«On ne s’attendait pas à ça: il n’y a pas de danger à venir chez nous», martèle Robin Plamondon. Le copropriétaire des cinémas Le Clap comprend mal une décision alors que toutes les salles respectent scrupuleusement les mesures dictées par la Santé publique.
«Les cas de contamination, ce sont dans les partys privés [et les bars]. Pas dans les cinémas.» Ceux-ci devront mettre des employés à pied et encaissés des pertes de revenus, sans parler «des dommages collatéraux à toute l’industrie du cinéma québécois», qui se voit force de reporter la sortie des films prévus en octobre, voire en novembre.
Tout le milieu s’était concerté, il y a à peine quelques semaines, pour élaborer un plan de relance qui visait notamment à établir un calendrier pour que chaque film québécois puisse bénéficier d’une fenêtre de sortie.
«Ça me décourage», soupire Chantale Pagé.
Mais le pire, prévient-elle, c’est que le gouvernement ne mesure pas l’impact économique de sa décision. Déjà durement éprouvés, une telle décision risque d’acculer des cinémas à la fermeture. Or, «nous sommes aussi forts que notre maillon le plus faible. Et ce maillon en ce moment, ce sont les salles», explique la présidente de Maison 4:3.
«Je ne comprends pas, je suis vraiment sonné. C’est comme si on jette à l’eau tous les efforts déployés par le milieu pour la relance du cinéma québécois. Ils ne comprennent pas le milieu et les enjeux et ne mesurent pas les répercussions que ça engendre.»
Pour aider les propriétaires, le distributeur avait alloué un plus grand nombre d’écrans que de coutume pour la sortie de Nadia, Butterfly. Que fera-t-il dans les prochaines semaines? Peut-on lancer un film sans Montréal et Québec, se demande Mme Pagé à voix haute. «Il ne faudrait pas qu’il y ait de grosses conséquences financières.»
Mais «il y a plein de salles ailleurs, ils ne peuvent pas passer un mois sans film. J’ai vraiment une boule dans le ventre. Ça me décourage. C’est comme les maintenir sur le respirateur artificiel, mais les salles sont déjà sur le respirateur artificiel.»
Tim Ringuette attendra justement d’avoir discuté avec les propriétaires de salles avant de décider de qu’il advient de La déesse des mouches à feu, qui a pris l’affiche vendredi. «J’ai autant besoin d’eux qu’eux de moi», explique le président d’Entract Films.
Le distributeur est passé, lundi matin, de l’euphorie d’avoir terminé en tête du box-office québécois «malgré le beau temps» à cette décision «très drastique».
«Je suis conscient du contexte, mais les salles étaient un environnement sécuritaire. […] C’est beaucoup de travail, des mois d’efforts, qu’on vient d’arrêter abruptement.»
Axia Films, le distributeur de Souterrain, le très attendu nouveau long métrage de Sophie Dupuis, a d'ailleurs dû se résoudre à repousser la sortie prévue le 9 octobre. Ce sera plus tard cet automne, voire en 2021.
Restera-t-il des salles ouvertes?
Mais restera-t-il des salles ouvertes? Aux États-Unis, le vice-président de l’Association des propriétaires de cinéma, Patrick Corcoran, a manifesté des inquiétudes à /Film devant le peu de sorties en provenance des distributeurs hollywoodiens.
Après la décision de Disney de repousser des superproductions en 2021, il faudra patienter jusqu’au 20 novembre avant que le nouveau James Bond se pointe le nez. Bien des choses peuvent se passer d’ici là…
En attendant, le gouvernement du Québec envoie un bien mauvais message, plaide Robin Plamondon: celui que les cinémas ne sont pas sécuritaires.
«On nous promet de l’aide [financière]… Je n’y crois pas», lance-t-il en rappelant que celle demandée depuis le printemps ne s’est jamais concrétisée…