«Et là, j’apprends que le meilleur traitement se donne seulement aux États-Unis. Il coûte des centaines de milliers de dollars. Et il implique de résider pendant 7 semaines à Boston. Tout cela à nos frais, bien entendu.»Au bout du fil, le jeune père de Maniwaki fait une pause.
«Donc, on avait planifié un voyage à Boston…»
Mais oui, quoi d’autre?
Quand la vie de ta fille est menacée par une saleté de rhabdomyosarcome à la mâchoire, tu n’hésites pas longtemps.
Tout ce que tu souhaites, c’est le meilleur pour ton enfant.
Les coûts du traitement? Les billets d’avion? Le logement prolongé à Boston?
L’heure était à l’action.
On fonce et on verra après, s’est dit Guillaume. Ça se passait en janvier dernier, quelques semaines avant la pandémie.
Le cancer d’Élodie plongeait dans une autre dimension le jeune couple formé de Guillaume, un technicien en télécoms, et de Nadine, une assistante-dentaire.
«Soudain, on a eu l’impression de se retrouver seuls au monde», souffle Guillaume.
Les médecins en oncologie du CHEO, à Ottawa, prescrivaient un traitement d’un an et demi pour Élodie. Un traitement qui incluait 7 semaines de protonthérapie, une technologie de pointe prescrite au Canada… mais disponible seulement aux États-Unis.
Un choix déchirant s’annonçait pour Guillaume et Nadine.
«Protonthérapie ou radiothérapie, les chances de survie restent les mêmes. La différence, c’est vraiment les répercussions sur l’enfant», explique Guillaume.
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Pour simplifier à l’extrême, la protonthérapie est une radiothérapie de précision. Un tireur d’élite qui permet de bombarder une tumeur avec une précision chirurgicale, sans endommager les tissus sains autour de la masse cancéreuse.
Dans le cas d’Élodie, ça signifiait de meilleures chances de survivre au cancer sans séquelles, sans difformité au visage.
«C’est la technologie la plus sécuritaire sur le marché», confirme le Gatinois Nelson Picard de Ac2orn, un organisme qui exhorte le gouvernement fédéral à financer la construction d’un centre de protonthérapie au Canada.
Entre 10 et 15 patients de l’Ontario se rendent chaque année aux États-Unis pour suivre des traitements de photonthérapie. Le coût d’une thérapie? Entre 150 000 et 400 000 $, évalue M. Picard.
«Les coûts financiers et humains sont énormes pour les familles, constate-t-il. C’est inacceptable qu’on n’ait pas encore accès à cette technologie au Canada. Aux États-Unis, ils sont déjà rendus à 29 centres de photonthérapie.»
Nadine étant enceinte jusqu’au cou de leur troisième, c’est Guillaume qui allait accompagner Élodie pour les 7 semaines à Boston.
Les passeports, les billets d’avion, la location d’une chambre… Le couple a foncé tête baissée, sans trop se poser de questions.
L’argent pour couvrir les traitements et tout le reste? «Personne ne nous a parlé d’argent. Mais on savait qu’il y avait des subventions et des organismes prêts à nous aider», dit Guillaume.
La COVID a tout chamboulé.«Une semaine et demie avant le grand départ les médecins nous ont dit que pour la sécurité d’Élodie, elle allait rester au Canada.»Faute de photonthérapie, la fillette a amorcé des traitements de radiothérapie conventionnelle ici-même à Ottawa. Les parents ignorent s’il y aura des séquelles permanentes. La bonne nouvelle?
«Jusqu’ici, elle réagit très bien au traitement», dit son père. Il ne tarit pas d’éloges devant le courage et la fureur de vivre de sa fille.
«C’est notre petite démone à la maison. Et je crois bien que c’est qui l’a sauvée: sa fougue, son énergie!»