Transformer l’État grâce au numérique

Tom Cochran, vice-président et «Chief digital strategist» auprès du secteur public chez Acquia, qui a également été leader du numérique à la Maison-Blanche sous Barack Obama, était de passage à Québec cette semaine.

Un gouvernement peut se transformer s’il accepte de changer ses façons de faire, s’il favorise l’agilité, s’il brise le carcan de ses processus, a soutenu jeudi Tom Cochran, qui a été leader du numérique à la Maison-Blanche, sous Barack Obama, et ensuite au Département d’État des États-Unis.


M. Cochran est depuis un an vice-président et «Chief digital strategist» auprès du secteur public chez Acquia, compagnie qui supporte la plateforme open source  (un logiciel dont le code peut être librement  partagé et transformé) Drupal. Il était l’invité de la VETIQ (Voix des entreprises en TI) et de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec. 

Il a raconté comment les outils numériques ont d’abord permis à Obama de lever 1,2 milliard $ aux campagnes de 2008 et 2012, et de mobiliser des milliers de partisans. «C’était le signe de quelque chose de puissant, qui démontrait qu’on peut utiliser les technologies numériques et sociales pour transformer tout ce qu’on veut.»

«Mais quand on est arrivés à la Maison-Blanche, 80 % de la technologie utilisée était désuète, depuis plusieurs années déjà. Des ordinateurs avec des disquettes, aucun réseau sans-fil ou Bluetooth, parce que c’est dangereux... Et un jour sur quatre, le président des États-Unis n’avait pas accès à son courriel en raison de pannes.»

Le défi était écrasant, dit-il. Comment peut-on s’attaquer à un retard d’une telle ampleur? 

Le premier geste d’Obama, au  lendemain de son inauguration, a été de signer son mémorandum sur le gouvernement ouvert, autour de trois axes: la transparence; la participation du public à l’élaboration des politiques; et plus de collaboration entre le gouvernement et la société civile. «Mais dans une organisation aussi grosse qu’un gouvernement, les problèmes sont énormes, et les solutions le deviennent aussi. Les processus prennent des années,  et au bout du compte, la solution est déjà dépassée.»

Pour réaliser le potentiel du numérique, il faut être en mesure de créer des solutions rapidement, de les tester au moyen de projets-pilotes, pour ensuite les mettre en œuvre. «Si ça ne marche pas, vous aurez perdu six semaines. Ça vaut mieux que de dépenser 100 millions $ pour arriver au même résultat.»

Petites équipes

Mais l’agilité, ça veut aussi dire de petites équipes. «Vous n’avez pas besoin d’une foule de gens, vous avez besoin des bonnes personnes aux bonnes places. J’avais imposé une règle : pas plus de six personnes dans n’importe quel meeting. Et on s’est rendu compte qu’on pouvait faire les choses plus rapidement.» 

La ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, et aussi ministre responsable de la Stratégie numérique, Dominique Anglade, dit vouloir retenir la leçon. «On a tous tendance à vouloir une solution parfaite, mais on aurait intérêt à faire d’avantage de projets-pilotes, à tester rapidement et puis déployer. Parfois il faut sortir de nos cadres si on veut transformer les choses.»

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«We The People» et l’open source

Tom Cochran a été l’un des architectes de la plateforme «We The People», grâce à laquelle les citoyens peuvent «pétitionner» le gouvernement pour l’obliger à répondre sur un sujet, si celui-ci récolte suffisamment d’appuis. 

«C’était un projet important, parce que la technologie permettait de réaliser une des visions des pères de la Constitution», pour qui la volonté du peuple devait s’exprimer à travers le gouvernement. Le nom de la plateforme vient d’ailleurs du préambule de la Constitution des États-Unis.

Depuis son lancement en septembre 2011, plus de 500 000 pétitions ont été soumises et 40 millions de signatures enregistrées, dit-il. C’est à travers cet outil que les citoyens ont amené le gouvernement à mettre fin au verrouillage des téléphones cellulaires, rappelle l’ex-responsable des opérations numériques. 

Communauté numérique

We The People a été conçu avec Drupal, une solution open source pour la publication et la gestion de contenu. Cette formule a permis à la Maison-Blanche de rendre public le code de sa plateforme, pour quiconque voudrait l’utiliser.

«On n’aurait pas bu bâtir cet outil sans Drupal», affirme M. Cochran, qui travaille aujourd’hui pour la maison-mère de Drupal, Acquia. «Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet, la pénétration de Drupal au gouvernement était à moins de 1 %. Aujourd’hui, plus de 40 % des sites Web gouvernementaux s’en servent. C’est important parce que maintenant, il y a une communauté immense d’individus au sein du gouvernement qui peut utiliser cet outil, collaborer, échanger des idées, des outils. » 

L’administration Obama a d’ailleurs mis en place des règles qui vont jusqu’à obliger les départements à tenir compte des solutions open source lors de leurs appels d’offres, a-t-il souligné.