Au total, pas moins de 95 affiches abordent des thèmes tels que l’inégalité au travail, le respect du corps de la femme, les droits sexuels, la violence fait aux femmes ou encore la pression sociale. « C’est une manière de célébrer la femme et de conscientiser le public à une cause qui demande encore toute notre attention afin de contribuer au changement, explique Valérie Yobé, directrice de l’École multidisciplinaire de l’image de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et présidente de la tribu grafik. On est encore en train de justifier nos droits et de créer des affiches sur le droit des femmes. Mais on ne devrait pas à avoir faire ça aujourd’hui. Une expo comme celle-ci permet de remettre les gens face aux incohérences. »
Les doigts dans la porte, le collectif à l’origine de cette exposition, dévoilée à Paris en 2016 au siège social du Parti communiste, a collecté des affiches venant de partout dans le monde. Celles-ci témoignent que peu importe leur pays d’origine, la place des femmes dans la société n’est toujours pas acquise.
« Cette collection est avant tout le fruit de la volonté d’un collectif qui souhaitait créer un événement en faveur de l’égalité femme/homme. Elle a été constituée avant la libération de la parole dont on attend toujours qu’elle rentre dans les actes, notamment en termes d’égalité salariale. Cette iniquité touche plus de 50 % de la population mondiale. Il est donc urgent de créer les conditions législatives pour y mettre fin et faire évoluer les consciences », insiste pour sa part Guillaune Lanneau, graphiste et scénographe français et membre du collectif Les doigts dans la porte.
Parmi les affiches conçues par autant de femmes que d’hommes, on en trouve beaucoup de françaises dont les plus vieilles remontent aux années 1970 et ont été créés pour des syndicats, des institutions, des municipalités, ou encore des espaces culturels ou des partis politiques. Mais on découvre également des affiches polonaises, russes, allemandes, anglaises, américaines, cubaines, mexicaines, libanaises et même québécoises avec entre autres une affiche des années 1970 clamant : « Femmes deboutte ».
« Ce sont tous des artistes engagés qui veulent transmettre quelque chose à la société. Ils ne gagnent pas des salaires faramineux, mais ils choisissent de s’engager, ça fait partie de leur vie, précise Mme Yobé. […] C’était également important d’amener cette exposition au Québec stimuler la créativité des étudiants et leur montrer qu’on peut s’engager en tant que graphiste », soutient-elle.
Pour l’édition québécoise, l’exposition s’est enrichit de 15 affiches sélectionnées lors du concours des bourses d’études de Marc H. Choko/Société des designers graphiques du Québec sur le thème Femmes et pouvoir d’agir. « Je souhaitais qu’il y ait le point de vue des jeunes du Québec. C’était important que parmi ces affiches internationales, il y ait une vision d’ici sur cette thématique », explique Valérie Yobé.
Si l’aspect graphique est chargé de symbolique, parfois la simplicité et l’humour envoient un message fort. « Certaines images vont choquer, comme celle de Fun in the Sun de l’artiste Luba Lukova, où on voit le personnage masculin en maillot de bain et sa femme en burqa, ou encore celle de l’œil au beurre noir réalisée par Alejandro Magallanes. Mais ce genre d’image va vraiment chercher les gens », juge la commissaire de l’exposition.
« À travers la diversité des images présentées, nous souhaitions créer une exposition qui donne à réfléchir. Ces images suscitent le débat et font appel à l’intelligence du public », indique pour sa part M. Lanneau.
Clin d’œil au lieu historique où se tient l’exposition, la première affiche qu’on découvre est celle de Pascal Colrat avec des allumettes. D’ailleurs, ce n’est pas anodin que l’exposition soit organisée sur les lieux de l’ancienne usine d’allumettes E. B. Eddy. Les Allumettières ayant été les premières à former un syndicat féminin au Canada.
« Cette exposition permet de situer les luttes féministes de l’Outaouais au sein d’un mouvement plus large et solidaire des femmes dans le monde, affirme quant à elle Stéphanie Demers, professeur en éducation l’UQO. C’est aussi la reconnaissance d’une dette importante envers les femmes qui se sont battues pour des conditions travail décentes et contre la discrimination fondée sur le genre, comme les allumettières. »
Égalité, mon œil ! qui s’expose pour la première fois à l’étranger restera quelque temps au Québec. Elle sera visible pour un mois, à partir 10 mai, au Conseil des arts de Montréal. Et pourrait également voyager jusqu’à Québec cet automne.
Le vernissage de l’exposition Égalité, mon œil ! aura lieu ce jeudi de 18 h à 21 h.
POUR Y ALLER
Quand ? Du 8 au 15 mars, du lundi au vendredi de 12 h à 18 h
Où ? Zibi, 3 rue Eddy
Renseignements : 613-224-0134