux chez les adolescents est en partie responsable de l’augmentation des symptômes dépressifs chez ce groupe d’âge. Ça, c’est ce que l’on sait. Mais comment prévoir les conséquences à long terme chez les plus jeunes? Surtout que «les influenceurs» ne sont pas tous des exemples à suivre, on l’a bien vu avec ceux et celles qui ont confondu la carlingue d’un avion avec une salle de réception privée de l’ère prépandémique.



Il y a aussi beaucoup de nudité partielle ou de poses suggestives sur Instagram. Je suis loin d’être la première à l’avoir remarqué! On n’a qu’à défiler les comptes des influenceuses les plus suivies pour le constater. Ça semble même être un prérequis pour attirer l’attention et gagner en popularité. Plusieurs Québécoises identifiées par un crochet bleu exposent abondamment leur corps. En fait, ces jeunes femmes offrent à leurs abonnés essentiellement des photos d’elles-mêmes, bien maquillées, bien fringuées, le ventre rentré. Elles revendiquent le droit d’assumer leur féminité et prônent l’estime de soi, mais parlent ouvertement de leur augmentation mammaire en même temps. Tout pour complexer les jeunes filles qui traversent la puberté et exciter les garçons qui doivent se retenir d’en parler.

Les enfants sont influençables, on le sait. Le concept n’est pas nouveau. Si on retourne de quelques décennies en arrière, le gouvernement canadien nous l’avait bien averti sur une bonne quantité de paquets de cigarettes avec l’inscription «Vos enfants vous imitent». Peut-être devrait-on se le rappeler à coup de publications sponsorisées sur les réseaux sociaux… On pourrait y voir une photo d’un enfant qui pose à moitié nu pour mousser les «j’aime» sur sa page. Ça serait choquant n’est-ce pas?

L’engouement pour les réseaux sociaux, une dépendance pour plusieurs, n’est pas à la veille de s’essouffler. Ça fait partie de nos vies et encore plus de celles de nos enfants. Mais que pouvons-nous faire pour contrer les mauvaises influences? Se désabonner des comptes problématiques peut certainement aider. Aviez-vous remarqué que l’on voit facilement qui de nos contacts suit telle ou telle personne? Eh bien les enfants aussi le voient.

La communication et l’encadrement restent les meilleures armes pour se prémunir contre les répercussions malsaines. On peut également donner l’exemple et publier du contenu intelligent, sensible aux différences et éducatif par la bande.

Heureusement, les influenceurs positifs et véhiculant de bonnes valeurs existent en grande quantité sur les médias sociaux, il faut juste les dénicher. En voici trois exemples qui se retrouvent dans ma liste d’abonnements :

Camille Chai



Née sans bras ni jambe gauches, la jeune femme pétillante de vie est médaillée d’or aux championnats panaméricains en escrime paralympique. Elle partage son quotidien sur les réseaux sociaux et souhaite aider les gens à s’accepter tels qu’ils sont. Animatrice télé et radio, elle est également ambassadrice de la campagne Hyba pour les boutiques Reitmans.

Jean-Guy Arpin

Poète, auteur et bouddhiste. J’ai connu ce sage homme il y a plusieurs années au Salon international du livre de Québec. Il m’avait donné un de ses recueils, «La philosophie du bonsaï au fil des jours». Lu et re-relu, j’ai été ravie de le voir se joindre à la communauté d’Instagram. Il publie des photos de la nature accompagnées de textes apaisants.

Sandra Houle, Plus grande que nature

Diagnostiquée à l’âge de 5 ans avec le Syndrome de Morquio, celle qui ne devait pas dépasser les 18 ans en a aujourd’hui plus de 40 et assume complètement sa différence. En effet, Sandra mesure 4 pieds 1 pouce, ce qui ne l’empêche aucunement de réaliser ses objectifs. Chacun de ses partages est motivant, positif et nous pousse au dépassement de soi.

Et comme je suis moi-même sur les réseaux sociaux, je pense qu’il serait de l’ordre de la fausse modestie de passer sous silence mon humour et ma résilience que je partage sur les différentes plateformes!