Prix littéraires: pleins feux sur les lauréats

François Baril Pelletier, Pierre-Luc Bélanger et Nicole Casteran sont les lauréats des Prix littéraires LeDroit.

Un adolescent en quête de repères. Une poésie empreinte de mysticisme. Et les parcours entremêlés d'hommes, de femmes et d'enfants bâtisseurs d'une Nouvelle-France où tout était possible, le meilleur comme le pire. Trois auteurs de la grande région d'Ottawa-Gatineau ont, par leurs plus récents titres, séduit les membres des jurys des Prix littéraires LeDroit.


Catégorie jeunesse: Pierre-Luc Bélanger

<p>Pierre-Luc Bélanger</p>

Pierre-Luc Bélanger

(Etienne Ranger, LeDroit/Etienne Ranger, LeDroit)

Pierre-Luc Bélanger a enseigné le français pendant près d'une dizaine d'années, au secondaire. Celui qui est aujourd'hui conseiller pédagogique en littératie pour le Conseil des écoles publiques de l'est de l'Ontario sait qu'il n'est toujours pas facile de faire lire les adolescents.



«Il faut qu'ils puissent se reconnaître dans ce qu'on leur propose comme lectures à l'école comme à l'extérieur des cours», soutient-il.

C'est pourquoi, lorsqu'il a écrit son premier roman (24 heures de liberté), il a tenu à créer des liens entre ses lecteurs potentiels et la grande région d'Ottawa en campant l'action dans des lieux et en évoquant des réalités qui pouvaient résonner en eux.

Avec Ski, Blanche et avalanche, couronné jeudi du Prix littéraire LeDroit dans la catégorie jeunesse, le fier Franco-Ontarien n'hésite pas à envoyer Cédric jusqu'en Colombie-Britannique, auprès d'un grand-père qu'il connaît à peine, pour se reprendre en main.

«C'est ma façon de montrer qu'il y a des francophones ailleurs qu'au Québec!»



À la base, Pierre-Luc Bélanger avait envie de mettre de l'avant son sport préféré, dans son nouveau roman destiné aux ados: le ski alpin. «C'est un sport d'hiver fantastique qui devient à la portée de tous en lisant!» fait valoir le passionné, qui a déjà dévalé les pentes à Whistler, Lake Louise ou encore au Colorado.

Dans Ski, Blanche et avalanche, un centre de ski familial au riche potentiel de développement devient non seulement la toile de fond pour la quête de rédemption de son jeune héros, mais aussi un lieu dangereux dont la survie est menacée par l'appât du gain de certains.

Cédric a commis bon nombre de mauvais coups. Ses parents, à cours d'idées pour le ramener dans le droit chemin, l'expédient donc chez son grand-père Euclide, propriétaire du sympathique Mont Renard dans l'Ouest canadien. Or, ledit grand-père - «un malcommode qui a toutefois le coeur à la bonne place», comme le décrit l'auteur - lui fera rapidement comprendre que liberté rime avec responsabilités. D'autant que divers incidents viennent rapidement plomber l'atmosphère dans les rangs des employés. Entre trahisons et amours, Cédric devra travailler fort et faire ses preuves pour mériter le respect d'Euclide et celui de la belle Blanche, employée là.

«Pour Cédric, le mont Renard représente un espace de renouveau, une deuxième chance. Il aurait pu se retrouver en prison ou dans la rue. Mais parce que ses parents ne savent plus quoi faire avec lui et l'envoient dans l'Ouest, il va avoir la chance - grâce à son grand-père - de devenir l'adulte qu'il ne savait pas qu'il pourrait être.»

Pierre-Luc Bélanger se souvient avoir passé toutes ses vacances un livre à la main, et accumulé le maximum d'emprunts sur sa carte de bibliothèque pour ensuite faire la même chose avec celle de son père... la même semaine.

