Retour en classe: satisfaction et frustration à Ottawa et dans l'Est ontarien

À Ottawa, des élèves de l'école secondaire De La Salle s'apprêtent à retourner en classe.

Des dizaines de milliers d'élèves d'Ottawa et de l'Est ontarien ont enfilé leur sac à dos lundi pour retourner en classe pour la première fois depuis la mi-décembre, le gouvernement Ford ayant donné son feu vert pour la réouverture des écoles. 


Plus de 280 000 élèves, dont plus de la moitié sont dans la région de la capitale nationale et l'Est ontarien, retrouvaient leurs camarades après quatre semaines d'apprentissage par le biais des plateformes virtuelles.

Certaines mesures sanitaires ont été renforcées, par exemple le port du couvre-visage désormais obligatoire pour les élèves dès la 1re année, et ce, jusqu'à la 12e année, autant dans les salles de classe, les corridors que les autobus scolaires. Ce sera aussi le cas à l'extérieur lorsque la distanciation sera impossible. Chaque matin avant de se rendre à l'école, les membres du personnel et les élèves devront aussi remplir un formulaire d'auto-évaluation de symptômes. 

Nettoyage et désinfection

Au Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), le directeur de l'éducation Marc Bertrand indique que bien que l'apprentissage en mode virtuel se soit bien déroulé depuis le début janvier, «il n'y a rien comme l'enseignement en présentiel pour faciliter l'échange entre le personnel et les élèves». 

 Marc Bertrand, directeur de l'éducation, CECCE

«On est prêt à recevoir les élèves dans des environnements sécuritaires et bienveillants. Une attention particulière est portée au nettoyage des établissements et à la désinfection, et l’administration procède à plusieurs rappels auprès du personnel et des familles concernant l’application des mesures sanitaires et l’autodépistage quotidien. Un aide-mémoire a d’ailleurs été partagé aux familles à cet effet», note-t-il. 

La semaine dernière, l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC) a par contre laissé entendre que le gouvernement a fait son annonce tardivement, rappelant qu'une décision rapide demande plusieurs efforts de planification additionnelle pour les conseils scolaires et qu'on compte sur «des communications préalables». 

«Un peu plus de temps de préparation aurait été apprécié. Quoiqu’ils soient sûrement heureux de retourner à l’école, ce sont tous nos employés ainsi que les familles de nos élèves qui assument le poids de ces changements», de dire la présidente Johanne Lacombe.

«Un gâteau pour fêter ça»

Maman de deux enfants en deuxième et troisième année qui fréquentent l'école élémentaire catholique Embrun, Isabelle Bertrand salue ce retour en classe, qui à son avis aurait pu avoir lieu plus tôt en janvier. 



Je crois qu'elles [les écoles] auraient pu rouvrir plus tôt, ce n'est pas ça qui faisait hausser le nombre de cas, ce n'était pas la source d'éclosions.

«Quand on a appris la réouverture, on a fait un gâteau pour fêter ça, ça vous donne une idée. Non seulement les parents étaient contents, mais les enfants sont aussi très heureux de retourner. Qu'on le veuille ou non, c'était beaucoup de temps d'écran pour eux et ils s'ennuyaient de l'interaction avec leurs amis. J'ai observé que ça avait des impacts sur eux. Mon plus jeune garçon avait plus de colères, plus d'émotions, c'était plus difficile. Il y avait de la fatigue aussi. Et à leur âge, on ne pouvait pas les laisser à eux-mêmes, il fallait qu'on soit là pour répondre à leurs questions», dit-elle.

Son conjoint et elle ont dû adapter leur horaire de travail de sorte qu'ils étaient présents avec les enfants en alternance chaque jour. Selon la stratégie privilégiée par chaque enseignant, les deux écoliers pouvaient être en classe virtuelle jusqu'à quatre heures par jour. 

Sur une échelle de 10, Mme Bertrand soutient que son niveau de confiance pour la sécurité dans les écoles s'élève à 9. 

«Je crois qu'elles [les écoles] auraient pu rouvrir plus tôt, ce n'est pas ça qui faisait hausser le nombre de cas, ce n'était pas la source d'éclosions. Oui, il y a la sécurité physique des enfants, mais il y a aussi l'aspect psychologique dont il faut tenir compte. Que tout le monde soit toujours à la maison, c'est un gros stress», note-t-elle.

Frustration et questions pour le syndicat

Même si on souligne que même les «meilleures intentions du monde» ne peuvent remplacer la présence des élèves en salle de classe, l'Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) n'en démord pas et soutient que les inquiétudes demeurent parmi ses quelque 12 000 membres à travers la province.

«Il y a beaucoup de choses incertaines. Le gouvernement [Ford] continue de dire qu'il a mis en place de nouvelles mesures rigoureuses et plus sécuritaires, mais dans les faits, les gens dans les écoles déjà rouvertes [au nord de la province, par exemple] nous disent qu'ils n'ont rien constaté de nouveau. Il revendique beaucoup la question des masques [dès la 1re année], mais plusieurs conseils scolaires avaient déjà pris l'initiative de le faire. Le gouvernement n'est pas très transparent non plus au sujet de nos préoccupations liées à la ventilation. Quant à la distanciation physique, elle n'est pas absolument pas possible dans plusieurs établissements», clame la présidente Anne Vinet-Roy.

Anne Vinet-Roy, présidente de l'AEFO

Cette dernière tape sur le même clou que ces dernières semaines en réitérant que le gouvernement n'écoute «que les experts qui lui conviennent», entre autres en ce qui a trait à la qualité de l'air dans les écoles.

«Il y a certains endroits où il y a des choses qui ont été corrigées, mais c'est loin d'être le cas partout. Il y a des membres qui se font dire d'ouvrir les fenêtres. Il n'y a pas que dans le nord qu'il fait froid. Enseigner avec un manteau, ce n'est pas normal», ajoute-t-elle.

«Complexe»

La présidente de l'AEFO affirme qu'avant le congé des Fêtes, l'un des aspects jugés les plus «intenables» par les enseignants était de devoir enseigner simultanément en classe et à distance, les parents ayant toujours le choix d'envoyer leurs enfants à l'école ou non. 

«C'est très complexe, y compris pour les conseils scolaires qui essaient de gérer tout ça. Si c'est sécuritaire comme on le prétend le monde scolaire, pourquoi on offre encore ce choix? [...] Il n'y a pas de situation parfaite, des défis vont demeurer, mais une chose est certaine, le fait d'être en classe demeure préoccupant car le gouvernement continue de mentir sur ce qu'il fait ou non», conclut-elle.