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«Il y a eu une augmentation horrible des cas de tricherie et de plagiat dans nos institutions dans la dernière année et demie. […] Nous, on appelle ça un fléau.»

Professeure au département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Martine Peters a reçu une subvention de 2,5 millions $ du fédéral pour établir le Partenariat universitaire sur la prévention du plagiat. Sous sa gouverne, 63 chercheurs provenant de 28 universités dans sept pays participeront à la collecte de données et à la création d’outils.

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L’Université du Québec en Outaouais (UQO) enregistre une augmentation de 100 cas pour les sessions d’automne et d’hiver 2020-2021, comparativement à l’année précédente.

Le nombre de cas a aussi explosé à l’Université Concordia, passant de 117 en 2020 à 278 en 2021. Il s’agit du nombre de cas le plus élevé des dernières années pour cet établissement montréalais. À l’Université Bishop’s, le nombre d’infractions académiques a quadruplé entre 2019-2020 et 2020-2021, passant de 9 à 39 pour les sessions d’automne et d’hiver combinées.

Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, les cas de plagiat ont également bondi au cours de la dernière année. L’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a enregistré 58 fraudes scolaires, soit trois fois plus de cas qu’en 2019-2020.

HEC Montréal ne fait pas exception avec 224 étudiants sanctionnés en 2020-2021, ce qui est trois fois plus élevé que l’année précédente 2019-2020. L’établissement a d’ailleurs multiplié les mesures de détection au fil des dernières années, notamment en utilisant l’outil Compilation pour vérifier s’il y a des similitudes dans les travaux des étudiants avec les travaux déposés dans les sessions précédentes et ce qui existe sur le web.

À l’Université du Québec à Montréal, c’est près de 345 plaintes de plagiat qui ont été déposées au cours de la dernière année, un record depuis 2016. À l’Université Laval, à Québec, les données 2020-2021 ne sont toujours pas disponibles. On note néanmoins que le nombre de cas dénoncés a augmenté chaque année depuis 2016, passant de 214 à 279. Le Bureau du droit d’auteur y offre d’ailleurs des formations sur le plagiat, l’intégrité académique et l’intégrité intellectuelle pour remédier à la situation.

Exception à la règle

L’Université de Sherbrooke est l’une des rares à ne pas avoir vu les cas de fraude augmenter en 2020-2021. L’établissement affiche en moyenne un peu plus de 40 cas par année, à l’exception de l’année scolaire 2019-2020, en début pandémie, où une soixantaine de dossiers de plagiat ont été traités. À l'Université du Québec à Trois-Rivières, on rapporte plus d’une centaine de cas pour une partie des sessions d’automne et d’hiver 2020-2021. Les données concernant les dénonciations reçues depuis le mois d’avril 2021 ne sont toujours pas colligées.

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Plusieurs recherches se sont penchées sur le plagiat, mais aucune ne s’est intéressée à ce qui mène les étudiants à emprunter ce raccourci.

«Il y a des étudiants qui plagient et le font volontairement. Ceux-là, on ne les empêchera jamais de le faire. Il y en a d’autres qui plagient involontairement, parce qu’ils n’ont pas la formation requise», explique la professeure, qui se passionne pour la question depuis qu’un de ses étudiants a été expulsé de sa maîtrise pour avoir plagié, en 2006. Il avait plaidé que personne ne lui avait dit quoi faire et éviter.

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Le plagiat peut être aussi simple que de copier une phrase sur le net, sans citation ni attribution, ou de pêcher une photo sur un moteur de recherche, sans indiquer sa source. Un oubli est si vite arrivé. Et si l’étudiant modifie quelques mots, pensant s’éloigner suffisamment de la version originale? Il s’agit aussi de plagiat.

Dans la première partie du projet, les chercheurs récolteront des données pour découvrir comment agissent et pensent les étudiants. Des ordinateurs capteront toutes les actions des étudiants recrutés, lors de la rédaction de leurs travaux. On examinera aussi le «créacollage numérique», une expression créée par Mme Peters. Selon l’Université de Sherbrooke, il s’agit de «la création originale en recherchant et en combinant de l’information variée trouvée sur Internet ou à la bibliothèque sans oublier d’indiquer correctement ses sources».

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Tricherie

Il existe une différence entre le plagiat et la tricherie, qui est plus souvent utilisée en examen. On s’imagine l’ado lisant des notes sous sa semelle ou qui demande à un autre la réponse à une question.