«Lire, ç'a toujours été une source d'évasion. Je peux voyager à travers le monde, devenir quelqu'un d'autre. Des fois, c'était ma façon de m'endormir, des fois, de faire passer le temps agréablement.»



Écrire, pour lui, relève du rêve devenu réalité. Et de la possibilité de partager des idées, d'entrer en contact avec des inconnus, voire de les toucher. Ici comme ailleurs.

«J'ai reçu un message d'une enseignante de Colombie-Britannique qui voulait me faire savoir qu'elle avait étudié mon roman avec ses élèves, en classe, parce qu'il abordait des enjeux et parlait de lieux que ses étudiants connaissaient. Un tel message représente la plus belle des récompenses, pour un auteur comme moi!»

Carégorie poésie: François Baril Pelletier

<p>François Baril Pelletier</p>

François Baril Pelletier

(Etienne Ranger, LeDroit/Etienne Ranger, LeDroit)

François Baril Pelletier l'avoue sans gêne: tel un «chameau, sans eau, ni nourriture», il a véritablement «parcouru le désert». Aujourd'hui, il croit qu'il «arrive peut-être au bleu, à quelque chose de plus serein», après une longue traversée à «[valdinguer] dans les étoiles/à l'écoute du coquillage», en quête du «simple poème de vivre».

Déserts bleus, son plus récent recueil pour lequel il a reçu le Prix littéraire LeDroit, catégorie poésie, plus tôt cette semaine, marque assurément un point tournant dans son écriture.

«Il s'agit d'un jalon, parce qu'il correspond à une projection de ma vie, à un voyage intérieur difficile, à une période creuse que j'ai vécue dans la solitude.»

Et le dépouillement, ajoute-t-il du même souffle, évoquant «un retour à la simplicité». Qui se traduit tant dans la forme explorée que dans le fond, foré à coups de mots.

Ainsi, si son précédent titre, Trésors tamisés, résultait d'une «communion dans la transe poétique», Déserts bleus, lui, symbolise l'abandon.



«Quand j'écris, il n'y a plus rien d'intellectuel. Le ressenti prend le dessus, et coule, canalisant images et émotions en mots. Cette forme de transe, je la respecte maintenant, parce qu'elle me permet de trouver la voix qui cherche à m'exprimer. Ce n'est qu'après que je retravaille mes poèmes», explique François Baril Pelletier.

Cette parole, qu'il perçoit comme intimement liée à la naissance de la vie et à la lumière, le poète y voit «quelque chose de mystique». Une sorte de prière.

«Dans ma chambre close

le sens révèle

l'énigme de la parole», écrit-il.

«Quand je lis de la poésie, j'entre en méditation. Mais quand je l'écris, toutefois, je m'inscris dans l'action. C'est un art vivant.»

«Je me sens devenir

comme le flot sans fond

par les trouées des cîmes

et mon appétit



est de donner de l'eau

aux hommes

qui croient que l'eau n'existe pas.»

Pour sa part, François Baril Pelletier continuer d'étancher sa soif d'être à cette source de vie que représente la poésie.

Catégorie fiction: Nicole Castéran

<p>Nicole Castéran</p>

Nicole Castéran

(Etienne Ranger, LeDroit/Etienne Ranger, LeDroit)

Dire que la Nouvelle-France fascine la géographe et traductrice gatinoise Nicole Castéran pourrait passer pour un euphémisme.

En 2010, elle lançait son premier roman, Les Saisons du destin - Une année en Nouvelle-France, dont l'action se déroulait en 1749.

Quelques années auparavant, elle avait signé les textes romancés accompagnant ceux, explicatifs, de son conjoint, l'historien et ethnologue Jean-Pierre Hardy, autour d'artefacts, oeuvres d'art, cartes et autres objets témoignant de la réalité de Chercher fortune en Nouvelle-France (2007).

