Masque-clé-portefeuille-cellulaire. Quatuor qui n’était, il y a quelques années, qu’un duo. Plus on avance dans le temps, plus on dépend d’objets dès qu’on quitte la maison.
Impôts-SAAQ-Hydro… Tout doit venir à point. Tout doit être rempli à temps.
Parfois, j’ai envie d’un grand vide.
D’éliminer la charge de mon mental ; de faire tomber la pile. De tout recommencer.
Pourtant, j’adore apprendre. Découvrir des trésors infinis.
Mais l’infini est lourd. Pesant ; prenant.
Ça ne s’arrête jamais, jusqu’à la vieillesse, à l’Alzheimer, où tout se vide, aléatoirement et impitoyablement.
Naître, se rappeler
Dès la première minute de notre naissance, on commence à se remplir. Une naissance : une nouvelle boîte.
À 5 ans, notre tête est déjà pleine. Tous les jours, encore, sans arrêt. Règles, comportements, mots, personnes, soins, endroits.
L’enfant est un grand réceptacle.
Puis, on commence les matières. C’est linéaire, en montant : math, français, géo, histoire. Le par cœur, les oraux. Se rappeler, pour ne pas figer.
Une éducation primordiale à la norme et au bon élève.
Plus tard, on te permet d’oublier quelques éléments appris, pour te spécialiser en un seul, où on continue de te bourrer d’autres notions, qui prennent la place des disparus.
Jusqu’au travail. Presque une nouvelle école, qui ne cesse de « progresser », de « performer », et « d’améliorer ses rendements », bref, d’ajouter des tâches, des réformes et des remodelages.
La vie est un long chemin de non-oublis.
Des oublis qui sont, dans la sphère sociale, punissables, désapprouvés et condamnables.
Motifs de renvoi. Motifs de séparation.
Pourquoi est-ce si répréhensible, alors qu’il est physiquement et humainement impossible de ne rien oublier, jamais ?
L’oubli n’est pas toléré de l’enfance à l’âge d’or quand, là, il devient maladie, compassion.
Moins empiler de feuilles dans le cartable de la mémoire pourrait peut-être prévenir des omissions importantes. Puisque le calme et la paix sont un terreau fertile pour se rappeler.
« Nous trouvons de tout dans notre mémoire ; elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met au hasard la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux. » (À la recherche du temps perdu, Marcel Proust, 1923)
Tiroirs de souvenirs
Quand j’étais petite, ma mère me disait, en voyage ou en visite d’une quelconque place magnifique : « Ouvre un tiroir dans ta tête. »
Pour mettre la scène dedans. Pour la rendre immortelle.
J’ai depuis, en conscience, des tiroirs de souvenirs parmi mes milliers de feuilles-informations éparpillées. Des tiroirs pour lesquels j’ai choisi, demandé, de ne pas oublier.
Quand la tour devient trop haute dans votre esprit, allez ouvrir un tiroir à la fois. Pour laisser ce souvenir, ses odeurs et ses sensations envahir votre cœur.