La tricherie est elle aussi devenue plus courante avec la multiplication des examens à distance, pendant la pandémie. La façon d’enseigner et de donner les examens est demeurée la même qu’en classe, sans toutefois assurer de surveillance physique.

«Un des buts du projet est justement d’amener les profs à se rendre compte qu’on doit modifier nos pratiques pédagogiques pour décourager le plagiat ou la tricherie.»

Relation affaiblie par les écrans

Selon les experts, les étudiants ayant une bonne relation avec leur professeur ont moins tendance à tricher ou plagier. «Le prof les intéresse, le sujet aussi.» Par contre, la pandémie et les cours à distance ont rendu ce lien difficile à établir.

À l’UQO, la professeure Peters a toujours entretenu un lien fort avec ses étudiants. Mais pas depuis le début de la pandémie. «Je me sentais plate, confie celle qui enseigne depuis 30 ans. Les sessions de la dernière année et demie ont été mes pires en carrière. C’est sûr que les étudiants n’ont pas été engagés comme d’habitude. J’avais une classe de 64 étudiants, en ligne, et je n’avais que trois ou quatre caméras ouvertes.»

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Plusieurs autres facteurs peuvent pousser au plagiat: l'origine des étudiants, la charge de travail reliée aux cours, ou l’obligation pour certains d’avoir un emploi durant les études.

Dans la vie personnelle et professionnelle

Le comportement des plagieurs se transpose souvent au-delà des études, au travail et dans la vie personnelle.

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Les chercheurs disent que, plus quelqu’un a plagié sans se faire prendre, plus il va continuer à plagier et plus il va adopter ce type de comportement.

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Ces recherches relèvent trois exemples typiques dans la vie quotidienne. «Aller vite sur l’autoroute, c’est un comportement que les plagieurs vont adopter plus tard, rapporte-t-elle. Un autre exemple très semblable: l’alcool au volant. Et le troisième type, qui est pas mal plus personnel et différent, c’est de tromper son conjoint. Encore une fois, c’est de prendre un risque. C’est facile, rapide et il a des chances de ne pas se faire prendre.»

Et comme ces étudiants ont coupé les coins ronds durant leurs années d’études, cette tendance à mentir et à tricher se poursuit souvent au travail.

Prévenir dès le primaire

Selon la professeure Peters, «la prévention devrait commencer au primaire». Quand le travail d’un enfant est trop beau, c’est souvent un de ses parents qui l’a fait avec ou pour lui. Un enfant qui utilise, pour un travail, une photo de son animal préféré tirée d’un site web sans indiquer sa source est aussi une forme de plagiat, poursuit-elle.

«Tu ne peux pas utiliser le travail que ton parent a fait. Si tout le monde l’enseignait un peu, dès le départ, on n’aurait pas les problèmes qu’on a à l’université.»

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Caroline est un nom fictif. Dans son petit village du Québec, on la reconnaîtrait trop facilement. Entre la petite école et le secondaire, cette pression malsaine s’est poursuivie afin qu’elle «se laisse faire» lorsqu’on copiait ses examens.

«Au cégep, j’étais plutôt approchée pour faire les travaux à la place des autres, dit-elle. Ça m’est arrivé quelques fois. D’une certaine façon, ça me déplaisait. Effectuer les travaux d’équipe (seule) représentait une grosse charge de travail sur mes épaules.»

Caroline acceptait une cinquantaine de dollars des autres étudiants lors des travaux de fin de session qui devaient être faits en équipe.

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Il y avait une certaine pression, mais en même temps, je voulais aussi être certaine d’avoir de bonnes notes.

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Pour déjouer les profs, elle remettait la section du travail à chacun des coéquipiers, qui enregistrait «sa» partie sur son ordinateur personnel avant de l’envoyer.

Pression et violence psychologique

Cette tendance à travailler pour les autres remonte à l’enfance et à l’adolescence. La pression était forte. «J’étais un peu plus recluse. J’étais première de classe, j’avais les bonnes réponses. Je me faisais beaucoup achaler. C’était une forme de contrôle.»

Au primaire, ce plagiat survenait contre son gré. «J’ai dénoncé à un enseignant, mais il n’y avait pas de preuve. Le prof a fait un discours (pour inciter les jeunes à ne pas plagier et s’efforcer de comprendre la matière), mais la classe a rapidement compris qui avait bien pu dénoncer. Ça m’a causé des reproches. On parle de violence psychologique.»

Puisque ces élèves du primaire allaient ensuite à la même école secondaire, le phénomène s’est reproduit.

