Une bénévole transgenre exclue du mouvement scout reçoit des excuses

Onze ans, c’est le temps que ça aura pris au district des Trois-Rives des Scouts du Canada, qui parraine le 64e de Clarence-Rockland, pour s’excuser publiquement à Michèle Legault pour la façon dont ils l’ont traitée à la suite de sa sortie du placard.

ÊTRE LGBTQ DANS UNE RÉGION RURALE (5 de 5) / Les services et le soutien aux membres de la communauté LGBTQ sont présents et facilement accessibles dans les grands centres urbains comme Ottawa ou Montréal. Mais qu’en est-il des régions rurales ? À l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, qui avait lieu vendredi, le 17 mai, Le Droit vous offre un regard sur les réalités quotidiennes de la communauté LGBTQ de la région de Prescott-Russell, dans l’Est ontarien. Voici la conclusion de cette série d’Émilie Pelletier.


En 2008, Michèle Legault annonce aux membres exécutifs de son regroupement scout, le 64e de Clarence-Rockland, dont elle est bénévole depuis plusieurs années, qu’elle est une femme transgenre. Immédiatement, les membres s’organisent pour que Michèle ne puisse plus s’occuper directement des enfants. Le mois dernier, des excuses lui ont finalement été présentées, lors du gala annuel des membres Scouts du district des Trois-Rives. 

Onze ans, c’est le temps que ça aura pris au district des Trois-Rives des Scouts du Canada, qui parraine le 64e de Clarence-Rockland, pour s’excuser publiquement à Michèle Legault pour la façon dont ils l’ont traitée à la suite de sa sortie du placard.

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À l’époque, après qu’elle ait annoncé qu’elle était une femme, des discussions à huis clos sont organisées à l’insu de Mme Legault pour discuter de son avenir au sein du mouvement des scouts. Michèle tente de faire valoir sa cause, mais elle est confrontée à des propos discriminatoires, incluant une crainte de certains qu’elle soit pédophile. 

« Désolé, mais pour le bien des enfants scouts, on ne veut plus que tu sois en contact avec eux, tant et aussi longtemps que tu n’auras pas eu ta chirurgie », lui annonce-t-on alors. 

Deux ans passent et Michèle n’abandonne pas son plein engagement au sein du mouvement. Elle organise toujours des activités, des voyages, des repas. Tout cela sans jamais être en contact avec les jeunes scouts. 

Lorsqu’un animateur qui oeuvre auprès des enfants doit s’absenter, Michèle, qui possède toujours toutes les compétences nécessaires pour être animatrice, est approchée afin de le remplacer. Les parents sont convoqués, Michèle n’a pas le droit d’assister à la rencontre. On leur annonce que Michèle est en fait une transgenre et on leur demande s’ils sont d’accord à ce que cette dernière anime le groupe de jeunes, malgré qu’elle ne soit pas encore totalement une femme sur le plan chirurgical. Les parents acceptent. 

La surprise du coming out de Michèle Legault aurait « suscité plusieurs réactions des membres du groupe où était active cette bénévole », a avancé le commissaire des Scouts des Trois-Rives, Jean-François LaBrosse, lors du Gala des scouts. Bien qu’il n’était pas à l’origine de la décision, ce dernier était présent lorsque l’exécutif du 64e a annoncé à Michèle qu’elle devait se tenir loin des enfants. 

 « La situation fut traitée avec les meilleures intentions pour le bien-être des jeunes et du mouvement et nous pensions qu’il était préférable qu’elle ne soit pas en contact avec les enfants avant sa chirurgie. Malheureusement nous n’avons pas accordé assez d’attention au bien-être de notre bénévole. Nous avions décidé et jugé sans vraiment avoir l’expérience nécessaire à l’époque, le tout sans méchanceté. Alors au nom des Scouts des Trois-Rives et de l’ancien district des scouts d’Ottawa, je tiens à m’excuser auprès de Michèle Legault pour les torts que ces gestes et décisions ont eus auprès de ta personne et ta famille à ce moment par la suite. Tu es une bénévole aussi importante que tous les autres bénévoles au sein du mouvement », a déclaré le commissaire LaBrosse lors de ce gala.  

Soulagée, Michèle Legault est d’avis qu’il s’agit d’une nouvelle étape. « Je voulais que ce soit fait. C’est une situation qui est maintenant derrière moi. » 

Excuses extorquées

Jusqu’au jour même de la soirée de reconnaissance, le commissaire LaBrosse, soutenu par son président, refusait toujours de s’excuser auprès de Michèle Legault lors du gala, et rétorquait qu’il s’agissait d’un « moment de joie, ce n’est pas le temps de faire des excuses ». Celui-ci souhaitait plutôt les présenter plus tard, lors d’un autre événement avec une moins grande participation. 

Dans un courriel envoyé par Michèle à Jean-François LaBrosse le jour même du gala, celle-ci a expliqué les raisons pour lesquelles il était important que des excuses lui soient présentées. 

« Pourquoi ce soir ? Pour bien des raisons, mais surtout parce que c’est la bonne chose à faire. (...) La seconde raison est pour le bien de l’Association des Scouts du Canada, pour mon bien et surtout pour le bien de tous les enfants Scouts. »

La conjointe de Michèle, Sophia D’aoust, juge qu’il est dommage que Michèle ait dû se battre aussi longtemps pour obtenir des excuses. « Leurs craintes étaient non fondées. Il y a eu un standing ovation pour Michèle, d’une chaleur incroyable. Moi je n’aurais jamais cru que 100 % des gens se lèveraient, mais ça n’arrêtait plus, c’était tellement beau. »

Présidente de Mosaïque des Genres, la plus grande et la plus vieille association sociale et de soutien pour les trans au Canada, Mme D’Aoust souligne que malgré que des excuses aient enfin été présentées, il reste encore du chemin à parcourir. 

« Si ça avait été fait de leur propre chef, sans aucune pression, je n’aurais eu que de l’admiration pour le mouvement scout. Mais là, on est plus comme un problème qu’une volonté sincère de changement. Tant et aussi longtemps que je vais sentir qu’on est comme ça, nos yeux seront rivés sur leurs actions prochaines. »

Mme Legaut affirme qu’un projet national favorisant l’inclusion aura lieu chez les scouts.