Le 16 septembre, Marc Laurent, 48 ans, a reçu sa sentence à la Cour municipale de Québec. Après avoir plaidé coupable à une accusation criminelle d’avoir blessé volontairement et sans excuse légitime un animal, le quadragénaire a été condamné à 90 jours de détention de façon discontinue (du mardi au mercredi).
L’agression remonte à mars 2017. À l’époque, M. Laurent avait plusieurs conflits avec ses voisins à propos de leur chien. À un moment, il les a avertis de garder leur chien chez eux, ajoutant «qu’il pourrait lui arriver quelque chose».
Le 31 mars, les propriétaires du chien l’ont entendu hurler et ont constaté que l’animal avait été blessé sur le terrain voisin. Sa cuisse latérale gauche avait été lacérée; la blessure avait atteint les muscles et les ligaments.
Les voisins ont dû faire soigner d’urgence leur chien, qui a reçu trois points de suture. La bête a dû être placée à temps partiel dans un fauteuil roulant. Durant un certain temps, ses maîtres ont été contraints de se présenter deux fois par semaine chez le vétérinaire pour l’accompagner dans sa réadaptation.
«Cet animal-là, sa qualité de vie, aujourd’hui, est encore atteinte suite à cette blessure-là», a souligné la procureure de la Couronne, Me Brigitte Bellavance.
Deux ans et demi après l’agression, le juge Paulin Cloutier a accepté la proposition de la poursuite et de la défense d’une peine d’emprisonnement de 90 jours. «Je n’ai pas de raison de m’écarter de la suggestion commune», a-t-il dit.
Bien qu’il ait reconnu sa culpabilité, Marc Laurent a semblé réticent à avouer son crime devant le juge. «Mon erreur, c’est que je n’aurais jamais du toucher à ce chien-là», a-t-il dit.
Le juge Cloutier a également ordonné à M. Laurent de rembourser 1500 $ aux propriétaires du chien, qui ont eu à payer une facture de plus de 2000 $ pour faire soigner leur animal. Parmi ses conditions de probation, M. Laurent s’est vu interdire d’entrer en contact, de suivre ou d’épier ses anciens voisins.
Durant ses deux ans de probation, Marc Laurent ne pourra ni posséder ni acquérir un animal. Mais le juge Cloutier lui a permis de garder le chien qu’il avait déjà. «S’il décède, vous devrez attendre la fin de la probation», lui a dit le juge.
Loin de la peine maximale
Professeur de droit à l’Université de Montréal et défenseur du droit des animaux, Alain Roy souligne que la sanction retenue par le juge Cloutier est loin de la peine maximale d’emprisonnement maximal de 18 mois (environ 547 jours) prévue dans le Code criminel pour le crime dont Marc Laurent s’est reconnu coupable.
«Moi, ça ne m’impressionne pas beaucoup, dit M. Roy. Je ne comprends pas qu’on ne soit pas capable d’aller au-delà, qu’on ne soit pas capable d’appliquer le maximum. Un acte de cruauté, c’est un acte de cruauté. C’est purement gratuit; le chien ne partait pas à courir après lui!»
Selon le professeur Roy, un certain nombre d’acteurs du système de justice québécois ne prennent pas au sérieux la cruauté animale, bien qu’on reconnaisse aujourd’hui la capacité de souffrir des animaux.
«Ça fait longtemps qu’on dit que les juges sont frileux», souligne-t-il. «On n’est pas mal plus enclin à des peines sévères pour la perte de biens matériels», ajoute-t-il.
Tout de même, Alain Roy constate que les peines imposées en matière de cruauté animale sont devenues plus sévères. «Il n’y a pas si longtemps, peut-être que le monsieur n’aurait pas eu de peine d’emprisonnement. Il aurait eu une petite amende et “va-t’en chez vous”.»
Les mentalités n’évoluent cependant pas assez vite pour le professeur Roy. Celui-ci souhaite que les juges haussent les peines, ce qui augmenterait leur effet dissuasif, croit-il.
«Incroyablement clément»
La condamnation de Marc Laurent à 90 jours d’emprisonnement fait aussi sourciller Me Sophie Gaillard, directrice de la défense des animaux à la SPCA Montréal. «Pour un geste aussi grave, c’est plutôt clément comme peine, même au Québec», dit-elle. «Mais si on compare aux autres provinces, c’est incroyablement clément».
Au Québec, les peines en matière de cruauté animale sont beaucoup moins sévères que dans d’autres provinces, souligne l’avocate. Un crime comme celui de Marc Laurent en Ontario, en Colombie-Britannique ou en Alberta peut conduire à plusieurs années de prison, estime Me Gaillard.
Au Canada anglais, des personnes qui ont été condamnées pour avoir battu très gravement des chiens, par exemple, ont été condamnées à deux ans de prison, note l’avocate.
Par ailleurs, l’avocate ne comprend pas pourquoi il a été permis à Marc Laurent de garder son chien alors qu’il a poignardé celui de son voisin. «C’est assez inquiétant, parce que quelqu’un qui ne contrôle pas sa colère face à un animal, on peut soupçonner que ça risque de se reproduire ce genre de comportement violent».