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Trop content de pouvoir enfourcher son cheval de bataille favori, notre Jean-Paul Perreault national s’époumonait sur toutes les tribunes lundi.

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Le verbe rageur, l’étendard de la francophonie québécoise porté bien haut, le président d’Impératif français n’en pouvait plus d’être insulté.

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«Je manque de mots pour décrire un comportement aussi détestable», s’emportait M. Perreault, trop heureux de dénoncer une «vision canadienne» qui alimente la «haine» du français et du Québécois…

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Moi, je trouve que tout le monde s’est énervé un peu vite le poil des jambes en se basant sur une seule version de l’histoire: celle du client insatisfait. Après avoir entendu la version du propriétaire, Sami Chakie, je suis d’avis qu’on est plus devant un combat de coqs que devant une crise linguistique provoquée par le fédéralisme canadien…

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Norlan Vilchez allait donc rejoindre deux amies au Moca Loca du boulevard Mont-Bleu, samedi après-midi. Il est arrivé un peu en retard sur les deux autres. Si bien qu’au lieu de passer par le comptoir, il s’est rendu directement rejoindre ses amies à la table. Le propriétaire est arrivé sur les entrefaites, une bouteille de Purell à la main. Il lui a dit, en anglais: peux-tu te laver les mains? Norlan Vilchez a alors exigé qu’on s’adresse à lui en français. Notez que je ne remets pas en question le droit d’être servi en français dans un commerce québécois. C’est un droit inaliénable, protégé par la Charte de la langue française.

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À partir de là, les choses ont dégénéré.

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Sami Chakie aurait refusé de s’adresser à son client en français. Il lui aurait dit quelque chose comme: «T’es même pas un vrai canadien-français, pourquoi veux-tu que je te serve en français?» Vilchez a fini par sortir, non sans lancer à la volée que le propriétaire refusait de lui adresser la parole en français. Les deux versions concordent sur la fin de l’histoire: Sami Chakie a dit au client: «Get the fuck out of here.» Et M. Vilchez a répliqué avec un doigt d’honneur. Un comportement détestable, vous dites? Jusque là, je suis d’accord.

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Je fréquentais régulièrement le café Moca Loca Mont-Bleu avant la pandémie. J’y écrivais chaque semaine une ou deux chroniques. Je me suis toujours fait servir en français. Le propriétaire avait pris l’habitude de me saluer et de me piquer un brin de jasette… en français. Parce que Sami Chakie se débrouille très bien en français. Il m’a d’ailleurs livré sa version des faits dans cette langue.

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Sami Chakie habite le Québec depuis 30 ans. Marié depuis 20 ans à Nathalie Bénard, Québécoise pure laine, copropriétaire du café avec lui. Le couple a deux enfants: des Québécois éduqués à l’école française… N’en déplaise à Jean-Paul Perreault, le profil de l’homme n’a rien à voir avec celui du pdg d’Air Canada ou de SCN-Lavalin.

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Selon sa version, les deux filles sont arrivées avant Norlan Vitchez. C’est M. Chakie qui les a accueillies au comptoir: «Bonjour, ça va bien?» Quand les filles ont répondu en anglais, il est passé à cette langue. Norlan Vilchez est arrivé peu après. Il est allé rejoindre ses deux amies à la table. Sans passer par le comptoir, sans se désinfecter les mains, sans présenter son passeport vaccinal. Des procédures pourtant bien connues des Québécois.

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J’ouvre ici une parenthèse: les propriétaires de commerce en ont ras le bol de jouer à la police. Des clients qui se foutent des règles ou les «oublient» commodément, il en arrive chaque jour. M. Chakie raconte qu’il doit venir épauler ses employées tous les midis, pour les aider à mater des clients récalcitrants.

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C’est dans cet esprit-là que Sami Chakie est allé à la rencontre de Norlan Vilchez avec sa bouteille de Purell. Dans l’esprit d’un propriétaire qui est tanné de jouer à la police. Mais qui le fait quand même. Pas par peur de recevoir une amende: parce que les clients qui choisissent de consommer sur place comptent sur lui pour faire respecter les règles.

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Si Sami Chakie a abordé Norlan Vilchez en anglais, c’est qu’il a tenu pour acquis qu’il parlait la même langue que les deux filles l’ayant précédé. Pourquoi n’a-t-il pas «switché» au français par la suite?

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Là, son témoignage est moins clair.

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Peut-être parce qu’il est écoeuré de jouer à la police. Peut-être parce que, dans son esprit, le client n’est pas toujours roi. Surtout pas les clients qui prennent à la légère les règles sanitaires.

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On a crié très vite au scandale linguistique dans cette affaire. J’y vois plutôt une prise de bec pandémique. Mettant aux prises deux francophiles capables de s’insulter aussi bien dans une langue que dans l’autre.

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Avec Ani-Rose Deschâtelets

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