Lettre à ceux qui pontifient sur le hidjab

POINT DE VUE / Je trouve drôle que des personnes qui font primer des symboles religieux extrémistes sur les valeurs de la laïcité osent parler de « choix » au sujet du hijab.


En tant que personne qui a grandi avec le hijab au Canada, je peux vous dire que le choix n’est pas un facteur qui est généralement pris en compte par les extrémistes religieux. Aqsa Parvez, cette jeune Ontarienne de 16 ans qui a été tuée par son père et son frère parce qu’elle refusait de porter le hijab, n’a pas eu de choix. Monireh Arabshahi, Yasaman Aryani et Mojgan Keshavarz, trois femmes qui ont été arrêtées pour ne pas avoir porté le hijab en Iran, n’avaient pas de choix. Raneem Wael Moussa, une adolescente égyptienne qui a été écrasée par une voiture conduite par sa mère parce qu’elle ne voulait pas porter le hijab n’a pas eu de choix. D’innombrables autres filles et femmes sont maltraitées, attaquées à l’acide, reniées par leur famille - aucune d’entre elles n’a de choix.

Certaines de ces femmes parviennent à survivre et à s’échapper - et lorsqu’elles s’enfuient, c’est vers des pays laïques. Des pays qui leur promettent une séparation stricte et inflexible de la religion et du gouvernement. Un pays qui leur promet qu’elles seront libres d’enlever leur hijab sans conséquences. Certaines de ces femmes ont formé au Québec un groupe appelé PDF (Pour les droits des femmes du Québec). PDF est un groupe féministe, mixte, citoyen et non partisan qui défend les droits des femmes. Et elles ne se gênent pas pour appuyer le Projet de loi no 21 au Québec. Elles l’appuient parce qu’elles comprennent combien il est important de défendre fermement les droits des femmes et la laïcité contre les extrémistes religieux qui visent à miner les deux.



L’histoire de ces femmes, originaires de pays à majorité musulmane, est semblable à celle du Québec en ce sens qu’elles ont une compréhension et une expérience de la vie dans une société qui ne s’est pas montrée ferme face aux extrémistes religieux. Et, comme la plupart des Québécois, elles ont juré que plus jamais elles ne vivraient dans un endroit où la laïcité n’est pas défendue au-dessus de toutes les autres valeurs.

La plupart des anglophones de notre pays qui critiquent le Québec n’ont pas cette expérience ou cette compréhension. Leur perspective privilégiée fait qu’ils ignorent l’importance du Projet de loi no 21. Et plutôt que de s’éduquer, d’apprendre l’histoire, d’essayer de comprendre les perspectives des autres... ils prennent le chemin facile des insultes. Ils accusent les autres d’être des bigots, racistes, islamophobes, plutôt que de prendre quelques instants pour comprendre la situation qu’ils commentent.

Il y a un dicton selon lequel le privilège, c’est quand des gens pensent que quelque chose ne pose pas problème parce qu’elle ne pose pas problème pour EUX. C’est la situation de la plupart des anglophones au Canada. Ils sont trop privilégiés pour comprendre la situation parce qu’ils n’en ont jamais fait l’expérience personnelle. Je n’ai pas ce privilège qu’ont la plupart des Canadiens anglophones. Je comprends intimement ce problème. On m’a imposé le hijab à l’âge de 9 ans, puis le niqab à l’âge de 19 ans. Quand j’ai enlevé le hijab, ma mère a menacé de me tuer. À cause du hijab, je suis en rupture avec ma famille. Je ne les ai pas vus depuis presque 20 ans.

Mon travail de soutien aux féministes du monde musulman est nuancé et éreintant. Dans mon organisation, Free Hearts Free Minds, j’entends constamment des femmes dont la vie a été ruinée à cause de ce morceau de tissu. Il est profondément insultant et exaspérant de voir des personnes qui ne comprennent pas notre combat pontifier sur cette question.



À eux, je dis : apprenez l’histoire du Québec, comprenez d’abord les objectifs toxiques et anti-femmes du hijab et puis ensuite vous pourrez engager la conversation. En attendant, vous pouvez ravaler vos accusations simplistes et puériles de «racisme».

Yasmine Mohammed est l’auteur de Unveiled : How Western Liberals Empower Islam (qui a été traduit en français et sera disponible à la vente très prochainement). Elle est également la fondatrice et présidente de l’organisation à but non lucratif Free Hearts Free Minds, une organisation qui fournit un soutien psychosocial gratuit aux personnes des pays à majorité musulmane souffrant de traumatismes religieux.