Gatineau, 20 ans après la fusion

Des conseillers représentant les anciennes villes fusionnées ont accompagné le maire Yves Ducharme, à droite, pour accueillir officiellement a nouvelle ville de Gatineau. Sur la photo, on retrouve Paul Morin, André Touchet, Aurèle Desjardins, Louise Poirier, Luc Montreuil et Joccelyne Houle.

Il y a vingt ans, Gatineau voyait le jour.


Née de la fusion des anciennes villes de Buckingham, Masson-Angers, Gatineau, Hull et Aylmer, la nouvelle ville a automatiquement été propulsée au quatrième rang des plus importantes municipalités du Québec.

Le défi d’unir ces villes plus habituées à la compétition qu’à la collaboration n’a pas été une mince tâche. Les pièges, autant administratifs qu’émotifs, ont été nombreux. Dès sa constitution, Gatineau a fait face à des assauts politiques importants, mais le modèle a tenu le coup.



Réunis de force

Réunis de force dans un mariage de raison, les Gatinois ont depuis vécu des événements qui ont été fédérateurs, tant dans la joie que dans la douleur. La Ville de Gatineau occupe aujourd’hui une position enviable dans de nombreux palmarès; pensons à la qualité de vie, le ratio parc/habitants, ses infrastructures cyclistes et la consommation en eau potable de ses citoyens.

«Gatineau demeure un projet inachevé» en raison de sa fiscalité d’un autre siècle, estime Yves Ducharme, premier maire de l’histoire de la ville fusionnée. Celui qui vient tout juste de tirer sa révérence, Maxime Pedneaud-Jobin, a lui aussi, tout au long de ses deux mandats à la mairie, pointé du doigt la fiscalité municipale comme principale ennemie de l’émancipation de Gatineau. Certains arguments de vente de la fusion, comme les économies d’échelle, ne se sont jamais vraiment matérialisés, mais les cinq anciennes villes forment aujourd’hui un ensemble beaucoup plus efficace, cohérent et compétitif, note Jean Paré, qui a occupé le rôle de secrétaire au sein du Comité de transition de l’Outaouais mis en place en 2001 par la ministre des Affaires municipales, Louise Harel, pour mener à bien la fusion municipale à Gatineau.

Le maire de Masson-Angers, Luc Montreuil.

Il n’y a plus un seul observateur crédible de la scène municipale à Gatineau qui croit aujourd’hui qu’un retour en arrière serait pertinent. Les professeurs à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) Guy Chiasson et Mario Gauthier peinent à imaginer cinq villes faire face de manière séparée aux inondations de 2017 et 2019, aux enjeux inhérents aux changements climatiques et aux défis de la mobilité et du développement économique.

La croissance démographique qu’a connue Gatineau est allée bien au-delà de ce qui était prévu au moment de la fusion. «C’est l’équivalent d’ajouter la Ville de Drummondville à Gatineau», image le maire de Gatineau de 2005 à 2013, Marc Bureau. Cela n’a fait qu’accentuer la pression sur les infrastructures publiques qui n’étaient déjà pas distribuées de façon équitable sur le territoire au moment de la fusion.



Gatineau, de la fusion à aujourd’hui

  • Population: de 228 000 à 290 000 habitants
  • Budget annuel: de 293 à 671 M$
  • Dette: de 381 à 682 M$
  • Masse salariale: de 124 à 309 M$
  • Quote-part à la STO: de 12,7 à 71,6 M$

Malgré la construction d’un centre sportif, d’un complexe multiglaces et du Rapibus, malgré la réfection de la rue Principale, à Aylmer, du coeur du centre-ville, du boulevard Saint-Joseph et bientôt de la rue Notre-Dame, en dépit de l’aménagement de dizaines de nouveaux parcs, de nouvelles bibliothèques et des centaines de millions de dollars investis dans les usines de production et de traitement d’eau, les infrastructures publiques, leur état et leur disponibilité, demeurent un enjeu criant à Gatineau.

La ministre Louise Harel et l'ex-maire de Gatineau Yves Ducharme. 

De l’autre côté de la rivière des Outaouais, à Ottawa, la situation est la même, si bien que les défis des prochaines années dans la région de la capitale nationale seront ceux d’une agglomération urbaine qui atteindra avant longtemps 1,5 million d’habitants. Plusieurs intervenants sont d’avis que l’intégration économique de Gatineau et Ottawa a atteint un tel niveau que la suite logique de la fusion municipale de 2002 est d’en venir à un véritable arrimage avec Ottawa et que cela doit d’abord passer par la mobilité.

Grands moments

Au cours des prochains jours, Le Droit souhaite vous faire revivre certains des grands moments qui ont marqué la région il y a 20 ans, mais aussi brosser un constat en regard des différents enjeux qui touchent Gatineau deux décennies plus tard. Plusieurs intervenants qui ont été directement impliqués dans cette époque unique dans l’histoire de la Ville de Gatineau ont accepté de replonger dans leurs archives et leurs souvenirs.

Nous reviendrons, entre autres, sur des anecdotes et des sujets comme le débat qui a mené au choix du nom Gatineau et l’adoption du tout premier budget de la nouvelle ville.

L'ancien conseiller Pierre Philion

Il est évidemment impossible de passer à côté de la campagne pour la défusion ou des événements qui ont permis aux Gatinois de développer un sentiment d’appartenance à leur ville.



Nous aborderons avec différents intervenants l’impact de la fusion sur la planification du territoire et sur la capacité de Gatineau à faire face aux défis de son époque.

Un dossier à ne pas manquer

3 janvier

  • Le spectre de la défusion
  • Le ciment collectif des Jeux du Québec
  • Le débat du choix du nom

4 janvier

  • La fusion, ce projet inachevé
  • Le mirage des économies d’échelles

5 janvier

  • Fusionner pour mieux planifier 
  • Des dizaines de milliers de changements d’adresse

Le budget de 302 millions de dollars accompagné d’une hausse de l’impôt foncier de 2,5% a fait éclater le consensus auquel tenait le maire Yves Ducharme. Les conseillers Alain Labonté, Pierre Philion, Joseph De Sylva et Luc Montreuil se sont tous opposés à son adoption. Un tel mouvement de dissidence au sujet d’un budget municipal n’avait pas été vu depuis les années 1970, se remémorait l’ancien maire de Hull aujourd’hui décédé, Jean-Marie Séguin.

Un centre sportif au budget

Un an plus tard, à l’aube de la bataille sur les défusions, Gatineau a voulu mettre le paquet. Une somme de 100 M$ était ainsi saupoudrée ici et là en projets de toutes sortes. Parmi les projets prévus en 2004 figuraient deux nouvelles piscines intérieures, à Buckingham et Aylmer, l’élargissement de la montée Paiement et un centre sportif à Gatineau. Les contribuables étaient toutefois appelés à participer puisqu’ils faisaient face à une augmentation de la taxe foncière de 3,5%, une deuxième hausse en deux ans depuis la fusion.

Le maire Ducharme notait alors que la hausse représentait moins d’un dollar par semaine pour plus de la moitié des contribuables. «Nous sommes là à faire des phlébites, des poussées de fièvre et des palpitations cardiaques pour 3,5% d’augmentation, avait-il lancé. Mais quand nous regardons à quels services cela peut nous donner accès dans l’ensemble de la municipalité, je pense que c’est une somme que nous pouvons nous permettre.»