Séduction ou harcèlement?

La séduction doit être agréable pour les deux personnes concernées. «Quand ça cesse d’être agréable, on le voit tout de suite et il faut aussi arrêter tout de suite», dit Michel Dorais, professeur titulaire de l’École de service social de l’Université Laval.

Pour Michel Dorais, professeur titulaire de l’École de service social de l’Université Laval, la ligne entre séduction et harcèlement sexuel est loin d’être difficile à tracer.


«On devra apporter des précisions à savoir où s’arrête la séduction ou la drague et où commence le harcèlement. Ça nous est tous arrivé, de «cruiser» quelqu’un qui ne veut pas de nous. C’est simple, dans ce temps-là, on arrête! Ce n’est pas difficile à comprendre que non, c’est non!» a lancé M. Dorais en entrevue au Soleil dans la foulée de la médiatisation de scandales sexuels impliquant des vedettes de la télé ou du cinéma. 

«Je ne veux pas dire que «cruiser», c’est quelque chose de mauvais, mais il y a de l’éducation à faire. La séduction, c’est quelque chose qui est agréable pour les deux. Quand ça cesse d’être agréable, on le voit tout de suite et il faut aussi arrêter tout de suite. Ce n’est pas difficile, c’est facile à faire. Il suffit de faire preuve d’empathie, d’être à l’écoute de l’autre», poursuit le professeur.

Pour tous

Le chercheur indique également que cette vision des choses doit s’appliquer, peu importe le sexe, le genre ou l’orientation sexuelle. «Justement, je fais une recherche pour le secrétariat à la condition féminine sur la violence et les agressions sexuelles chez les personnes de la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et trans (LGBT). Certains croient que parce qu’une personne est gaie, trans ou bisexuelle, qu’elle aime davantage le sexe. Mais on a tous des goûts et des dégoûts et quand tu ne veux pas, tu ne veux pas!», poursuit-il.

Ça nous est tous arrivé, de «cruiser» quelqu’un qui ne veut pas de nous. C’est simple, dans ce temps-là, on arrête! Ce n’est pas difficile à comprendre que non, c’est non!»

Michel Dorais, professeur titulaire de l’École de service social de l’Université Laval

M. Dorais estime que les cas d’agressions et de harcèlement sont peut-être un reliquat indésirable de la révolution sexuelle. «Des gens croient que le sexe, c’est toujours le fun. Ce n’est pas vrai, et des gens ont beau dire que c’est des blagues, la personne qui le subit le subit avec beaucoup de violence.»

Michel Dorais croit qu’il reste encore beaucoup d’éducation à faire concernant les agressions et le harcèlement. «Il faudrait faire de la prévention et, surtout, s’adresser aux harceleurs. On parle du retour de l’éducation sexuelle dans les écoles pour les jeunes, mais on devrait vraisemblablement le faire aussi pour les adultes.»

Lien d’autorité

Jean-Pierre Giguère, consultant en ressources humaines et enquêteur spécialisé dans le domaine du harcèlement sexuel en milieu de travail, insiste lui aussi sur le non qui doit toujours vouloir dire non.

«Le harcèlement peut partir de propos à connotation sexuelle. Où est la ligne entre la drague et le harcèlement? Tu as le droit de t’essayer, de proposer, mais si tu te fais dire non, tu ne dois pas continuer. Dans la drague, il y a un émetteur et un récepteur. Quand on drague et que la personne n’est pas réceptive, il faut comprendre vite et ça doit cesser», explique-t-il, ajoutant que lancer des insultes ou faire des représailles quand quelqu’un refuse nos avances peut aussi faire partie du harcèlement. 

«La ligne est mince entre un simple manque de savoir-vivre et le harcèlement. Tout est une question de contexte. Le harcèlement, ce sont des paroles, des gestes, des comportements répétés et non désirés. Quand il y a un lien d’autorité entre les personnes, ça ajoute à la situation», précise-t-il.

«Quand quelqu’un te tasse dans un coin près de la photocopieuse, il n’y a pas besoin d’avoir une récidive pour que ce soit du harcèlement. Même chose si on touche les organes génitaux de quelqu’un. Par contre, si quelqu’un met la main sur le bras ou la cuisse de quelqu’un d’autre, c’est un manque de civilité, mais ça devient du harcèlement si la personne recommence ou continue après s’être fait dire d’arrêter», conclut M. Giguère.