Au cours de ses 38 ans de carrière dans la police, dont 28 ans aux enquêtes, Guy Dessureault soutient n’avoir jamais frappé personne. Il a fallu ce conflit avec son voisin, qui perdurait depuis une quarantaine d’années, pour qu’il perde les pédales. Le soir du 10 juillet 2018, il s’est rendu dans la cour de son voisin pour lui asséner des coups de poing. Guy Dessureault avait alors 79 ans et son voisin, Claude Tremblay, 81 ans. «Il m’accusait encore une fois de faire mourir ses fleurs alors que je ne les ai jamais touchées et arrosées. Là, j’ai perdu mon contrôle. Sacrament, ça va faire! Mais ce n’est pas vrai qu’il est tombé par terre. Même qu’il se défendait plutôt bien», a-t-il mentionné.
En effet, le policier retraité a reconnu l’avoir frappé mais il nie certains faits rapportés par le plaignant.
La procureure de la Couronne, Me Marie-Ève Paquet, a précisé qu’il existait bel et bien des problématiques entre ces deux voisins qui, au fil du temps, ont pris de l’ampleur. Dans cette affaire, Claude Tremblay affirme qu’il était en train d’arroser ses fleurs lorsque Guy Dessureault lui a fait un doigt d’honneur. M. Tremblay l’aurait alors invité à venir s’expliquer. Ce faisant, Guy Dessureault se serait approché en courant et en sacrant et l’a frappé à quatre reprises au visage et au cou. Il se serait d’ailleurs écroulé sur le sol et aurait perdu la carte. Toujours selon la version de la Couronne, c’est un voisin, témoin de l’agression, qui serait intervenu pour que Guy Dessureault arrête de frapper.
Le rapport médical révèle que la victime a subi une entorse cervicale et un traumatisme crânien léger. M. Tremblay a ensuite dû se soumettre à plusieurs traitements de physiothérapie. Il a aussi consulté un psychologue en raison d’un choc post-traumatique et des craintes qu’il avait. Il a également souffert d’anxiété, de troubles du sommeil, de perte d’appétit et d’un mal de cou important. Il a surtout eu peur que sa femme, qui est invalide, soit placée dans un CHSLD.
Dans son témoignage, il a raconté avoir envisagé, avant l’agression du 10 juillet, de mettre sa maison en vente mais il a mis le projet sur la glace, d’autant plus que sa demeure avait été adaptée à l’invalidité de sa femme.
Toujours selon lui, l’un des plus beaux moments de sa vie, mis à part son mariage et les naissances des enfants, aura été de voir la pancarte «à vendre» devant la résidence de son voisin. En effet, peu de temps après cet événement, Guy Dessureault a vendu sa maison et a déménagé neuf kilomètres plus loin. Aujourd’hui, l’octogénaire s’en porte mieux tant physiquement que psychologiquement.
Pour sa part, le policier retraité avoue qu’il n’est pas très fier de lui mais nie catégoriquement le doigt d’honneur, la chute de son voisin sur le sol à cause des coups de poing et les propos rapportés par des témoins. Il soutient avoir déménagé «pour avoir la paix» et pour «regarder les autres travailler.» Son avocat, Me Michel Lebrun, estime que dans les circonstances (son âge et son déménagement), son client, maintenant âgé de 80 ans, devrait pouvoir bénéficier d’une absolution inconditionnelle, et ce afin de lui permettre de voyager et de profiter de sa retraite.
Me Paquet est d’un tout autre avis. Elle a rappelé que Guy Dessureault est un homme de loi qui a fait preuve d’un comportement inadmissible. Lorsqu’il a témoigné, elle a dit n’avoir ressenti aucun remord de sa part, d’autant plus qu’il a lui-même indiqué que la victime avait «beurré épais».
Selon elle, ce n’est clairement pas un cas où il en va de l’intérêt véritable de l’accusé d’obtenir une absolution. Ses objectifs ne sont pas reliés au travail, aux études ou encore à un dossier d’immigration. Le seul motif serait de lui permettre de faire des voyages d’agrément, ce qui est insuffisant selon la jurisprudence qu’elle a déposée.
Compte tenu des conséquences importantes chez la victime, elle a plutôt proposé une sentence suspendue et une probation avec des conditions visant à protéger la victime et sa famille. Elle a invité le juge à envisager un possible dédommagement, un don ou des travaux communautaires.
Notons que la peine maximale de prison pour des voies de fait causant des lésions corporelles (lorsque l’infraction est portée par voie de procédure sommaire) est de 18 mois de prison. Le juge David Bouchard a pris la cause en délibéré. La sentence sera rendue le 19 mars.