Avec sa décision rendue le 21 janvier dernier, la juge Manon Chénier du TAT renverse le verdict initial qui avait été livré le 10 mai 2018 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), à la suite d’une révision administrative. La CNESST avait refusé la réclamation de la plaignante à l’époque.
Une tentative de cloche-pied qui tourne mal
L’histoire remonte au vendredi 29 septembre 2017. Pour souligner la récente rentrée scolaire, des jeux et ateliers sont organisés durant cette journée à l’école primaire Maria-Goretti de Thurso.
« Le dernier jeu de la journée pour les enfants du groupe de la travailleuse est le cloche-pied. Comme les enfants ne savent pas le fonctionnement de ce jeu, elle se porte volontaire et effectue une démonstration, il s’agit de sauter sur un pied et de faire passer la corde sous l’autre pied en effectuant une torsion de la jambe et du tronc pour faire tourner le cerceau. Elle effectue ce mouvement deux ou trois fois et indique avoir alors ressenti une «barre» dans le dos et être incapable de se pencher. Elle arrête l’activité sur-le-champ », peut-on lire dans le compte-rendu de la juge Chénier.
Les symptômes de l’employée prennent de l’ampleur lorsqu’elle arrive à son domicile, à la fin de la journée. L’éducatrice soutient avoir de la difficulté à marcher et dit ressentir « un engourdissement à la cuisse gauche et des picotements au pied gauche ».
« Elle demande à sa sœur de lui administrer un massage et prend des médicaments, pendant toute la fin de semaine », est-il mentionné dans le jugement du TAT.
C’est au retour du week-end, le lundi 2 octobre, que la professeure tente de rapporter l’événement à son employeur. « Toutefois, la secrétaire de l’école refuse cette demande et spécifie qu’il est trop tard. La travailleuse refait la demande auprès du directeur de l’école le lendemain et dénonce l’évènement formellement le 4 octobre 2017 », selon les faits relatés au dossier.
Difficultés à travailler
Entre le 2 et le 16 octobre, la demanderesse n’est pas en mesure de compléter de manière optimale ses journées de travail. Incapable de monter ou descendre les escaliers facilement, elle doit obtenir l’aide de collègues pour, entre autres, amener les enfants à la cafétéria. L’enseignante doit aussi se faire remplacer lors de périodes de classe. Durant cet intervalle de deux semaines, elle consulte son médecin à deux reprises en plus d’un kinésithérapeute.
« Le 16 octobre 2017, suivant sa journée à l’école, alors qu’elle tente de sortir de sa voiture, elle allègue avoir le dos «barré», sa douleur s’est intensifiée, elle a de la difficulté à marcher, à se laver, à s’habiller. Le surlendemain, elle consulte son médecin et passe une IRM ».
C’est cette imagerie par résonance magnétique qui démontre « une volumineuse hernie discale L2-L-3 », diagnostic confirmé par le médecin de l’employée.
L’employeur, la CSCV, affirme, par le biais de son expert, un chirurgien orthopédiste, que la blessure de l’éducatrice résulte de sa condition personnelle, elle qui souffrait déjà d’une lombalgie d’origine discale avant l’incident du 29 septembre 2017.
« La condition personnelle de discopathie lombaire de la travailleuse ne constitue pas l’unique cause de la lésion professionnelle subie. Bien que le fait de sauter à cloche-pied puisse constituer un élément somme toute banal, il a occasionné à la travailleuse un stress au dos lors du mouvement de torsion. [...] De l’avis du Tribunal, le saut à cloche-pied a aggravé la condition personnelle de la travailleuse, ce qui a occasionné sa blessure de hernie discale L2-L3 », conclut la magistrate du TAT qui déclare que la travailleuse a subi une lésion professionnelle et qu’elle a le droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
À la commission scolaire, on a indiqué au Droit que l’organisation ne commentait pas les dossiers personnels d’employés.