Combattre le «fléau» de la tricherie et du plagiat [VIDÉO]

Plusieurs recherches se sont penchées sur le plagiat, mais aucune ne s’est intéressée à ce qui mène les étudiants à emprunter ce raccourci.

Devant le «fléau» des étudiants qui trichent ou plagient, une professeure québécoise s’est fait confier un devoir : trouver des façons de le prévenir. Ici, et ailleurs dans le monde.


«Il y a eu une augmentation horrible des cas de tricherie et de plagiat dans nos institutions dans la dernière année et demie. […] Nous, on appelle ça un fléau.»

Professeure au département des sciences de l’éducation à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), Martine Peters a reçu une subvention de 2,5 millions $ du fédéral pour établir le Partenariat universitaire sur la prévention du plagiat. Sous sa gouverne, 63 chercheurs provenant de 28 universités dans sept pays participeront à la collecte de données et à la création d’outils.

Plusieurs recherches se sont penchées sur le plagiat, mais aucune ne s’est intéressée à ce qui mène les étudiants à emprunter ce raccourci. 

«Il y a des étudiants qui plagient et le font volontairement. Ceux-là, on ne les empêchera jamais de le faire. Il y en a d’autres qui plagient involontairement, parce qu’ils n’ont pas la formation requise», explique la professeure, qui se passionne pour la question depuis qu’un de ses étudiants a été expulsé de sa maîtrise pour avoir plagié, en 2006. Il avait plaidé que personne ne lui avait dit quoi faire et éviter.

Selon la professeure Peters, «la prévention devrait commencer au primaire».

Le plagiat peut être aussi simple que de copier une phrase sur le net, sans citation ni attribution, ou de pêcher une photo sur un moteur de recherche, sans indiquer sa source. Un oubli est si vite arrivé. Et si l’étudiant modifie quelques mots, pensant s’éloigner suffisamment de la version originale? Il s’agit aussi de plagiat.

Dans la première partie du projet, les chercheurs récolteront des données pour découvrir comment agissent et pensent les étudiants. Des ordinateurs capteront toutes les actions des étudiants recrutés, lors de la rédaction de leurs travaux. On examinera aussi le «créacollage numérique», une expression créée par Mme Peters. Selon l’Université de Sherbrooke, il s’agit de «la création originale en recherchant et en combinant de l’information variée trouvée sur Internet ou à la bibliothèque sans oublier d’indiquer correctement ses sources». 

Tricherie

Il existe une différence entre le plagiat et la tricherie, qui est plus souvent utilisée en examen. On s’imagine l’ado lisant des notes sous sa semelle ou qui demande à un autre la réponse à une question.

La tricherie est elle aussi devenue plus courante avec la multiplication des examens à distance, pendant la pandémie. La façon d’enseigner et de donner les examens est demeurée la même qu’en classe, sans toutefois assurer de surveillance physique.

«Un des buts du projet est justement d’amener les profs à se rendre compte qu’on doit modifier nos pratiques pédagogiques pour décourager le plagiat ou la tricherie.»

Relation affaiblie par les écrans

Selon les experts, les étudiants ayant une bonne relation avec leur professeur ont moins tendance à tricher ou plagier. «Le prof les intéresse, le sujet aussi.» Par contre, la pandémie et les cours à distance ont rendu ce lien difficile à établir.

À l’UQO, la professeure Peters a toujours entretenu un lien fort avec ses étudiants. Mais pas depuis le début de la pandémie. «Je me sentais plate, confie celle qui enseigne depuis 30 ans. Les sessions de la dernière année et demie ont été mes pires en carrière. C’est sûr que les étudiants n’ont pas été engagés comme d’habitude. J’avais une classe de 64 étudiants, en ligne, et je n’avais que trois ou quatre caméras ouvertes.»

Pendant la pandémie, les cours à distance ont rendu le lien entre l'enseignant et les étudiants difficile à établir.

Plusieurs autres facteurs peuvent pousser au plagiat: l'origine des étudiants, la charge de travail reliée aux cours, ou l’obligation pour certains d’avoir un emploi durant les études.

Dans la vie personnelle et professionnelle

Le comportement des plagieurs se transpose souvent au-delà des études, au travail et dans la vie personnelle.

Ces recherches relèvent trois exemples typiques dans la vie quotidienne. «Aller vite sur l’autoroute, c’est un comportement que les plagieurs vont adopter plus tard, rapporte-t-elle. Un autre exemple très semblable: l’alcool au volant. Et le troisième type, qui est pas mal plus personnel et différent, c’est de tromper son conjoint. Encore une fois, c’est de prendre un risque. C’est facile, rapide et il a des chances de ne pas se faire prendre.»

Et comme ces étudiants ont coupé les coins ronds durant leurs années d’études, cette tendance à mentir et à tricher se poursuit souvent au travail.

Prévenir dès le primaire

Selon la professeure Peters, «la prévention devrait commencer au primaire». Quand le travail d’un enfant est trop beau, c’est souvent un de ses parents qui l’a fait avec ou pour lui. Un enfant qui utilise, pour un travail, une photo de son animal préféré tirée d’un site web sans indiquer sa source est aussi une forme de plagiat, poursuit-elle.

«Tu ne peux pas utiliser le travail que ton parent a fait. Si tout le monde l’enseignait un peu, dès le départ, on n’aurait pas les problèmes qu’on a à l’université.»