De chef de police à producteur de pot [VIDÉO]

Le président-directeur général de QcGoldtech, Yvan Delorme, a été directeur du Service de police de Montréal.

Un nouveau producteur de l’Outaouais, QcGoldtech, vient de se frayer une place sur les tablettes des succursales de la Société québécoise du cannabis (SQDC). À sa tête, on retrouve l’ancien directeur du Service de police de la Ville de Montréal, Yvan Delorme. Entrevue avec un entrepreneur pas comme les autres.


Yvan Delorme est loin d’avoir le profil préconçu du président et directeur général d’une entreprise de production de cannabis, lui qui a été agent de formation, patrouilleur, agent double et finalement directeur du Service de police de la Ville de Montréal de 2005 à 2010, avant de prendre sa retraite après une longue carrière dans les forces de l’ordre qui avait commencé en 1983.

QcGoldtech, dont M. Delorme est le principal actionnaire, vient de lancer sur le marché, cette semaine, ses quatre premiers produits de fleurs séchées qui ont été concoctés à l’intérieur de ses usines de 30 000 pieds carrés situées à Notre-Dame-de-la-Paix et Saint-André-Avellin, dans la Petite-Nation. L’entreprise possède également un site de culture extérieur de 70 hectares à Saint-Sulpice, dans la région de Lanaudière.

(Simon Séguin-Bertrand, Le Droit)

L’entreprise, qui embauche actuellement une soixantaine d’employés en Outaouais et qui a obtenu sa licence de Santé Canada à la fin décembre, prévoit lancer six variétés supplémentaires dans les succursales de la société d’État d’ici le début de l’été.

Le PDG refuse de parler des détails précis reliés à la capacité de production de sa compagnie, mais il assure que son plan d’affaires est rodé au quart de tour. «La production que nous avons nous permet de fournir la SQDC toute l’année, de façon régulière», lance-t-il.

Le producteur mise sur une marque de commerce «100% québécoise», ce qui le distingue des autres joueurs du marché, souligne son PDG qui travaille sur ce projet de démarrage depuis 2017.

«Premièrement, ce ne sont pas des intérêts étrangers qui possèdent l’entreprise. Aussi, tout ce dont on a besoin pour la production, on l’achète ici, dans la région ou ailleurs au Québec. Que ce soit les produits d’emballage, d’étiquetage, notre terre, notre équipement, on l’achète au Québec. Même si c’est plus cher, c’est important pour nous d’acheter local», précise M. Delorme.

S’il a choisi l’Outaouais pour implanter sa compagnie, c’est principalement parce que son associé, Donald Fontaine, du Groupe Jafaco Gestion, une société de portefeuille qui est propriétaire de plusieurs entreprises et terres agricoles dans la Belle Province, possédait déjà des immeubles dans la région, indique M. Delorme.

Les installations de QcGoldtech à Notre-Dame-de-la-Paix

Spécialiste en stupéfiants

Les stupéfiants, M. Delorme connaît ça. En 1995, celui-ci s’est joint à la célèbre Escouade Carcajou, créée dans la foulée de la guerre des motards au Québec. Promu au grade de commandant, il a lancé en 1997 l’unité d’enquêtes sur les produits de la criminalité.

Il l’affirme lui-même, il était l’un des spécialistes au Canada en matière de stupéfiants. Son nouveau rôle d’entrepreneur dans un secteur d’activités où l’on fabrique une drogue récréative qui était illégale au pays jusqu’en octobre 2018 n’est-il pas contradictoire avec ses valeurs? Au contraire, répond-il. QcGoldtech est en quelque sorte le continuum de sa contribution pour protéger les consommateurs de cannabis, illustre l’ancien policier.

«Les consommateurs, ce sont des victimes. On le sait, c’est prouvé, l’alcool est la pire drogue à consommer. Le cannabis est la moins pire des drogues à consommer. Ça fait longtemps que je connais ces données. J’ai travaillé à l’évolution vers la légalisation du cannabis. Ma spécialité était de lutter contre les stupéfiants et le crime organisé, mais c’était surtout de m’attaquer aux personnes qui profitent des gens vulnérables. J’étais là pour protéger les personnes vulnérables quand j’étais policier, et aujourd’hui, je veux aller dans le même sens», explique-t-il.

Une partie des bénéfices du producteur basé dans la Petite-Nation sera versée à fondation vouée au financement des organismes québécois d’aide luttant contre les toxicomanies.

Financer la recherche médicale

L’objectif de la jeune entreprise sera bien sûr de payer ses frais d’exploitation et d’être rentable, mais d’ici la prochaine année, QcGoldtech s’est engagée à mettre sur pied une fondation «vouée au financement des organismes québécois d’aide luttant contre les toxicomanies qui s’occupent notamment, mais non exclusivement, de prévention, de réadaptation et de formation d’intervenants sociaux».

Une partie des bénéfices du producteur basé dans la Petite-Nation sera versée à cette fondation qui aura aussi comme mandat de financer des projets de recherche sur les effets du cannabis sur la santé, assure M. Delorme dont le père est décédé en 2017 de la maladie de Parkinson.

C’est d’ailleurs en grande partie pour prendre soin de ce dernier que l’ancien directeur du SPVM a pris sa retraite, en 2010. S’il avait su que le cannabis avait des effets thérapeutiques, à l’époque, il aurait encouragé son père à consommer la plante pour le soulager de ses maux, mais celle-ci était encore interdite au Canada, rappelle-t-il.

«Je ne veux pas vendre plus, je veux vendre mieux. Je ne veux pas développer des marchés de consommateurs de cannabis. Je veux faire en sorte que les gens soient bien renseignés sur cette drogue et qu’ils puissent la consommer de façon responsable. Je ne m’en vais pas là pour faire une compagnie cotée à la bourse. Je m’en vais là pour réinvestir une partie de nos bénéfices dans la recherche pour faire évoluer la connaissance médicale par rapport à cette plante», de conclure le PDG de QcGoldtech.