Chronique|

Les responsabilités qui viennent avec l’influence

CHRONIQUE /  Alors que la société de marketing digital HubSpot parle de « la maturation des influenceurs » dans ses tendances réseaux sociaux de 2022, ce n’est pas exactement ce que l’on a pu constater au Québec dans la dernière semaine… 


Le terme « influenceur » est trainé dans la boue dans tous les médias de la province depuis que les images du vol de Sunwing à destination Cancún du 30 décembre dernier enflamment la toile. Certains crient à la cancel culture, moi j’appelle ça de la responsabilisation. 

Être connu, avoir une tribune, influencer un groupe de gens, avoir une carrière publique, ce n’est pas un dû, mais un privilège. Un privilège qui vient avec de lourdes responsabilités et parfois le jugement injuste et inquisiteur du public. Ce n’est pas toujours facile à vivre, sauf que bon… quand tu fais une connerie, il faut la reconnaître et l’assumer. C’est ce qu’une bande de jeunes « influenceurs » est entrain d’apprendre à la dure cette semaine.  

J’utilise les guillemets, parce que pour être franche, beaucoup de ces écervelés semblent être des semi-inconnus de la toile. Ça dépend ce que vous qualifiez d’influenceur. Quand tu as quelques centaines d’abonnés sur Instagram, à mon humble avis, tu n’influences pas grand monde…

Le pire dans cette histoire, c’est qu’on a pu observer plusieurs de ces individus se justifier en ligne ou même narguer davantage les internautes en colère qu’ils traitent de jaloux ou de haters (des personnes haineuses). 

Plusieurs créatrices de contenu se sont exprimées suite au scandale en dénonçant le comportement de ces «influenceurs » qui ternissent l’image du métier. Le souci avec ce genre de carrière publique sur les réseaux, c’est leur manque d’encadrement. Il n’y a pas de code de déontologie qui régit le tout. Beaucoup de gens se lancent là-dedans sans même avoir de formation en communication ou en relations publiques. Sommes-nous tous faits pour cette vie de semi-célébrité et prêts à en subir les conséquences?

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Je sais que vous avez tous suivi cette saga au courant de la semaine, mais je prends une petite pause dans cette chronique pour vous offrir un petit résumé des faits:

Le 30 décembre dernier, un groupe d’environ 150 vacanciers sont montés à bord d’un appareil Sunwing à destination du Mexique, dans le cadre d’un voyage organisé par un certain James William Awad. 

Très vite, les stories du vol partagées sur les réseaux sociaux suscitent la colère des Québécois. Sur les vidéos, on voit une horde de passagers hors de contrôle qui vapotent, boivent leur propre alcool à bord, dansent dans l’avion sans aucun masque ni distanciation sociale. Il y a même notre cher James qui s’est pris pour Winston Churchill en brandissant l’interphone: «Il faut jamais give up dans la vie. Jamais, jamais, jamais give up», déclare-t-il en contant les péripéties qu’il a dû endurer pour que cette mauvaise tentative de Projet X se réalise. Parmi les passagers, on compte quelques influenceurs, plus ou moins connus sur Instagram.

Depuis, des informations plus croustillantes les unes que les autres pullulent dans les journaux: des ex-stars de la télé-réalité publient une vidéo pour expliquer qu’elles n’ont rien à voir avec tout ça vu qu’elles dormaient durant les faits (lol). Sur des captures d’écran provenant d’un groupe Discord, on apprend que certains d’entre eux se mettent de la vaseline dans le nez pour fausser des tests PCR. La fille qu’on voit fumer sa vape serait une pilote en devenir, l’Autorité des marchés financiers a déjà envoyé une mise en garde contre James William Awad, etc. Même Justin Trudeau les a traités de sans-desseins et d’Ostrogoths (on aura au moins appris un mot cette semaine). 

Inutile de préciser que ces gens risquent des amendes salées en plus d’être bannies de compagnies aériennes, ainsi que d’autres conséquences légales. Le ministre fédéral des Transports a même demandé à Transports Canada d’enquêter sur les faits. 

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Avoir de la notoriété, des fans, des abonnés, ce n’est pas nécessairement être aimé de tous. Des gens approuveront ce que vous faites, d’autres non, mais il est important de respecter les gens qui vous suivent et donnent de la force à nos projets. 

J’ai d’abord demandé conseil à Élisabeth Rioux, influenceuse québécoise notoire et femme d’affaires. «Je n’ai jamais fait d’erreurs “de ce genre”, car ce n’est pas du tout un comportement qui me ressemble, ni en vrai ni en ligne», m’écrit-elle sur Instagram. «Je ne me pose pas beaucoup ces questions, car je considère que la personne que je suis en ligne et en vrai est assez similaire». 

Après, si on commet une bourde, l’important, selon elle, « c’est de reconnaitre nos erreurs quand on en fait, d’apprendre de celles-ci et de les utiliser pour éduquer nos abonnés en même temps », ajoute-t-elle. 

«Nous ne sommes au-dessus de rien»

C’est aussi ce que constate la directrice des comptes chez Clark Influence, une agence marketing d’influenceurs, Catherine Binette. « En 2022, faites de vous des enquêteurs du FBI avant de collaborer avec un influenceur! », m’écrit-elle par courriel avec un brin d’humour. «Je vous rassure tout de même, la majorité ne pose pas problème. Ils sont sympathiques, professionnels et soucieux de leur image». Elle précise que son agence ne ferait pas affaire avec des influenceurs comme ceux que l’on a pu trouver dans ce voyage organisé. «Ils ont quand même d’emblée un caractère spécial, c’est-à-dire que quand on fait une recherche sur leur profil, on se rend compte qu’ils ont des pensées qui sont divergentes du reste de la population ou des recommandations gouvernementales ou qui aiment se tenir en marge», précise-t-elle au téléphone. 

Angie, plus connue sous le pseudo de citron_rose sur Instagram et TikTok et aussi créatrice de contenu. Son opinion va dans le même sens: «Je pense que lorsqu’on est dans l’oeil public, il est important de garder en tête qu’on reste des êtres humains soumis à des normes et des réglementations comme tout le monde, me dit-elle sur Instagram. Nous ne sommes au-dessus de rien et il faut se rappeler que l’audience qui nous soutient peut aussi se désabonner à notre compte. Sans ce following ou l’engagement qu’il engendre sur nos plateformes, les partenariats rémunérés ne sont plus possibles ». 

La saga Cancún n’est pas le premier ni le dernier scandale d’influenceurs dont on entendra parler en 2022, mais ces trois femmes montrent qu’il y a des personnes sérieuses et intègres dans ce métier. Les réseaux sociaux nous le font souvent oublier, mais nous ne sommes pas tous armés pour une vie aux yeux de tous, surtout lorsqu’on manque de jugement. Une leçon d’humilité pour chacun d’entre nous, j’imagine. Je vous laisse avec les paroles d’un grand homme: «Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités» — Benjamin Parker, Spider-Man.