Cependant, cette promesse est incompatible avec les cibles de réduction des émissions de GES du Canada établies lors de l’Accord de Paris en plus de soulever des enjeux techniques et environnementaux importants. Il faut également appeler les choses par leur nom : la création d’un corridor énergétique national équivaut ni plus ni moins qu’à la construction d’un oléoduc d’un bout à l’autre du pays. Ce projet doit être décrié sans réserve.
D’abord, la proposition conservatrice tente de s’inscrire dans un contexte de lutte aux changements climatiques à l’échelle mondiale plutôt qu’à l’échelle locale. Selon la plateforme du PCC, « les produits énergétiques canadiens peuvent remplacer les sources d’énergie étrangères plus sales ». Lors de l’annonce de son projet de corridor énergétique en mai dernier, M. Scheer avait également mentionné que cette initiative visait à éviter que notre approvisionnement repose sur des pays « comme l’Iran, le Venezuela et l’Arabie saoudite ».
Si cet argument peut sembler logique, il s’avère inexact lorsqu’on y regarde de plus près. Pour l’année 2018, 88% du pétrole consommé à l’échelle nationale provenait du Canada (68%) ou des États-Unis (20%), selon les chiffres de la Régie de l’énergie du Canada. Pendant ce temps, toujours selon la Régie, les exportations de pétrole brut canadien vers l’étranger ont augmenté de 8,2% entre 2017 et 2018. Ainsi, la construction d’un corridor énergétique viendrait uniquement répondre à des impératifs économiques plutôt qu’à des préoccupations environnementales. Ce projet contribuerait également à la hausse de l’extraction du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, qui occupe la troisième position des ressources pétrolières les plus polluantes au monde selon l’Institut de recherche ARC Energy.
Contraire aux engagements
Ensuite, la construction d’un passage pour les ressources pétrolières et gazières du pays est en complète contradiction avec les cibles canadiennes de diminution des GES. Dans le cadre de l’Accord de Paris, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de GES de 30% en 2030 par rapport à ses émissions de 2005. Cette cible a d’ailleurs été reprise par Andrew Scheer lors de la campagne électorale.
Cependant, il est évident que ces cibles ne pourront pas être atteintes si le PCC mettait sur pied un corridor énergétique national. Un tel projet nuirait assurément à la réduction des émissions canadiennes de GES en favorisant une exploitation pétrolière
soutenue. C’est franchement inacceptable dans un contexte où le Canada est le pays du G20 qui émet le plus de GES per capita selon l’organisme Climate Transparency.
Des risques
Afin d’inscrire ce projet dans la transition énergétique, la plateforme du PCC soumet que le corridor permettra non seulement aux provinces de l’Ouest d’exporter leur pétrole, mais aussi au Québec et à l’Ontario de « distribuer leur hydroélectricité sur de nouveaux marchés ». Cette cohabitation entre un oléoduc et des lignes à haute tension ne tient tout simplement pas la route. Comme Hydro-Québec l’avait fait remarquer en marge des auditions publiques de l’Office national de l’énergie sur le projet Énergie Est, des lignes électriques peuvent engendrer d’importants problèmes de corrosion à un oléoduc situé à proximité. De plus, le transport de pétrole par oléoduc implique un risque de fuites dévastatrices pour les écosystèmes environnants.
En somme, la lutte aux changements climatiques est un problème qui doit être pris à bras-le-corps par toute la communauté internationale. Il est vrai que l’utilisation du pétrole sous différentes formes demeure importante et qu’on ne cessera pas de transporter cette ressource du jour au lendemain. Ceci étant dit, le Canada doit s’engager sur la voie de la transition énergétique dès maintenant; or il est clair que le projet de corridor énergétique du PCC est en porte-à-faux avec cette réalité et qu’il rendrait impossible l’atteinte des cibles fixées lors de l’Accord de Paris. Après tout, ne serait-il pas plus viable à long terme d’investir dans des énergies propres, renouvelables et qui émettent peu de GES?
L'auteur du texte est Anthony Delisle, étudiant au baccalauréat en droit civil et développement international à l'Université d’Ottawa.