Le Québec sous-exploite ses forêts publiques, selon l’Institut économique de Montréal

Selon l’Institut économique de Montréal, davantage de bois pourrait être récolté dans les forêt du Québec.

Alors que le nouveau régime forestier promis cet été par le premier ministre du Québec François Legault se fait toujours attendre, l’Institut économique de Montréal (IEDM) avance dans une note publiée jeudi que la Belle Province sous-exploite ses forêts publiques et que «des millions de dollars sont perdus chaque année en volume de bois non récolté».


Dans sa note économique intitulée «Forêts québécoises: des centaines de millions perdus dans nos régions chaque année», l’économiste et directeur des opérations de l’IEDM, Miguel Ouellette, soutient qu’à peine 1% de la forêt québécoise est exploitée sur une base annuelle et que le gouvernement doit en faire plus pour permettre aux forestières d’avoir les coudées franches dans leurs activités.

L’IEDM lance un pavé dans la marre en ce qui a trait à l’exploitation forestière en attaquant notamment les arguments des groupes écologistes qui militent pour la protection de la ressource.

«Une analyse poussée de l’industrie et de ses pratiques nous renvoie une image aux antipodes de celle mise de l’avant par les activistes. Chaque année, c’est moins de 1% de la forêt québécoise qui est exploitée. De plus, la forêt se régénère à un rythme plus rapide que ce que nous récoltons annuellement», écrit le directeur des opérations de l’IEDM.

Selon le constat fait par ce dernier, la province de Québec n’a exploité, depuis la dernière décennie, que 72% «de la possibilité forestière disponible dans la forêt publique québécoise chaque année».

Récolter plus de bois pourrait emprisonner beaucoup de CO2 et contribuer à la diminution des gaz à effets de serre émis dans la province.

L’IEDM prétend qu’«il serait possible d’aller chercher des centaines de millions de dollars de plus chaque année pour nos régions» en augmentant le pourcentage de bois récolté annuellement dans la forêt publique québécoise.

Une exploitation de la forêt publique à la hausse ne signifie pas automatiquement des impacts négatifs pour l’environnement, plaide l’auteur de la note économique, en citant une étude du Groupe de travail sur la forêt et les changements climatiques parue en 2019 et financée par le gouvernement du Québec. L’étude en question a notamment démontré que «récolter plus de bois pourrait emprisonner beaucoup de CO2 et contribuer à la diminution des gaz à effets de serre (GES) émis dans la province».

Une industrie de petites entreprises et de régions

Par ailleurs, la publication de M. Ouellette souligne que 72% des acteurs de l’industrie sont de petites entreprises et non de grandes multinationales. De ce nombre, 90% d’entre elles sont en activité en dehors des grands centres comme Montréal et Québec.

Le salaire moyen en aménagement forestier est de 68 000$, ce qui représente 55% de plus que la moyenne du salaire à l’échelle du Québec, note l’économiste dans son étude. Le gouvernement du Québec a donc intérêt à rendre la vie plus facile à l’industrie forestière afin de créer davantage d’emplois de qualité dans les régions qui ont été lourdement affectées par la pandémie de COVID-19 depuis le printemps, fait valoir l’IEDM.

Trois recommandations

Dans le cadre de son Plan Stratégique 2019-2023, le gouvernement Legault a démontré l’importance d’augmenter la possibilité forestière ainsi que la récolte de bois en forêt publique. L’IEDM indique que cette volonté rejoint ses conclusions et propose trois recommandations concrètes pour favoriser une exploitation forestière plus efficace au Québec.

«Le prix minimum fixé par le Bureau de mise en marché des bois doit être revu et diminué dans les régions où le bois en vente ne trouve pas preneur» et «l’État, les régions et les entreprises privées de l’industrie forestière devraient collaborer afin d’établir un plan plus efficace d’aménagement des forêts publiques là où aucune activité d’exploitation n’est encore en cours», recommande l’IEDM.

Finalement, l’organisation indépendante soutient qu’«il est impératif que le gouvernement du Québec limite les obstacles et coûts imposés aux entreprises forestières, dans l’objectif d’atteindre un seuil de récolte se rapprochant de la Colombie-Britannique, soit environ 95 % de la possibilité forestière.»

La situation de l’Outaouais

Selon M. Ouellette, les recommandations émises dans la note de l’IEDM peuvent trouver écho favorable en Outaouais, région solidement ébranlée depuis un an par une crise forestière sans précédent qui s’est amorcée avec la fermeture en octobre 2019 de l’usine Fortress, à Thurso.

L'usine Fortress, à Thurso

La cellule d’intervention mise sur pied en décembre dernier par le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, devrait s’inspirer des propositions faites par l’IEDM, tout comme le gouvernement Legault qui s’était engagé cet été à livrer une nouvelle mouture du régime forestier en octobre, estime l’économiste.

«La qualité du bois n’est pas nécessairement la meilleure en Outaouais. Le prix qui est fixé par le Bureau de mise en marché des bois est souvent supérieur à la valeur marchande du bois, donc une entreprise au final n’a pas d’intérêt à acheter le bois à un prix plus élevé qu’à un prix qu’elle pourrait obtenir quand elle le vend. C’est un des points les plus importants à revoir. Un autre point important, c’est que si la qualité du bois en Outaouais n’est pas excellente, les entreprises privées doivent pouvoir collaborer avec le gouvernement pour pouvoir se doter d’un meilleur plan d’aménagement forestier pour augmenter la productivité de la forêt. C’est un peu ce que Saguenay-Lac-Saint-Jean a fait en se dotant d’une politique régionale pour le secteur forestier. Depuis qu’ils ont fait ça, ils ont vu des changements. C’est la deuxième meilleure région au Québec en matière de possibilité forestière récoltée», note M. Ouellette, en entrevue avec Le Droit.

M. Ouellette pose par le fait même une sérieuse mise en garde à ceux qui croient que cette industrie est en déclin et que ce secteur d’activité pourrait éventuellement devenir un vestige du passé à court ou moyen terme.

«Des études économiques indiquent que la demande de bois pourrait augmenter mondialement de 30% dans les prochaines années. Si le Québec veut être un acteur clé, c’est sûr qu’il faut se mettre au travail. Pour ceux qui disent que l’industrie forestière, c’est du passé, elle représente quand même 2,5% du PIB québécois et 11,9 milliards ? en exportations. Ce n’est quand même pas rien. C’est encore le coeur de nos régions au Québec.»