La pédagogie Reggio, si j’ai bien compris, part du postulat que l’enfant n’est pas une boîte vide que des adultes doivent remplir de connaissances. Au contraire, l’élève est considéré comme un citoyen à part entière. Un être curieux et capable de prendre des décisions concernant son apprentissage. L’enseignant n’est plus un maître décidant de tout, mais un accompagnateur.
«Dans le fond, on part des savoirs, des intérêts et des attentes de l’enfant pour leur enseigner des choses, résume la directrice Céline Labrèche. Tout en respectant le programme scolaire du ministère», prend-elle soin d’ajouter.
L’école élémentaire Ottawa Ouest serait ainsi la toute première école d’Ottawa - conseils scolaires francophones et anglophones confondus - à adopter la pédagogie Reggio de la maternelle à la 6e année. Même le centre éducatif de l’école (l’équivalent ontarien des services de garde du Québec) adhère à l’approche éducative.
Le centre nerveux de l’école ? Un atelier de création fraîchement repeint. Des plantes en pot sont posées sur les pupitres. Un rappel que l’environnement est partie prenante de l’enseignement Reggio. Pour l’instant, les étagères sont vides. Mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles ne se remplissent de matériel éducatif. C’est dans ce local que les élèves exploreront de leur propre initiative leurs compétences en lecture, en écriture, en menuiserie, en arts visuels ou en technologie. Quant aux murs, ils ne resteront pas vierges longtemps.
«On y affichera les créations des élèves !» explique la directrice.
Déjà 160 élèves sont inscrits à Ottawa Ouest. L’école élémentaire vient combler un manque criant de locaux pour une éducation en français dans l’ouest d’Ottawa. Les deux autres écoles primaires publiques du secteur — Charlotte-Lemieux et Maurice-Lapointe — débordaient. Pour combler ses besoins, le conseil scolaire public (CEPEO) a mis la main sur l’école anglophone Leslie-Park, fermée depuis deux ans faute d’élèves. Et nos classes débordent déjà», constate Céline Labrèche.
Les gens du quartier ont applaudi la réouverture de l’école primaire. Tant mieux. La communauté a un rôle important à jouer dans la pédagogie Reggio. Les parents, entre autres, sont invités à contribuer aux diverses activités. «Ils sont toujours les bienvenus à notre école», poursuit Céline Labrèche en saluant des parents croisés dans les corridors.
Autre trait distinctif de cette école pas comme les autres : l’absence de cloches et d’interphone. «Ça fait partie de l’approche, explique-t-elle. L’école doit ressembler le plus possible à la maison. Donc pas de cloche ! C’est une adaptation pour tout le monde. Y compris pour moi. À mon ancienne école, il y avait deux cloches. Une pour les élèves et une autre pour avertir les enseignants que la cloche des élèves allait sonner !»
Par une porte de classe entrouverte, j’aperçois une enseignante qui gratte sa guitare. «Ici, la créativité par l’art est valorisée sous toutes ses formes», m’explique la directrice en évoquant les cours de théâtre, de chant et de piano.
Notre tournée se termine dans la cour d’école — un vaste terrain de ceinturé de grands arbres. Le boisé donne sur un ruisseau. C’est là que, deux fois par semaine, hiver comme été, les élèves iront suivre l’«école de la nature». «Une façon de leur enseigner la science en partant de leurs propres découvertes, que ce soit des plantes ou des grenouilles», m’explique la directrice.
La beauté de l’affaire ? Tout cet enseignement se fait en français. Une sorte de miracle considérant que plus de la moitié des élèves, dont plusieurs enfants d’immigrants, n’ont pas le français comme langue maternelle.