Une dragonne à Ottawa

Qu’on la connaisse comme femme d’affaires, comme figure de proue de l’univers hôtelier canadien ou comme entrepreneuse invitée à l’émission <em>Dans l’oeil du dragon</em>, la réputation de Christiane Germain n’est plus à faire.

Qu’on la connaisse comme femme d’affaires, comme figure de proue de l’univers hôtelier canadien ou comme entrepreneuse invitée à l’émission Dans l’oeil du dragon, la réputation de Christiane Germain n’est plus à faire. Rencontre à Ottawa, où son entreprise possède deux hôtels du centre-ville, avec la coprésidente et cofondatrice des Hôtels Germain.


« Je ne pense pas que j’ai eu une piqûre à un moment donné. Je pense que je n’ai jamais vraiment pensé que je pouvais faire autre chose », lance la femme d’affaires lors d’une rencontre au Germain Hôtel Ottawa sis sur l’avenue Daly, l’un des deux hôtels implantés par le Groupe Germain dans la capitale fédérale. « Pour moi, Ottawa est plus inspirante que jamais depuis quelques années, portée par une scène entrepreneuriale dynamique et des gens d’affaires ambitieux. »

Née à Trois-Rivières en 1955, Christiane Germain a toujours baigné dans l’univers de la restauration et de l’hôtellerie, des domaines qui n’avaient aucun secret pour sa famille.

Après ses études secondaires, elle a occupé un poste de commis à l’épargne dans une banque, où elle était payée moins qu’un de ses collègues masculins ayant terminé son cégep. « Mon directeur m’a dit que c’était parce qu’il avait fini son cégep. Et c’est un gars. Alors je me suis dit OK, je ne pouvais pas changer le fait que lui était un gars, puis que moi j’étais une fille, mais je pouvais au moins retourner à l’école. »

Il n’en fallait pas plus pour que Christiane Germain prenne le chemin de Toronto afin d’étudier en administration hôtelière au Collège Humber et apprendre l’anglais. « Après ça, j’ai travaillé, j’ai eu d’autres emplois, mais dès que j’ai eu le goût de faire quelque chose, c’était vraiment à l’intérieur de l’entreprise familiale. Mon père venait d’acheter un restaurant, j’ai travaillé là-dedans. Je ne me voyais pas travailler pour quelqu’un d’autre. Je l’ai fait un petit peu parce que je pense que c’est bon de le faire, mais que ç’a toujours été ‘‘ qu’est ce qu’on peut partir pour que ça fonctionne ? ’’ »

L’empire Germain Hôtels

L’idée derrière Germain Hôtels a germé à la suite d’un séjour à New York avec son frère Jean-Yves, aussi cofondateur de l’entreprise. « On a vu un hôtel à New York qui nous a vraiment beaucoup plu. On s’est dit pourquoi on ne fait pas ça. »

Le premier hôtel du groupe a vu le jour en 1988, à Québec. Trente-trois ans plus tard, le Groupe Germain compte 18 établissements d’un bout à l’autre du pays sous les bannières Germain Hôtels et Hôtel Alt.

Christiane Germain

On a ouvert le deuxième en 1996. Il s’est quand même écoulé du temps. Puis après ça, le troisième en 1999. Ce n’est pas arrivé là du jour au lendemain.

À Ottawa, l’Hôtel Alt, situé sur la rue Slater, a ouvert en 2016, alors que l’Hôtel Germain a pignon sur l’avenue Daly depuis 2018.

« Ça fait longtemps qu’on voulait être à Ottawa, mais il faut saisir la bonne opportunité. Parce que développer une entreprise, ‘‘ce n’est pas je veux ça, je l’ai.’’
Il faut du travail, des paramètres que tu t’es fixés, que ce soit des paramètres financiers, des paramètres géographiques, des paramètres d’éthiques. Il y a eu du développement dans le centre-ville d’Ottawa. C’était important pour nous d’être dans le centre-ville. Il y a des occasions qui se sont présentées, des occasions qui étaient financièrement viables pour nous », estime-t-elle.

