Protéger 100% de la forêt Boucher était une «utopie»

Le promoteur Gilles Desjardins a fait l’acquisition d’un terrain de 80 acres faisant partie de la forêt Boucher, en bordure du chemin Vanier

Malgré toutes les précautions pour protéger les milieux naturels ayant une valeur écologique, la construction de quelque 3000 nouveaux logements dans la forêt Boucher comme planifie de le faire Brigil d’ici dix ans mettra inévitablement de la pression sur le fragile écosystème de la forêt Boucher, assure le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique et professeur à l’Institut des sciences de la forêt tempérée (ISFORT), Jérôme Dupras.


Une fois cela dit, la réalité est qu’il ne reste plus vraiment d’option réaliste pour empêcher du développement résidentiel dans la forêt, d’autant plus que cela est prévu dans la réglementation municipale depuis des années sur les terrains en bordure du chemin Vanier. Seule la conseillère Audrey Bureau serait encore prête à y investir les dizaines de millions de dollars nécessaires pour exproprier Brigil de son nouveau terrain de 80 acres.

 Je ne crois pas au développement vert qu’on nous fait miroiter sur ce terrain. Même si on est innovateur, ce développement aura un impact sur le reste de la forêt.

«Ce n’est pas juste moi qui a des craintes par rapport à ce développement, c’est la vaste majorité des citoyens d’Aylmer, a-t-elle lancé. Je ne crois pas au développement vert qu’on nous fait miroiter sur ce terrain. Même si on est innovateur, ce développement aura un impact sur le reste de la forêt. […] Je constate que beaucoup de monde a baissé les bras devant l’ampleur de ce dossier. Le conseil a eu quelques occasions de cesser de franchir des pas dans ce dossier, mais il a toujours continué à avancer. La Fondation de la forêt Boucher aussi a lancé la serviette il y a longtemps. Elle a fait le choix de choisir ses combats.» Mme Bureau affirme ne pas souscrire à cette position, mais reconnaît que la Fondation en a «plein les bras» avec son projet de parc dans la forêt.

«Il y a l’utopie et la réalité, rappelle Jérôme Dupras. Plus on protège, mieux c’est, dit-il. Construire des résidences dans la forêt Boucher n’est peut-être pas ce qui est le plus souhaitable écologiquement, mais il y a plusieurs autres éléments à prendre en considération dans le calcul environnemental.» Actuellement, près de 80 % de la forêt Boucher bénéficie d’une protection.

Selon le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, le terrain concerné est de «faible valeur écologique».

Le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, abonde dans le même sens. Il est trop «facile», selon lui, de revendiquer la protection de 100 % de la forêt Boucher. «Je mets au défi la personne qui veut faire ça d’évaluer ce qu’il en coûterait vraiment et ensuite de regarder les citoyens dans les yeux en leur disant que ce qu’il y a de mieux à faire pour l’environnement à Gatineau avec tous ces millions de dollars est d’acheter un terrain à faible valeur écologique.»

Sur les 80 acres que compte le terrain acheté par Brigil, environ 25 seront protégés, assure l’entreprise. M. Dupras salue la volonté exprimée par le promoteur de protéger les zones plus sensibles sur son terrain. «Le terrain permet la construction résidentielle, il était destiné au développement et le promoteur a raison de vouloir le développer, dit-il. Ce qui reste à faire c’est de faire le maximum possible avec le promoteur pour réduire la pression sur la forêt. Le réel combat pour la Ville de Gatineau, selon moi, c’est de se doter d’un bon plan d’acquisition pour sécuriser les autres terrains qui ne lui appartiennent pas et qui sont zonés récréatifs et multifonctionnels.»

Les candidats à la mairie

La candidate à la mairie pour Action Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, affirme être «énormément préoccupé» par le développement résidentiel prévu par Brigil dans la forêt Boucher. «On a fait une offre pour acheter ces terrains, mais sans succès, rappelle la conseillère. On a cependant posé beaucoup de gestes pour la protection de la forêt et il faut utiliser à 100 % ces outils pour limiter le développement et protéger les espaces naturels qui devront l’être dans la forêt. On ne donnera aucun passe-droit au promoteur.»

La candidate à la mairie pour Action Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, affirme être «énormément préoccupé» par le développement résidentiel prévu par Brigil.

Le candidat indépendant à la mairie, Jean-François LeBlanc, s’est pour sa part montré favorable au développement résidentiel de la forêt Boucher en bordure du chemin Vanier, notamment en raison du passage futur du tramway à proximité. «J’ai vu deux études et il n’y a pas de valeur écologique à ce terrain, a-t-il indiqué. Je salue le promoteur qui souhaite avoir un dialogue avec la population. J’aime aussi la vision des fils de Gilles Desjardins de vouloir en faire un milieu écologique et naturel. C’est une bonne nouvelle.» Il ajoute qu’il serait heureux que Gatineau protège 80 % du lac Beauchamp.

Le candidat indépendant à la mairie, Jean-François LeBlanc, est favorable au développement résidentiel de la forêt Boucher. 

France Bélisle, aussi candidate indépendante à la mairie, croit qu’il n’y a pas lieu de mettre des bâtons dans les roues du promoteur. Le conseil municipal a depuis longtemps pris sa décision par rapport au développement de ce terrain, a-t-elle rappelé. Cette dernière soulève toutefois des inquiétudes par rapport aux infrastructures routières dans le secteur, à savoir le chemin Vanier qui n’est toujours pas urbanisé et l’intersection de la même artère avec le boulevard du Plateau. «Gatineau a perdu le contrôle de son développement, dit-elle. Il ne faut toutefois pas le freiner, mais on doit s’assurer en parallèle de développer les infrastructures publiques nécessaires. Là, on sait qu’il y a 3000 portes qui s’en viennent à cet endroit. Il faut prévoir un meilleur équilibre. Le chemin Vanier est un enjeu particulièrement important et ça mérite une attention particulière.»

La candidate indépendante à la mairie, France Bélisle, croit qu’il n’y a pas lieu de mettre des bâtons dans les roues du promoteur.