Hey, Wow: le triomphe de l’accordéon rock

Jean Marc Lalonde, Hey Wow !

Imaginez comment l’ère disco, la période funk, ou les années glam-rock auraient pu sonner, si l’instrument central de ces courants muicaux avait été l’accordéon, plutôt que la guitare électrique ou le synthétiseur...


C’est précisément avec ce concept que s’amuse le groupe Hey, Wow, qui ré-imagine du même coup une ligne du temps parallèle.

« Le groupe a évolué dans un univers où le temps s’est écoulé différement », explique l’accordéoniste Jean-Marc Lalonde. Dans cette chronologie parallèle, « l’accordéon est devenu, au milieu des années 60, l’instrument cool ultime », sur lequel s’est ensuite appuyé le rock et toute la musique moderne, poursuit le musicien, bien sûr hilare à l’idée d’avoir ainsi atteint un statut de superstar que lui envient les Jimi Page, James Brown, ABBA et autres princes du Temple de la renommée, à qui son accordéon a damé le pion, dans cette histoire imaginaire.

Si Hey, Wow peut être de prime abord considéré comme un quatuor trad’, on doit rapidement se rendre à l’évidence, voire à « l’évidanse » : il s’agit d’un trad’ traître. Un trad’ qui n’a de traditionnel que la présence de cet accordéon caméléon, une remarquable maîtrise de la musique dansante, et une connaissance des reels et rigodons aussi fine que son sens de l’humour mélodique.

Au plan des textes, Hey, Wow baigne dans la dérision. Mais les savoureux clins d’œil que le groupe multiplie à l’attention des mélomanes témoignent que ses chansons ne sont pas des pastiches, mais bien des hommages.

Les connaisseurs de la musique de la vieille école se délecteront de ces clins d’œil, emprunts et références flagrantes à Queen, Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Sly & the Family Stone ou Patsy Gallant. Voire Robert Charlebois, quand le chanteur et comédien Stef Paquette prend le micro, sur Creepy Depanneur.

À l’écoute des glissements de terrain mélodiques de Hey, Wow, on a le goût d’appeler ses musiciens des « tradarnaqueurs ». Le terme date des années 90 ; on l’a repiqué à Michel Bénac, le porte-voix du groupe Swing (devenu LGS). Un vol éhonté ? Non pas! Plus, lorsqu’on découvre que le Bénac en question, « ami de longue date » de Jean-Marc Lalonde (« on a chanté du barbershop ensemble, à l’école»), s’est fait le complice de cette uchronie. Michel Bénac a posé sa voix sur La goutte, l’une des chansons du nouvel album de Hew, Wow. Or, La goutte est une ritournelle de Swing. Ver d’oreilles auquel Hey, Wow a confectionné un costume disco-funk vraiment seyant d’arrangements franchement réjouissants.

Ce nouveau disque s’intitule 1974-1979, en référence à la période à laquelle le groupe connut son apogée. Le heyday de Hey, Wow, en quelque sorte.... Ce disque, le quatuor le lancera au Mercury Lounge d’Ottawa le 6 juin. (Deux autres concerts sont prévus dans la région : le 23 juin à Gatineau et le 17 juillet à Ottawa.)

Costumes et pédales

L’uchronie de Hey, Wow n’est pas qu’une simple idée servant de gimmique marketing : elle repose sur un concept élaboré, nourri par une démarche artistique qui s’étoffe de jour en jour.

À preuve : le titre de leur précédent album : Leurs plus awesome succès !, un e.p. fripon qui se fait passer pour un best-of.

À preuve, encore : les anecdotes — faussement authentiques — que Jean-Marc Lalonde aime partager pour rendre crédible la genèse du groupe. L’une d’entre elles concerne Patsy Gallant. À en croire l’accordéoniste, Patsy ne serait pas à l’origine du mégasuccès Get That Ball. En « réalité » (c’est-à-dire « selon la légende Wowienne »), elle n’en serait que l’interprète, et se serait contentée de repopulariser une toune signée par le groupe franco-ontarien dès 1948.

Et que dire des costumes exubérants que les musiciens ont commencé à porter sur scène ? « On s’habille en stars des années 70, pour vivre le trip jusqu’au bout. On a des manteaux de fourrure. J’ai une chemise orange qui matche le triangle de tissu au bas de mes bell bottoms [pantalons pattes d’éléphant]. Et on a travaillé une petite chorégraphie. Qui est plus dans la veine de Kiss que celle des Commodores, mettons... »

Sur scène, il fait comme ses acolytes à la guitare ou à la basse : il branche son accordéon dans toutes sortes de pédales, pour leur donner des sonorités de synthés et des teintes pas homologuées par le genre folk. « On a une vibe disco et des références à 1974, avec des riffs durs, gros fuzz à la guitare. » Et des titres de chansons stupéfiants, tels Catwoman je t’aime ou BEFR... acronyme de Big Epic F***ing Reel, confessera le directeur musical de Hey, Wow.

« L’idée de la chanson — et de tout album — c’est de beurrer épais. BEFR est une suite de reels qui n’en finit plus. Puis, on a ajouté des voix de chorale » et des tas de références musicales inspirées de Shaft.

Textes loufoques

« C’est un spectacle conçu pour faire danser. Et faire rire, parce qu’on a des textes loufoques. J’aime faire rire le monde. On a une seule chanson sérieuse, C’est toi que ça me prend, une ballade où il n’y a même pas d’accordéon. À la place, je joue du dulcimer... »

Alors pourquoi diantre n’a-t-on pratiquement jamais entendu parler de ces quatre stars auparavant ? C’est vraisemblablement parce que la bande avait « pris une longue pause avant de faire cet album », explique facétieusement Jean-Marc Lalonde, selon qui l’immense succès que connut le quatuor « est à rebâtir ». Oui, la figure de proue du groupe prend un plaisir à fausser les cartes, même en entrevue...

« On est toujours dans le fantastique. On joue sur cette ligne du temps floue », dit-il, le visage traversé par un sourire éloquent.

Jean-Marc Lalonde, lui, n’est pas un inconnu du milieu. Originaire de Penetenguishene, le musicien a migré en 1989 à Ottawa. Au milieu des années 90, il a commencé à rouler sa bosse au sein d’Yvan et les Voyous, avant d’intégrer Deux saisons, autre groupe franco d’enviable réputation.

Pendant 9 ans, il a arpenté les wagons du train à vapeur Hull-Wakefield, accordéon en mains. Le petit train aura d’ailleurs été la meilleure des écoles de la scène, avoue-t-il aujourd’hui : c’est là, au contact avec un public essentiellement allophone, qu’il a appris à déchiffrer les visages et séduire un public en quelques secondes.

Il s’est ensuite lancé dans l’aventure trad-conte de La ligue du Bonheur, dont les sets carrés auront duré « sept ou huit ans ».

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POUR Y ALLER

Quand ? Jeudi 6 juin, à 17 h

Où ? Mercury Lounge

Renseignements : (613) 789-5324