Aujourd’hui, quatre enfants de Jean-Yves et Christiane Germain travaillent pour le groupe. « Les valeurs familiales ont toujours été très importantes pour nous. Quand tu es dans une entreprise familiale, tu n’embarques pas dans un business is business, il y a des choses que tu vas présenter différemment, et c’est normal que ce soit comme ça. Il faut faire attention, il ne faut pas pousser la main, parce que des fois, on pourrait dire des choses qu’on va regretter... des fois je me tourne la langue. Pour certains, c’est difficile. Je pense que c’est une source de défis. Mais je dirais que de façon générale, ça s’est toujours bien passé. Travailler avec sa famille, ce n’est pas un long fleuve tranquille ! »

Se relever de la COVID

Comme bien des secteurs de l’économie, l’hôtellerie et le secteur touristique ont beaucoup écopé pendant la pandémie de la COVID-19. « En fait, c’est un choc. Je ne peux pas utiliser d’autres mots, c’est un choc financier, c’est un choc physique, c’est un choc mental. Du jour au lendemain, tu perds 95 % de tes revenus. Tu te diriges vers ta meilleure année à vie, puis du jour au lendemain, tu tombes à zéro. »

D’ailleurs, avant la pandémie, un troisième hôtel du Groupe Germain devait s’établir à Ottawa, près de l’aéroport international Macdonald-Cartier. Un nouvel établissement était aussi en construction à Calgary. « Ces deux-là vont probablement repartir bientôt, j’espère. Ça va dépendre de la relance, de la reprise des choses. Puis on va voir comment le trafic aérien redémarre. Je n’ai pas de boule de cristal. »

Cette relance, Christiane Germain dit qu’elle commence à la ressentir dans ses hôtels. « Tranquillement, on voit un peu de lumière au bout du tunnel. On a eu de l’aide et Dieu merci, parce qu’on est passé au travers, ça revient tranquillement », avance-t-elle, spécifiant toutefois être très prudente dans l’analyse du retour.

« C’est encore fragile. Il faut s’habituer à ce nouveau style de vie. Je ne dis pas qu’il va durer pour la vie, mais je pense qu’entre aujourd’hui et la fin, il va y avoir des étapes. »

Selon elle, bien que plusieurs établissements dans les centres-villes de Toronto et de Montréal, par exemple, ne sont pas sortis de l’auberge, à Ottawa, ou encore à Charlevoix, souligne-t-elle, les choses reprennent assez bien, malgré le manque de main-d’œuvre qui se fait aussi sentir. 

Avant la pandémie, environ 1300 personnes travaillaient pour le Groupe Germain. Il n’y en avait plus que 200 pendant la crise et environ 550 maintenant. « Le tourisme domestique nous favorise parce que les gens voyagent beaucoup à travers le Canada et en profitent pour aller voir des endroits qu’ils n’avaient jusqu’ici jamais vus. Ils allaient ailleurs avant de voyager chez eux. Il y a comme une envie d’encourager les gens qui sont de chez nous, les compagnies canadiennes, les entreprises familiales. On a le goût de se rapprocher de ces entreprises-là. On le sent. »

Le tourisme d’affaires, qui représentait avant la pandémie 60 % du chiffre d’affaires de la chaîne hôtelière, serait sans doute le dernier maillon à revenir à la normalité. « Je ne m’attends pas à ce que ce soit du jour au lendemain, mais j’ai confiance que d’ici deux ans, on va avoir repris notre rythme d’avant. »

La dragonne

Plusieurs téléspectateurs connaissent Christiane Germain en tant qu’investisseure invitée à l’émission Dans l’œil du dragon, diffusée à la télévision d’Ici Radio-Canada, où des entrepreneurs en quête de financement et de mentorat viennent présenter des projets à des sommités du monde des affaires. « Cette année, je l’ai fait à nouveau à temps plein et ça m’a fait énormément de bien, autant sur le plan mental, parce que ça m’a aidé un peu à me sortir de mon environnement quotidien qui est un peu abrutissant parfois. »

Pour Mme Germain, voir la relève entrepreneuriale se développer grâce à l’aide financière de gens d’affaires chevronnés, mais aussi grâce à leurs conseils, c’est aider à bâtir l’économie. 

« Ce conseil qui pour moi n’est rien fait toute la différence pour eux. Alors moi, je te dirais que ça me fait plaisir de le faire. Ça fait du bien de le faire. »

Et cette relève, Christiane Germain s’attend-elle à ce que les enfants Germain la perpétuent au sein de l’entreprise. « Je pense que c’est bien parti », croit-elle. « Mais maintenant, les enfants sont quand même des adultes. Ils font le choix de travailler dans l’entreprise. Mais ça n’a pas été une décision prise alors qu’ils étaient adolescents. Ça n’a pas été notre décision. Je pense qu’il est raisonnable de penser qu’ils vont poursuivre. »

Et s’exporter ailleurs qu’au Canada ? « Ce sera une question d’opportunités. En 2019, j’aurais probablement répondu avec plus d’affirmation. Mais là, c’est pour se remettre de ce qu’on vient de vivre, puis continuer le développement. Ça sera l’histoire de la prochaine génération. »