Charlie Hebdo, un oiseau rare dans la région

Les rares Charlie Hebdo de la capitale n'ont pas touché aux tablettes des librairies, vendredi matin.


Les quelques copies livrées étaient déjà réservées à des clients prévoyants, alors que des centaines d'autres ajoutaient leurs noms à des listes d'attente dans l'espoir d'en obtenir une d'ici quelques semaines.

À la Librairie du Soleil, à Ottawa, les employés répétaient aux clients que tout était déjà vendu depuis plusieurs jours.



Du côté de Gatineau, la Librairie Réflexion avait le regret d'annoncer vendredi que son distributeur n'avait pas été en mesure de livrer le Charlie Hebdo - ne serait-ce que quelques exemplaires. Les deux commerces doivent recevoir d'autres Charlie dans les prochains jours.

 Nous avons presque 600 réservations, a affirmé Jean-Philip Guy, gérant de la Librairie du Soleil à Ottawa. C'est fou.» Avant les événements tragiques de Paris, le commerce vendait trois copies du journal par semaine. «Un appel sur deux, ce matin, est fait par des gens qui en veulent une copie.»

Les 15 copies du magazine controversé dont disposait le commerce de la rue George, dans le marché By, étaient réservées bien avant leur arrivée en magasin, vendredi.

La demande est aussi forte dans les deux succursales de la Libraire Réflexion, à Gatineau. «Je n'ai pas de grosse demande pour ce journal en temps normal, a expliqué en matinée sa directrice, Lynne Leach. Aujourd'hui, j'ai une liste d'attente de 400 noms pour les deux magasins, et une liste stand-by de 200 personnes supplémentaires. On ne prend plus d'appels, on ne prend plus de réservation.»



Mme Leach espère recevoir les journaux la semaine prochaine. «Je ne peux pas garantir qu'on va tous les avoir (la semaine prochaine), et notre distributeur non plus. Mais j'ai passé la commande. Nous allons bien les recevoir, les 400 copies.»

La Librairie Réflexion vendait sensiblement la même quantité de Charlie Hebdo que la Librairie du soleil avant l'attentat de Paris.

Les deux libraires n'ont jamais vu un tel phénomène.

Au plus fort de sa popularité, Harry Potter avait incité une centaine de lecteurs à réserver un tome très attendu, à la librairie d'Ottawa. La liste d'attente est aujourd'hui six fois plus longue pour le Charlie Hebdo.

Des best-sellers plus récents, comme Cinquante nuances de Grey, se sont aussi vendus par centaines, mais la pénurie n'était pas aussi marquée que cette semaine. «J'ai pu en vendre 400, mais j'en recevais 200 par livraison», compare Mme Leach.

<p>Alain Bélanger, un résident d'Ottawa, est un des rares à avoir obtenu une copie de <i>Charlie Hebdo </i>vendredi<i>.</i></p>

Alain Bélanger, un résident d'Ottawa, est un des rares à avoir obtenu une copie de Charlie Hebdo vendredi.

(Patrick Woodbury, LeDroit/Patrick Woodbury, LeDroit)

Des critiques solidaires



Alain Bélanger est en désaccord avec la ligne éditoriale du Charlie Hebdo. Mais il l'a acheté malgré tout, au nom de la liberté d'expression.

Son achat représente aussi un geste de solidarité avec l'équipe rédactionnelle, décimée le 7 janvier dernier par des terroristes incapables d'accepter les divergences d'opinions.

Le lecteur d'Ottawa est l'un des rares résidents de la région de la capitale à avoir mis la main sur la récente édition du Charlie, distribué à seulement 1 500 exemplaires au Canada, vendredi.

M. Bélanger n'est pas un lecteur régulier du Charlie Hebdo. Il lui préfère Le Canard Enchaîné, un autre journal satirique français. «C'est le principe, s'exprime l'acheteur, Charlie en main. Je ne partage absolument pas l'approche éditoriale de Charlie Hebdo, mais ce qui est en cause, ici, c'est la liberté d'expression et d'opinion. Ce sont des valeurs fondamentales pour moi. [Cet achat] est un geste symbolique, si vous voulez. Je sympathise avec les familles.»

Peu importe le quotidien qu'il achète, c'est la page de la caricature du jour qu'il regarde en premier. «Charlie va un peu loin, mais c'est une question personnelle. Quelqu'un d'autre peut rire à regarder ces caricatures. Tout cela demeure subjectif, après tout.»

Charlie Hebdo prévoit imprimer 5 millions de copies afin de répondre à la forte demande mondiale et d'éviter la surenchère sur les sites de revente sur Internet.