Nous aurons compris que le Commissaire aux services en français veut demeurer apolitique, qu’il tente toujours de se placer au-delà des considérations partisanes. Mais cela l’oblige à garder le silence sur une part importante de son travail. À preuve, son rapport sur l’immigration francophone pourrait finir en queue de poisson sous le gouvernement Ford, ou bien continuer son petit bonhomme de chemin : sur ce genre de « détails », M. Ford a été muet pendant la campagne électorale, et après aussi. Nous venons d’apprendre qu’il appuie la création de l’Université de l’Ontario français, et c’est une très, très bonne chose. Mais il aurait pu décider de ne pas aller de l’avant. Hormis quelques grands sujets assez polarisants, les progressistes-conservateurs ont été assez évasifs sur un ensemble de sujets qui ont pourtant des impacts réels sur les communautés de l’Ontario français.
L’immigration francophone est de ceux-là. Et le rapport du Commissaire aux services en français pourrait donc se perdre dans les détails, ou renaître de ses cendres.
Le rapport comme tel est bien complet. Il fait le tour de cette question somme toute aride, mais dont les spécialistes ont entendu parler depuis une bonne demi-douzaine d’années. C’est en 2012 que le gouvernement de l’Ontario fixait à 5 % le taux d’immigration francophone, sans jamais l’atteindre depuis. Après une performance de 3,4 % en 2011, l’Ontario a constaté des données bien plus basses depuis : 3 % en 2012, 2,5 % en 2013, 2,2 % en 2014, voire 1,9 % en 2015 avant de voir le taux remonter à 2,4 % en 2016, la dernière année pour laquelle il y a des statistiques. Et pourtant, pour chacune de ces années, il y avait un gouvernement libéral au pouvoir en Ontario : un gouvernement ouvertement en faveur de l’objectif de 5 %, mais jamais en mesure de l’atteindre. Pire, il était loin, très loin de l’enregistrer.
Le rapport 2017-2018 du Commissariat aux services en français s’y prend différemment cette fois. Au lieu de regarder en arrière, il regarde devant afin de voir ce qui peut être fait pour atteindre ce fameux 5 %. Il ratisse large, traitant des mariages exogames (qui font perdre leur langue à 70 % des enfants en une seule génération), l’assimilation, le continuum de l’éducation francophone, le vieillissement de la population, l’accueil, puis l’intégration des immigrants (africains surtout), ainsi que le programme des travailleurs qualifiés. Pour chacun de ces éléments, M. Boileau suggère une piste de solution. L’ensemble forme sa grande recommandation : l’adoption « d’un plan interministériel pour coordonner les rôles des divers ministères provinciaux concernés par l’immigration francophone ».
Sans ce grand plan, les Franco-Ontariens sont condamnés à croître plus lentement que la population de l’Ontario, ce qui signifie une décroissance nette. D’ici 10 ans, la population francophone pourrait ne représenter que 3,9 ou 4,0 % en Ontario. Elle est déjà à 4,7 %, un recul de 0,1 % par rapport à 2011. Il y a donc urgence en la demeure.
Le gouvernement de Doug Ford est-il à l’écoute ?