Même après le cégep, où elle vendait ses services de «bollée», Caroline s’est retrouvée dans une spirale semblable sur le marché du travail. «Une employée qui avait le même poste que moi, mais avec plus d’ancienneté, ne faisait pas toujours ses tâches. C’était aussi une sorte de paresse. Lorsque j’en parlais à une superviseure, elle me répondait: ‘Ce n’est pas grave, le travail est fait de toute façon’.»

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Au cégep, Caroline vendait ses services de «bollée» aux autres étudiants."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Simon Séguin-Bertrand, Le Droit"},"position":3,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F6557311b-a33a-40a0-a29c-53ebacd54c21.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":4,"text":{"fr":"

Selon elle, l’impact des comportements qu’elle subissait dans son enfance n’est pas étranger à ce qu’elle a vécu à l’âge adulte.

Caroline est perfectionniste. Son désir d’avoir de bonnes notes équivaut aujourd’hui à celui d’être performante au travail.

Elle est heureuse d’avoir changé d’emploi et de travailler au service à la clientèle d’une entreprise qui respecte davantage la valeur d’intégrité professionnelle. «Il n’y a pas de problème à l’endroit où je travaille en ce moment, mais j’ai développé le sentiment d’être ‘lésée’ lorsque le travail est moins bien fait par un collègue qui ne s’applique pas autant que moi.»

Regrets

Selon Caroline, le plagiat et la tricherie à l’école existeront toujours. Peut-être, dit-elle, que les profs qui imposent des travaux d’équipe devraient les organiser dans leurs classes pour éviter les ‘copier-coller’, beaucoup trop facile au 21e siècle.

Des regrets? «D’une certaine façon, non. J’ai pu conserver ma moyenne académique à flot, et j’ai fait un peu d’argent.»

Et les autres? «Je ne crois pas qu’ils regrettent non plus. Ce n’étaient pas de futurs médecins. Et je ne crois pas qu’ils ont eu mes notes lors des examens finaux.»

"},"type":"paragraph"}],"creationDate":"2021-08-17T13:58:30.892Z","externalIds":{},"firstPublicationDate":"2021-09-09T21:23:28.404Z","free":false,"id":"fbf90b1a3188d6744342873636605c27","lead":"Caroline «se faisait copier» dès le primaire, bien malgré elle. Quelques années plus tard, au cégep, elle effectuait seule les travaux d’équipe, en échange de 40 ou 50$ de ses collègues. 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Aujourd’hui dans la jeune vingtaine, l’universitaire ne prévoit plus copier le travail de ses pairs. Lorsqu’il a triché dans le cadre de deux travaux longs de fin de session, c’était au cégep, en sciences humaines. Il n’avait que faire de la matière à maîtriser.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Samuel (nom fictif)"},"position":1,"text":{"fr":"

C’était un gros problème de motivation, et le cours n’avait rien à voir avec mon domaine. Moi, je voulais être prof d’éducation physique.

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Pour le cégépien qu’il était, les longues heures à plancher sur des travaux de 40 pages - dans une matière qui ne l’intéressait pas - n’étaient pas compatibles avec sa santé. «Je devais prendre soin de ma santé mentale avant tout, et alléger ma session.»

Pas de triche pendant l'université

Samuel a généralement de bons rendements académiques, même lorsqu’il ne triche pas.

D’ailleurs, son comportement illégitime ne devrait pas se répéter dans le cadre universitaire, dit-il. «Pas vraiment, car je fais ce que j’aime. Et à l’université, c’est beaucoup plus grave si tu te fais prendre à tricher.»

Son modus operandi, au cégep, était bien simple. Il s’agissait de reprendre en grande partie le travail d’un étudiant plus âgé qui avait déjà rédigé son travail de 40 pages. «Mon ami avait fait le travail et n’était plus au cégep. Tu changes la forme du texte et la syntaxe, et tu ajoutes quelques informations.»

Samuel n’a pas de remords. «Mais si tu te fais prendre, c’est un zéro automatique.»

L’universitaire est convaincu que la grande majorité des étudiants, «même les plus sages», ont déjà triché au moins une fois pendant leur parcours scolaire.

Si un étudiant lui demande à son tour de «copier» ses travaux, Samuel prévoit «certainement» refuser. «Mais si une personne me le demande lorsque j’aurais terminé mon bac, et que j’aurai mon diplôme, OK.» Inutile, donc, de lui demander ses travaux avant sa collation des grades.

*Nom fictif

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