La planète Otto des Koller

Huguette et Sonia Keller, propriétaires des concessionnaires automobiles Otto's.

Les pur-sang de l’automobile ne se retrouvent pas que chez les pilotes. On en croise aussi chez les concessionnaires de voitures. C’est le cas des membres de la famille d’Otto Koller, un Suisse d’origine qui, en plus d’avoir réussi à devenir le premier vendeur de BMW au Canada, trône au sommet des plus grands concessionnaires Subaru au pays. Le succès des Koller s’explique par leur sens des affaires, leur grande détermination, leur intégrité et l’importance qu’ils accordent à la famille.


Tout démarre en Suisse en 1959. Âgé de 22 ans, Otto Koller est membre d’une fratrie de cinq garçons. Son père a des plans d’avenir pour ses fils. Le premier hérite de l’hôtel familial. Le second prend la relève de la ferme. Le troisième profite d’une aide financière pour se lancer dans la restauration. Malheureusement, il ne reste rien pour le quatrième et le cinquième. C’est ainsi qu’Otto décide d’émigrer au Canada.

Il arrive ainsi à Ottawa à l’aube des années 1960 avec 500 francs suisses en poche. Il parle allemand, un peu français et pas du tout anglais. En Suisse, le jeune homme avait travaillé comme mécanicien pour un concessionnaire automobile. Il se trouve d’abord un emploi chez Baillot à Hull avant de travailler pour le concessionnaire Mercedes d’Ottawa qui a besoin de main-d’œuvre spécialisée en réparation de voitures européennes.

Après quelques années de labeur, il réalise qu’il n’a pas assez de revenus pour fonder une famille. Il vient de jeter son dévolu sur Huguette Leblanc, une Gatinoise originaire de l’Abitibi, et Otto a de grandes ambitions tant en amour qu’en affaires. C’est alors que le jeune couple ouvre la station d’essence White Rose située à l’angle de l’avenue Carling et de la rue Churchill (aujourd’hui la station Shell). « Ma mère Huguette, explique sa fille Sonia, a été la première femme d’Ottawa à travailler comme pompiste. Il n’y avait pas de code vestimentaire à l’époque. Elle portait une belle petite robe classique et des souliers à talons hauts. Disons qu’elle était devenue très populaire », raconte-t-elle avec humour.

Le concessionnaire Otto's BMW, à Ottawa.

Otto remarque vite l’absence de voitures de marque BMW dans les rues de la capitale fédérale. Chaque semaine, il téléphone au siège social de BMW en Allemagne pour leur demander d’exporter des voitures au Canada. En 1969, après un court séjour dans le pays d’Angela Merkel, il convainc BMW de lui confier dix voitures. Otto Koller, qui a le sens des affaires, s’est assuré au préalable de trouver des acheteurs pour les voitures avant de les faire transporter par bateau au Canada. Le hic, c’est que la banque refuse de lui octroyer un prêt. Il se tourne alors vers un client, un médecin, qui lui avance l’argent pour payer les voitures. Otto rembourse son bon samaritain rubis sur l’ongle. Dès l’année suivante, en 1970, il ouvre son propre commerce de voitures sur le chemin Richmond, entre les rues Tweedsmuir et McRae, dans le quartier Westboro, devenant ainsi le premier concessionnaire de voitures BMW au Canada.

L’épopée des Lada

Otto Koller a une préférence pour les voitures allemandes, mais il a aussi un faible pour les voitures suédoises de marque Saab qui se retrouvent aux côtés des BMW. Puis le Land Rover a vite fait de rejoindre les européennes. Entre-temps, il ouvre un nouvelle concession à Gatineau où il vend la défunte Datsun (devenue Nissan) et la Lada, la voiture du peuple russe. Il demande alors à sa conjointe Huguette de prendre les commandes du concessionnaire gatinois. Diplômée de la prestigieuse Université Harvard à Boston, elle a aussi le sens des affaires. Avec une seule voiture dans la salle d’exposition et une voiture pour les essais routiers, elle réussit à vendre 640 modèles. « La Lada était populaire à l’époque, raconte sa fille Sonia. C’était une auto qui ne coûtait pas cher. Elle se vendait comme des petits pains chauds. On en vendait 125 par mois. Nous étions à l’époque le plus grand concessionnaire de Lada au monde ! », explique-t-elle. En 1983, après l’attentat commis par la Russie contre un avion sud-coréen, les Nord-Américains ont commencé à boycotter la Lada, que les Koller ont aussi abandonné.



Malgré la récession des années 1980, les entreprises commerciales des Koller prennent de l’expansion. En 1986, la famille inaugure le concessionnaire Otto’s Subaru sur le chemin Richmond à Ottawa. En 1989, elle déménage le concessionnaire de Gatineau sur le boulevard Maloney dans de plus grands locaux pour vendre des modèles Chrysler et Honda. Les résultats son immédiats. Les ventes augmentent de 68 %. Pendant la décennie qui suit, les affaires vont rondement. Puis en 1998, le malheur frappe la famille Koller. Otto décède, mais sa veuve éprouvée n’abandonne pas pour autant la partie. Aidée de ses filles Sonia et Tanya, Huguette poursuit les activités de l’entreprise familiale en vendant uniquement les voitures BMW et Subaru. Huguette et Sonia sont alors confrontées à un grand dilemme. Faut-il agrandir le concessionnaire de Westboro ou construire un second commerce à Ottawa ? Après de nombreuses tergiversations, en 2003, elles choisissent finalement de construire de tout nouveaux locaux pour abriter le concessionnaire BMW sur le chemin Hunt Club à Ottawa. « Une sage décision », reconnaît aujourd’hui Sonia Koller.

Une photo d'époque du concessionnaire automobile.

Comme une BMW vrombissante, les deux concessionnaires fonctionnent à plein régime. En 2018, elles ont vendu 1900 modèles Subaru et 1200 BMW. Pas étonnant que depuis cinq ans, Otto’s Subaru est devenu le plus grand vendeur de Subaru au pays. À cela s’ajoutent les quelque 40 000 réparations effectuées au cours de l’année chez les deux concessionnaires, de même que toutes les réparations effectuées au centre de collision Otto situé sur l’avenue Laperrière à Ottawa.

Venir en aide

La famille Koller a toujours eu le souci de redonner à la communauté. En 2009, la famille a créé le programme Planète Otto. Lorsqu’un client acquiert une voiture chez Otto’s Subaru ou Otto’s BMW, il est appelé à choisir l’organisme de bienfaisance dans lequel il souhaite que Otto verse le don en son nom. Le client a l’éventail du choix parmi les organismes caritatifs suivants : la Fédération canadienne de la faune, Médecins Sans Frontières, Mothers Against Drunk Driving (MADD), Quick Start, Right to Play, Scouts Canada, The Ottawa Wild Bird Care Centre, The Ottawa Food Bank, The Ottawa Mission, la Fondation Bruyère, Moisson Outaouais, The Leading Note Foundation, Orkidstra, La Soupière de l’Amitié et Water for People. Depuis neuf ans, Planète Otto a ainsi versé un million de dollars pour venir en aide à ces organismes de bienfaisance.

« Mes parents m’ont appris une chose en affaires. Le plus important, c’est l’intégrité. C’est le meilleur moyen de développer des liens de confiance avec ses clients », croit Sonia Koller.

La femme d’affaires continue à mettre en pratique ce que ses parents lui ont enseigné. La preuve est que parmi ses clientes, elle compte une dame qui vient d’acquérir sa seizième BMW. Heureux hasard, sa première voiture comptait parmi les dix premières BMW que son père avait importées d’Allemagne en 1969 !