Parlez-en à Jean Mineault et Louis Auger. Ces deux hommes - deux amis d’enfance - sont les propriétaires du dépanneur Marché du Progrès depuis 38 ans, une petite épicerie située sur la rue Sainte-Antoine, dans le secteur Pointe-Gatineau. Un commerce que les deux hommes ont acheté en 1984 des parents de Jean Mineault.
«On connaît tout le monde dans le quartier, dit M. Mineault. Nos clients sont nos amis. Je suis né à Pointe-Gatineau. Mon partenaire Louis aussi. Lorsqu’on a acheté le magasin de mes parents en 1984, nos amis venaient nous encourager et on embauchait leurs enfants quand ceux-ci arrivaient à l’âge de 15 ou de 16 ans. Puis leurs enfants ont grandi et on a embauché leurs enfants à eux. On a toujours eu de bons employés et on a une clientèle tellement fidèle depuis 38 ans. On est chanceux.»
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«Il y a des gens qui s’arrêtent ici juste pour jaser avec nous, enchaîne Louis Auger. Il y a des personnes âgées qui habitent le quartier et leur visite quotidienne à notre dépanneur est souvent leur seule sortie. Ils passent une trentaine de minutes à jaser avec nous et ça fait leur journée. Et quand Jean et moi ne sommes pas ici, ils jasent avec Ginette et Micheline.»
Ginette, c’est Ginette Vaillancourt, employée du Marché du Progrès depuis 36 ans. Micheline, c’est Micheline Marion, employée depuis 33 ans.
«C’est notre famille ici, affirme Ginette. Une belle grande famille. On connaît tout le monde et tout le monde nous connaît.»
«Et on a deux bons patrons, ajoute Micheline. On passe plus de temps ici qu’on passe à la maison, je pense qu’on connaît plus Jean et Louis qu’on connaît nos conjoints», lance-t-elle dans un éclat de rire.
Ils vont nous manquer. Jean et Louis, ils nous ont gâtées, ces deux-là. Mais les nouveaux propriétaires nous ont dit que rien ne changerait dans le magasin, que tout resterait pareil. Alors on va rester.
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Ils vont leur manquer parce que Jean Mineault et Louis Auger ont vendu leur commerce après 38 ans en affaires. Le 14 février prochain, ils remettront les clés du Marché du Progrès aux nouveaux propriétaires - «une famille du coin», dit M. Mineault - et les deux hommes aujourd’hui âgés dans la soixantaine profiteront d’une retraite bien méritée.
Ils en auront des histoires à se raconter.
Comme la «belle époque» où ils vendaient jusqu’à 80 000 caisses de bière annuellement. «Mais aujourd’hui, les gens font plus attention», dit M. Mineault.
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Comme la fois où une camionnette a défoncé les portes de leur dépanneur en pleine nuit et que le chauffeur s’est enfui avec des dizaines de cartouches de cigarettes.
Comme la fois où l’un de leurs nombreux clients réguliers a remporté 20 millions$ à la loterie Lotto Max. «Et puisque le marchand vendeur du billet gagnant obtient 1% du gros lot, on a empoché 200 000$. Merci, bonjour!», se souvient Louis.
Ou comme la fois qu’un individu a décidé par un beau dimanche après-midi de s’en prendre aux policiers qui entraient et sortaient du poste de police qui était situé de l’autre côté de la rue du Marché du Progrès. «Le gars a réussi à s’emparer du revolver d’un policier et une fusillade a éclaté en pleine rue, juste devant le dépanneur, raconte Jean. Deux policiers ont été blessés et l’assaillant s’est enlevé la vie avec l’arme du policier.»
Oui, les deux compères en auront des histoires à se raconter.
Mais ce que Jean Mineault et Louis Auger n’oublieront jamais, c’est la grande famille qui gravitait autour de leur commerce. Leurs clients, leurs employés, les représentants de compagnies. Tous ces gens qui s’arrêtaient en sachant qu’ils seraient accueillis d’un chaleureux sourire et d’un « bonjour » venu droit du coeur. Ça, ça ne s’oublie pas.
Et il n’y a pas de prix là-dessus.