Groupe de soutien LGBTQ dans l’Est ontarien: «Je reste ici, au cas où quelqu’un viendrait»

Même si peu des personnes se présentent à certaines rencontre du groupe LGBTQ & Alliés, il y a toujours quelqu’un pour les accueillir.

ÊTRE LGBTQ DANS UNE RÉGION RURALE (1 de 5) / Les services et le soutien aux membres de la communauté LGBTQ sont présents et facilement accessibles dans les grands centres urbains comme Ottawa ou Montréal. Mais qu’en est-il des régions rurales? À l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai, Le Droit vous offre cette semaine un regard sur les réalités quotidiennes de la communauté LGBTQ de la région de Prescott-Russell, dans l’Est ontarien.


Très souvent, pas plus de deux personnes se présentent aux rencontres du groupe LGBTQ & Alliés de Prescott-Russell à Casselman. Pourtant, Sophie Lalonde est toujours là pour les accueillir.

Rencontrée à l’Académie de la Seigneurie, où elle organise un drop-in tous les premiers jeudis du mois, la cofondatrice du groupe LGBTQ & Alliés de Prescott-Russell a attendu deux heures dans la salle réservée pour les rencontres, sans que personne ne s’y présente. « Mais je reste ici, au cas où quelqu’un viendrait, dit-elle. Je suis toujours là pour accueillir qui que ce soit. »

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Le groupe, qui célèbre son deuxième anniversaire, cette année, connaît certains défis quant au recrutement de nouveaux membres. Et ce n’est pas parce que les besoins de la communauté LGBTQ ne sont pas criants dans la région, soulève la présidente du Comité Éducation du groupe et cofondatrice, Nathalie Dubé. « Le défi de la distance est énorme, avance-t-elle. Le fait d’être une région rurale joue vraiment contre nous. »

Le territoire des Comtés unis de Prescott-Russell (CUPR) comporte une superficie de plus de 2000 kilomètres carrés. « Certaines personnes nous ont dit que s’ils pouvaient avoir accès à du transport, ils viendraient. Il y a un homme transgenre à Saint-Pascal-Baylon (Clarence-Rockland), mais à moins qu’un de nos membres fasse un détour pour aller le chercher, il ne peut pas venir à nos rencontres. »

Selon Mme Lalonde, plusieurs personnes décident de profiter des services qui sont déjà offerts à Ottawa, située à une quarantaine de minutes de Casselman. Dans la capitale fédérale, près d’une cinquantaine d’organismes offrent des services aux membres de la communauté LGBTQ. Toutefois, il s’agit d’un grand désavantage pour les jeunes adolescents de Prescott-Russell, entre autres, « dont certains ne sont pas encore sortis du placard, ont peur de divulguer leur identité à leurs parents, et ne peuvent pas conduire ».

Le groupe, unique en son genre dans la région, a comme mandat d’offrir un soutien social et des ressources aux membres de la communauté LGBTQ. Il organise aussi des événements afin de rassembler ces gens, qui sont « trop souvent isolés » en raison de la situation rurale de Prescott-Russell.

Cet isolement, Mélanie Lepage, une femme transgenre, le connaît trop bien. Avant de faire sa transition en 2001, elle n’a pas été suffisamment appuyée par les gens de son entourage et raconte même s’être sentie invalidée. « Il y a eu toutes sortes de barrières. Les médecins de Hawkesbury me disaient que je devais quitter la ville, que je ne pouvais pas faire ma transition ici. »

À l’époque, Mélanie aurait eu besoin des services d’un groupe de soutien, mais le transport ne lui était pas offert puisqu’il ne s’agissait pas d’une raison « médicale ».

Aujourd’hui, le groupe organise également des rencontres à Hawkesbury, et c’est Mélanie, elle aussi cofondatrice, qui en fait l’animation. « La quantité de gens qui se présentent tourne constamment entre sept et onze. Le but est de toujours avoir plus de monde, mais à Hawkesbury, malheureusement, il y a une certaine difficulté pour tous les organismes à recruter des gens », remarque-t-elle.

Dans la région, poursuit-elle, les membres de la communauté LGBTQ sont souvent encouragés, comme elle, à quitter vers les milieux plus urbains comme Ottawa ou Montréal. « Moi, je ne suis pas partie, je suis restée et j’ai enduré la douleur d’être ici. Mais j’en connais beaucoup qui sont partis, qui ont écouté le message leur disant ‘ne reste pas ici, tu n’as pas d’avenir, va-t’en’. »

Toutes ces craintes qui ont longtemps habité Mélanie se sont tranquillement estompées, après la création du groupe LGBTQ & Alliés de Prescott-Russell. Aujourd’hui, Nathalie, Sophie et Mélanie souhaitent lancer un message aux membres de la communauté LGBTQ de la région, de même qu’aux alliés. « C’est très important de se rappeler qu’ils n’ont pas besoin d’être isolés. On existe, on est là, on est prêt à les accueillir. Il faut juste faire le premier pas. »