Il y a d’abord eu la création d’une « grappe industrielle pancanadienne », In-Sec-M, dont le siège social est établi à Gatineau. Le Cégep de l’Outaouais a ensuite reçu le financement pour la création d’un Centre collégial de transfert de technologie (CCTT) en cybersécurité. Puis, jeudi dernier, un ensemble de partenaires d’Ottawa et Gatineau ont lancé une plateforme web pour faire la promotion des entreprises et institutions d’enseignement supérieur de la région dans ce domaine.
« Le but, c’est de faire connaître ces entreprises entre elles et de les faire connaître de ceux qui achètent des solutions en cybersécurité. C’est aussi d’attirer des investissements de l’extérieur vers cette grappe d’entreprises, essayer de convaincre des entreprises de l’extérieur de venir s’installer chez nous », explique le président d’In-Sec-M, Antoine Normand.
On pense vraiment que le marché va exploser au cours des prochaines années.
Si Investir Ottawa, In-Sec-M et ID Gatineau allouent autant de ressources pour le développement de cette industrie, c’est d’abord parce qu’on s’attend à ce que la demande pour les produits en cybersécurité connaisse une importante croissance.
« On pense vraiment que le marché va exploser au cours des prochaines années », résume le directeur général d’ID Gatineau, Jean Lepage, qui souligne que le gouvernement fédéral aura notamment de grands contrats à offrir dans ce secteur.
« Ça va être une industrie où il va se dépenser des milliards et des milliards de dollars au niveau mondial. C’est en faisant en sorte que nos PME travaillent ensemble comme une industrie qu’on va être capables de compétitionner contre les grands joueurs mondiaux comme les États-Unis, Israël, la France et l’Angleterre », poursuit M. Normand.
Dans les récentes démarches pour lancer la plateforme web ottawagatineaucybergrappe.ca, plus de 90 entreprises et programmes d’enseignement supérieur liés au domaine de la cybersécurité ont été répertoriés à Ottawa et Gatineau.
Selon le directeur du développement technologique de Crypto4A, Bruno Couillard, il faut remonter aux débuts de l’Internet pour comprendre pourquoi la région compte un aussi grand nombre d’experts de cette industrie.
« Dans les années 90, il y avait un effort du gouvernement canadien afin de vouloir être dans les premières nations à être partie intégrante de ce nouveau domaine qu’était l’Internet », explique M. Couillard qui était alors parmi les fondateurs de l’entreprise Chrysalis ITS.
Ce dernier ajoute que la région jouit d’un atout remarquable, soit d’être au Canada. M. Couillard soutient que le Canada bénéficie d’une grande crédibilité dans ce domaine, contrairement à d’autres nations qui auraient commis des cyberattaques et de l’espionnage au cours des dernières années.
« Quand tu te présentes à l’extérieur de ton pays et que tu offres un produit de sécurité, tu demandes aux gens de te faire confiance. »
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AUTOPSIE D'UN BOOM ANTICIPÉ
L’industrie de la cybersécurité est sur le point de connaître un boom, selon un grand nombre d’experts. Comment se fait-il que cette prédiction fasse l’objet d’une telle unanimité ?
« Tout devient intelligent donc, on n’a pas le choix, résume Manon Gaudet, chef de groupe de recherche en cybersécurité pour le Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Maintenant, on amène toutes sortes de technologies dans nos infrastructures critiques et ça amène des défis de sécurité. »
De son côté, le professeur agrégé au département de génie informatique et génie logiciel à Polytechnique Montréal, José Fernandez, soutient que lorsqu’il est question des infrastructures en matière de sécurité informatique, « on commence à peine à comprendre comment construire la maison correctement ».
Pour corriger la situation, l’expert croit que « le Canada, y compris la région de Gatineau-Ottawa, a un rôle à jouer là-dedans » en raison des forces de l’industrie au pays, notamment l’intelligence artificielle, la sécurité des systèmes cyberphysiques et la sécurité des infrastructures critiques.
La présence à Ottawa et Gatineau de nombreux programmes liés à la cybersécurité sera clé pour le développement de l’industrie ici. Selon Mme Gaudet, la main-d’œuvre qualifiée est insuffisante dans ce secteur d’activité.
« Ce sont des gens très occupés, dit-elle au sujet de travailleurs du milieu de la cybersécurité. Ils ont le choix de travailler sur pas mal tout ce qu’ils veulent. Mon but, c’est de les amener dans ces domaines où il y a beaucoup de potentiel de développement et de support à apporter, comme le transport. »
« Tout ce qui est transport intelligent, que ce soit terrestre, aérien, ferroviaire ou marin, c’est vraiment des défis importants qui s’en viennent parce que, ça fait partie de nos infrastructures critiques », insiste Manon Gaudet.
On peut en déduire que le gouvernement fédéral dépensera beaucoup au cours des prochaines années. Le rapprochement des joueurs de l’industrie à Ottawa et Gatineau permettra à la région d’en profiter, croit le président d’In-Sec-M, Antoine Normand. Selon lui, l’un des objectifs principaux est d’obtenir une part plus importante des contrats fédéraux, ce que les entreprises de la région dans plusieurs domaines n’ont pas toujours réussi au fil des années.