Ce disque bilingue, qui a été mixé à La piaule, le studio de Fred Levac (Pandaléon), dans l’Est ontarien, elle était venue lancer à Ottawa en avril dernier. Sa parution était trop récente pour qu’il puisse intégrer à la compétition des Trille-Or, tenue à Ottawa en mai... ce qui n’a pas empêché la musicienne de rafler le prix Export Ouest au gala ottavien.
Au cœur de son projet, il y a la voix, et ses infinies modulations. « Ma voix, je n’aurais jamais fini de l’explorer. Surtout quand tu rajoutes les pédales de loop et les machines, ça ouvre tout un éventail de possibilités... »
Cette véritable femme-orchestre (Rayannah passe indifféremmentde la basse aux synthétiseurs, tout en maniant les percussions) fait résonner sa voix de façon singulière.
Pour construire ses « paysages sonores », elle crée, grâce à ses pédales, des séquences vocales repassées en boucles, auxquelles se superpose ensuite le souffle de sa voix. « On est comme dans un laboratoire. Sur scène, ma musicienne et moi, [on a l’air] de deux vaisseaux spatiaux ! »
Rayannah sera flanquée de trois complices... dont une Gatinoise. Rayannah a conservé la choriste de sa tournée (Claire Morrison, qui est aussi la gérantedu groupe), mais a troqué sa chum Marjorie Fiset pour Yolande Laroche, la voix du groupe Orchidae et du quintette Pony Girl.
C’est d’ailleurs Orchidae qui assurera la première partie de ce spectacle où l’on pourra aussi apprécier la bande de L-CON.
« Yolande, je l’ai découverte en faisant des spectacles dans votre région. Elle va nous suivre pour la suite de la tournée en Ontario et en Europe. Elles s’apprêtent à survoler ensemble l’Allemagne, la Belgique et la France, pour une tournée de sept dates.
Rayannah étant très branchée sur l’habillage visuel de ses chansons, tant sur scène qu’avec ses vidéoclips, sa prestation ottavienne — au Pressed Café, le 14 novembre — sera tout en son et lumière. Le trio sera enveloppé d’images atmosphériques signées par «Sckuse», la projectionniste du groupe.
Deux trophées au Yukon
Les deux prix raflés à Whitehorse la ravissent, chacun à sa façon. En ce qui concerne le trophée de l’artiste francophone de l’année, sa liesse est liée au fait que «faire de la musique en français au Manitoba, c’est un projet en soi». Une forme d’entêtement à fréquenter la marge.
Ce prix est aussi «un honneur, parce tous les gens dans ma catégorie, ce sont des collègues proches [et] toutes les avancées qu’on a fait dans l’Ouest canadien, c’est [précisément] grâce à tous les artistes qui étaient en nomination».
Le prix de réalisation — qu’elle partageait avec Mario Lepage, leader du groupe Ponteix — elle «ne s’y attendait vraiment pas». «C’est déjà rare que des artistes francos soient nominés [dans les catégories générales des] Western Canadian Music Awards !» Être déclarés gagnants, «ça nous a atterrés. Mario et moi, on était au septième ciel !»
En outre, la réalisation demeure un métier ou les femmes sont très sous-représentées, dit-elle. Outre la «barrière» des connaissances techniques, il y a aussi «une barrière psychologique, avant d’oser se considérer réalisateur. Il y a peu de modèles, parmi les artistes auxquels un musicien pourrait s’identifier.
Pour les femmes, en particulier, ce «rôle» est encore plus dur à assumer, faute de modèles féminins, poursuit cette musicienne issue du Conservatoire, qui a aussi poursuivi des études universitaires en jazz vocal.
«La technique, ce n’est pas pour nous : c’est absurde, mais c’est un sentiment très fort, dans notre métier. On est très conditionnées par notre environnement. C’est dur d’imaginer qu’on puisse réussir à franchir ces barrières», ajoute Rayannah, en notant toutefois qu’une autre femme, son amie Madeleine Roger, était en lice dans cette catégorie.
Elle reconnaît que cette victoire lui confère immanquablement un statut de modèle.
«J’ai ça en arrière de la tête, maintenant. C’est la plus belle chose que je ne pourrais jamais souhaiter !»
Ses modèles à elle ? «Il y en a tellement !» Elle se dit toutefois «super inspirée par Sarah Vaughn, Nina Simone et les grandes voix du jazz», ainsi que par ces artistes qui s’efforcent de «créer un univers sonore très particulier», tels James Blake et Bjork, mentionne cette «exploratrice» sonore, qui, sur scène, préfère se «donner la liberté d’affronter les chansons autrement» que sur disque.
POUR Y ALLER
Où : Pressed Café (750, avenue Gladstone)
Quand : Le 14 novembre, à 20 h 30
Renseignements : pressed-ottawa.com ; 613-680-9294