En juillet 2016, la portion ontarienne de la rivière des Outaouais, qui s'étend sur près de 600 kilomètres entre le lac Témiscamingue et Pointe-Fortune, obtenait de la part des gouvernements fédéral et ontarien sa désignation au Réseau des rivières du patrimoine canadien. Le Québec vient maintenant de lui accorder une désignation similaire avec un statut de lieu historique en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel.
« On vient un peu corriger une anomalie, a souligné l'archiviste en chef de l'Université d'Ottawa, Michel Prévost. [...] Comment pouvait-on dire que la rivière des Outaouais était patrimoniale du côté ontarien, et quand on arrivait au milieu de la rivière, elle n'était plus patrimoniale alors qu'il y a autant d'histoire et autant de patrimoine du côté du Québec ? »
Le ministre de la Culture et des Communications du Québec, Luc Fortin, a expliqué que la demande de désignation faite par Sentinelle Outaouais n'a été reçue qu'en mai 2016, et qu'elle « devait être analysée ». Le gouvernement souhaitait aussi procéder en premier lieu à la désignation du fleuve Saint-Laurent, ce qui s'est fait en juin dernier. La rivière des Outaouais est donc le deuxième lieu historique désigné depuis que la Loi sur le patrimoine culturel est entrée en vigueur, en 2012. La désignation concerne toute la portion du cours d'eau situé dans les limites du territoire québécois, mais exclut ses îles, ses affluents et son bassin hydrographique.
Protéger la rivière
La ministre fédérale de l'Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, a applaudi la désignation faite par le gouvernement québécois. « La rivière des Outaouais a une grande histoire pour les peuples autochtones et aussi pour le commerce, et c'est aussi le futur, a-t-elle mentionné lors de l'annonce faite sur un bateau en plein milieu du cours d'eau. [...] Ce n'est évidemment qu'une première étape. On sait qu'on doit en faire plus pour protéger la rivière. Reconnaître son importance, c'est important, mais il faut aussi s'assurer de mettre en place d'autres mesures pour la protéger. »
Bien que la rivière ait désormais une reconnaissance par le gouvernement québécois pour sa valeur historique, le ministre Fortin a souligné que cela ne lui accorde pas pour autant plus de chances que d'autres cours d'eau d'obtenir du financement pour sa préservation. « C'est le point de départ, ce qui permet la prise de conscience de l'importance de la rivière des Outaouais, pour le Québec et pour l'Ontario, mais de prime abord il n'y a pas de programme spécifique qui découle de cette désignation-là qui permettrait justement de revitaliser la rivière, ça je veux être bien clair là-dessus. »
Selon Michel Prévost, la désignation à titre de lieu historique peut en effet permettre de développer « un plus grand sentiment de fierté ». « Plus on va se rendre compte de l'importance de la rivière des Outaouais, plus on va vouloir protéger son environnement, croit l'historien. Encore aujourd'hui, on parle de déversements [d'eaux usées] réguliers dans la rivière des Outaouais, et c'est tout à fait inadmissible. Je pense que ça va devenir de plus en plus honteux de voir qu'il y a autant de déversements comme ça dans cette rivière historique et patrimoniale. »
Une rivière qui regorge d'histoire
Au-delà de la frontière interprovinciale qu'elle est et des activités de loisirs que bien des gens y pratiquent, la rivière des Outaouais représente pas moins de 10 000 ans d'histoire, une période au cours de laquelle son rôle a évolué.
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L'historien Michel Prévost, archiviste en chef de l'Université d'Ottawa, peut déballer sans problème une longue liste d'éléments ayant contribué à forger la valeur historique de la rivière des Outaouais.
« C'est une des rivières les plus importantes de l'Amérique du Nord, souligne-t-il. [...] C'est 10 000 ans d'histoire. Les Autochtones ont parcouru la rivière pendant des millénaires. » Arrivèrent ensuite « tous les grands explorateurs du continent », puis les missionnaires et les militaires. « Il y a aussi eu tout le commerce de la Nouvelle-France, tous les coureurs des bois, les marchands de fourrure et les Autochtones qui faisaient du commerce. »
La rivière a ensuite joué un rôle de premier plan dans l'industrie forestière, rappelle M. Prévost, tout comme dans le transport de personnes et de marchandises, puis dans la production d'hydroélectricité.
Ce n'est que depuis 1791 que la rivière des Outaouais est une frontière, rappelle-t-il aussi. Elle a d'abord séparé le Haut-Canada et le Bas-Canada, puis le Canada-Ouest et le Canada-Est, avant de devenir, en 1867, la frontière entre l'Ontario et le Québec que l'on connaît aujourd'hui.
« Tout à fait justifié »
En conjuguant toute cette histoire aux activités de loisirs qui s'y pratiquaient jadis et celles qui y ont toujours lieu, « c'est tout à fait justifié qu'aujourd'hui, la rivière des Outaouais soit reconnue comme une des grandes rivières patrimoniales du Canada », estime M. Prévost, qui souhaiterait que chaque panneau mentionnant son nom en français et en anglais (Ottawa River) indique également son nom algonquin, Kitchissipi, qui signifie « grande rivière ».