Déposé par le ministre responsable de la langue française Simon Jolin-Barrette, le projet de loi 96 vient entre autres baliser l'usage du français dans l'administration publique et dans les entreprises comptant de 25 à 49 employés, en plus d'aborder la question de l'accès aux cégeps anglophones et de proposer la création d'un poste de commissaire à la langue française, lequel serait nommé par l'Assemblée nationale.
Dans l'ensemble, le président d'Impératif français, Jean-Paul Perreault, a réagi assez positivement à la lecture de la pièce législative, même s'il apporte des bémols.
«C'est un pas dans la bonne direction. Je pense que le Québec dans sa personnalité internationale et sa géographie en Amérique du Nord a vraiment besoin d'un encadrement législatif très fort, non pas seulement pour protéger sa langue, mais aussi la faire rayonner. La langue, la culture, c'est ce qui nous distingue, qui fait de nous l'une des sociétés les plus avancées au monde. [...] Mais nous aurions souhaité des mesures davantage musclées, par exemple en ce qui a trait à l'exigence de l'anglais à l'embauche ou lors d'une promotion, d'une mutation. Actuellement, c'est quasi du mur-à-mur et ça créé une anglicisation presque systématique du Québec», lance-t-il.
À son avis, sauf dans de très rares exceptions, il devrait être illégal de l'exiger et le fardeau de la preuve devrait reposer sur les épaules des employeurs, lesquels seraient obligés de prouver que la maîtrise de l'anglais est absolument indispensable pour un poste.
Au chapitre de l'administration publique, M. Perreault croit que la province aurait aussi pu serrer la vis davantage avec les nouvelles règles qu'elle veut instaurer.
«Il n'y a pas que les personnes morales. Le gouvernement aussi doit s'adresser uniquement en français aux citoyens. C'est la langue nationale commune, tout le monde est censé la connaître, la parler ou être en cours d'apprentissage pour la parler. Malheureusement, on créé souvent les conditions pour que ça ne soit pas le cas. L'option 'Press 9' quand on téléphone, de surcroît dans une institution publique, est un exemple. On vous offre l'option de l'anglais, souvent même en premier, alors ça vient dire aux anglophones et aux allophones qu'ils n'ont pas besoin d'apprendre le français, par exemple pour travailler», dit-il.
Malgré ses quelques réserves, M. Perreault est d'accord avec le premier ministre Legault pour dire que c'est la première fois depuis l'adoption de la loi 101, en 1977, qu'un gouvernement va aussi loin.
«C'est un bon projet de loi. On voit très bien actuellement sur l'échiquier politique que tous les partis politiques sans exception sont favorables à la francisation, maintenant il faudra voir comment ils vont se comporter à l'Assemblée nationale», précise-t-il.
Chien de garde de la langue de Molière, Impératif français aurait aussi aimé, au-delà des droits, entendre parler davantage des conséquences et des obligations reliées au projet de loi.
Le gouvernement doit associer les droits et les obligations. Et si ces dernières ne sont pas respectées, il doit y avoir des amendes sévères. Ce ne sont pas les entreprises milliardaires qui seront alarmées par une amende de 10 000$. C'est l'avenir qu'on est en train de bâtir», s'exclame-t-il.
M. Perreault pense que la Coalition avenir Québec (CAQ) a également «raté le rendez-vous» sur la question des études postsecondaires en anglais. Le gouvernement veut geler le ratio de places anglophones dans le réseau collégial à 17,5 %.
Il aurait dû exiger la fréquentation universelle des cégeps de langue française pour aider tout le monde à s'intégrer au Québec, à se développer une qualité de vie en français, à travailler en français et ainsi réduire le nombre de gens qui s'en vont ailleurs car ils ne sont pas assez francisés, alors qu'on paie pour leur éducation.
« Nous n'avons pas assez insisté pour qu'ils apprennent la langue. Partout dans le monde, le système d'éducation est dans la langue nationale, sauf dans quelques pays. À ce que je sache, l'anglais n'est pas la langue nationale, c'est une langue seconde», martèle-t-il.
L'organisme croit aussi qu'on doit investir davantage dans la création, la diffusion et la production culturelle en français.
Association des régionale des West Quebecers
Pour le président de l'Association régionale des West Quebecers (ARWQ), Arthur Ayers, qui qualifie cette réforme de «costaude», il y a lieu de laisser la chance au coureur.
Si l'organisme accueille favorablement certaines mesures, il avertit que d'autres, par exemple en ce qui a trait à l'administration publique ou aux restrictions dans les cégeps anglophones, pourraient avoir pour effet pervers d'isoler une part de la population.
La possibilité pour des municipalités de perdre leur statut bilingue, par exemple Chelsea, agace aussi l'ARWQ, qui estime que les décisions en ce sens devraient revenir aux autorités municipales, «qui connaissent leurs besoins»
«Quand on impose des limites, quand on pousse vers l'unilinguisme français, c'est là que ça devient un peu une insularité. Notre philosophie, qui est celle d'une majorité de gens de la communauté anglophone, c'est de promouvoir le bilinguisme, d'avoir des compétences dans les deux langues. [...] Il faut toujours être vigilant. Est-ce que le français est vraiment en recul? Dans certains domaines, ça semble être le cas, mais dans d'autres, non. C'est difficile à dire, tout est dans les nuances», dit M. Ayers.