«Ça m'a toujours émue de penser à toutes ces petites gens laissant la France derrière eux, traversant l'Atlantique en bateau dans des conditions souvent difficiles pour arriver au Nouveau Monde face à l'inconnu, raconte Mme Castéran. C'est comme si, de nos jours, nous devions quitter la Terre pour nous retrouver sur Mars!»

Quand l'éditeur de la maison Libre Expression, André Bastien, lui a proposé d'écrire une saga, Nicole Castéran n'a pas hésité.



«Mon but premier, c'est d'intéresser les gens à l'histoire. On peut apprendre beaucoup, par les romans, et ce, de façon agréable», fait valoir celle qui, plus jeune, a entre autres «dévoré» l'oeuvre de Robert Merle, dont la fresque historique Fortune de France

Cette fois, elle a tenu à reculer de près d'un siècle dans le temps, remontant jusqu'aux dernières guerres iroquoises pour peindre la toile de fond historique de son diptyque L'Oeil du diable. Le premier tome, 1685, vient de lui permettre de décrocher le Prix littéraire LeDroit 2016 dans la catégorie fiction... au moment même où le deuxième volet, 1689, est publié, juste à temps pour le Salon du livre de l'Outaouais.

Chirurgie et plantes

L'Oeil du diable met en scène Michel Figeac, qui débarque à Québec en 1685 pour devenir le chirurgien du roi. «S'il est fictif, mon Michel s'inspire quand même du premier médecin canadien, Michel Sarrazin, précise l'auteure.  Ce dernier me donnait un champ d'activité professionnelle passionnant pour mon personnage.»

Le médecin, intéressé entre autres par la botanique (à l'instar de Sarrazin, Figeac enverra des spécimens en France, notamment à son oncle, dans le premier tome), est par ailleurs hébergé par le riche marchand Lamorille. Lequel «habite» la maison Blanche d'un grand commerçant de l'époque, Charles Aubert de La Chesnaye (1632-1702), dont Mme Castéran a pu consulter les plans.

Autour de ses personnages historiques et autres héros basés sur de véritables personnes, l'écrivaine donne également vie à Baptiste et, surtout, à des femmes. Totalement inventées, mais pas moins crédibles pour autant.

C'est le cas de Mathilde, à moitié Amérindienne et hautement intéressée par les plantes médicinales. Mais on ne soigne pas les gens sans risques, au XVIIe siècle. Ses yeux vairons et sa forte personnalité, en plus de ses connaissances botaniques, en font une sorcière potentielle. D'autant que son petit frère autiste passe pour un déficient, «alors qu'il ne l'est pas du tout!» clame Nicole Castéran.

Cette dernière possède une fiche exhaustive sur chacun de ses personnages, incluant ses caractéristiques physiques et ses traits de caractère propre. «J'avais besoin de les rendre consistants pour bien les sentir, au moment de passer à l'écriture.»

L'auteure a tout de même vu certains d'entre eux prendre plus d'importance que prévu a priori, en cours de création, dont Germain le protecteur, ou encore le truculent Catalougne (basé sur Gédéon de Catalogne, «qui a laissé plusieurs écrits me permettant d'étayer ses faits et gestes»).

«J'ai lu beaucoup de documents de l'époque, afin de m'imprégner du vocabulaire de la période, de bien saisir le milieu, les enjeux, la réalité de la vie à ce moment-là», mentionne-t-elle.

Pour Nicole Castéran, au-delà de la responsabilité d'être fidèle à l'Histoire, il y a le plaisir de raconter la saga de sa galerie de héros et d'héroïnes afin de faire revivre «tout un monde un peu oublié de nos jours, un Canada qui était français en 1685». 

Et, ce faisant, de «mettre en valeur notre langue!» clame-t-elle fièrement.

Il était également essentiel, à ses yeux, de laisser une place importante aux Amérindiens. «La présence même des Français sur le territoire dépendait de leurs alliés autochtones, rappelle-t-elle. Sans eux, nos ancêtres n'auraient pas pu faire grand-chose.»