Et après, il peut le configurer complètement.
L’homme est programmeur analyste, l’informatique n’a à peu près plus aucun secret pour lui, il est particulièrement ferré dans les logiciels libres qui peuvent être utilisés gratuitement et qui font pas mal la même chose que les logiciels payants. L’idée est toute simple, démocratiser la techno.
Ça fait des années qu’il baigne là-dedans et, en 2013, il a eu l’idée d’aller un petit peu plus loin encore. «J’habitais à Montréal, j’ai rencontré celui qui a fondé la FQCIL [Fédération québécoise des communautés et des industries du libre], et je lui ai dit que j’aimerais aider les non-voyants à avoir des ordinateurs gratuits.»
Pas juste des logiciels.
La Fédération a aimé l’idée. «Ils m’ont proposé le nom de Visulibre, je trouvais que c’était une bonne idée, l’union de visuel et libre.»
Parce que ce n’est pas juste un ordi avec des logiciels gratuits que Miguel voulait redonner, c’est un peu de liberté. «Selon des données que j’ai vues de l’INCA [Institut national canadien pour les aveugles], 70 % des aveugles ne travaillent pas et peuvent donc avoir de la difficulté à se payer un ordinateur. C’est pour eux que Visulibre est né.»
C’est sa façon d’aider, lui qui a la chance de travailler.
Et, depuis 2013, il prend des ordinateurs que des gens lui donnent, fonctionnels ou pas, et il les remonte complètement. «J’efface évidemment toutes les données qui sont dessus, je remplace des pièces s’il faut avec les pièces de rechange. Après, j’installe des logiciels libres, selon ce que les gens veulent faire.»
Depuis qu’il est à Québec, il s’est associé à la Fondation Caecitas qui lui fournit un local dont il se sert comme atelier.
Bon an, mal an, il remet entre deux ou trois ordinateurs à des gens qui, autrement, n’auraient pas les moyens d’en avoir un. «Il y a une femme à qui j’ai donné un ordinateur, le sien venait de sauter. Ça a fait toute la différence pour elle, elle a pu continuer à faire ses choses, à mener ses projets.»
Et surtout, l’ordi lui permet de voir avec ses oreilles. Chaque machine qu’il donne «parle», c’est-à-dire qu’elle convertit en son ce qui est écrit. «J’installe un lecteur d’écran qui met les mots en voix, qui fait une synthèse vocale. Eux, ils écrivent au clavier et l’ordinateur lit ce qu’ils écrivent.»
Il lit aussi les courriels à voix haute.
Miguel parvient aussi à redonner vie à des afficheurs qui permettent de convertir les écritures en braille. Ce qu’il faut savoir, c’est que la Régie de l’assurance-maladie du Québec fournit ce type d’aides visuelles uniquement aux personnes qui travaillent ou qui étudient. Les autres doivent le payer, «ça vaut environ 2500 $ et on s’entend que ce n’est pas tout le monde qui en ont les moyens».
Très peu, en fait.
Miguel vient à la rescousse. «Quand les gens ont de vieux afficheurs braille, je les ouvre et je les répare, je change des pièces au besoin. J’en ai récupéré trois qui dataient des années 1985, ça valait à peu près 10 000 $ à cette époque-là, et ils fonctionnent bien maintenant. Ça rend service aux gens.»
Il a tellement manipulé de composantes informatiques qu’il les reconnaît par le simple toucher. Dans son cas, ce n’est pas une façon de parler, il peut remonter un ordinateur les yeux fermés. «Je suis capable de voir les pièces avec mes mains, les cartes-mères, les processeurs, la mémoire... Avec les formes que certaines pièces ont, je peux même savoir c’est quoi la marque.»
Il fait de tout, des portables, des ordinateurs de bureau. «Je m’adapte à la personne. Si elle commence, je lui fais un ordinateur de base, ça dépend de ses besoins.» Ses ordis ne fonctionnent ni avec Mac OS ni avec Windows, mais avec Linux Ubuntu, «qui se rapproche de Windows. Les gens ne sont pas dépaysés».
À sa façon, il prend des «Serpuariens» et en fait des «Serencores».
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Vous avez un ordinateur qui pourrait avoir une autre vie? Écrivez à Miguel à visulibre@gmail.com.