En Outaouais, il est possible de louer une rétrocaveuse pour 50 $ de l'heure, avec un opérateur.
Le tarif a de quoi faire sourciller, lorsqu'on considère le prix de l'essence, de l'achat de l'équipement, de l'entretien, des coûts de la main-d'oeuvre et des assurances d'une telle pièce de machinerie.
La plupart de ces prix sont offerts par des entrepreneurs autonomes. Ceux-ci jouissent d'un statut particulier en vertu de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
Un entrepreneur en excavation qui conduit ses machines sans l'aide d'employé n'a pas à se payer le taux de salaire exigé par la Commission de la construction du Québec (CCQ).
Sa seule contrainte : offrir un taux horaire équivalent à celui d'un employé normal, en plus des tarifs liés aux diverses cotisations, ce qui équivaut à un peu plus de 40 $.
Pour Kim Hébert d'Excavation JF Aumont, à Luskville, il s'agit d'un prix dérisoire. Elle estime qu'un taux horaire de 90 $ serait le minimum pour arriver à tirer un profit.
« Quand on a commencé en 2008, dit-elle, on regardait le taux des autres et on faisait la même chose. Mais on faisait du trou. On s'est dit qu'on ne savait pas calculer. On a augmenté nos prix et on n'était plus capable de travailler. On se faisait traiter de voleurs. »
Facteurs aggravants
Si ce n'était que ça, la compétitivité du marché ne serait pas nécessairement un problème. Or, une autre exception dans la loi a pour effet de tirer les prix vers le bas.
Dans presque tous les domaines de la construction, les entrepreneurs autonomes peuvent uniquement effectuer des travaux d'entretien et de réparation mineure. Une rare exception : l'excavation. Les travailleurs autonomes peuvent travailler sur de grands chantiers et offrir leurs services à d'autres entreprises.
Selon l'avocat de la CCQ, Bruno Deschênes, cette exception a pour objectif de permettre aux entrepreneurs qui commencent dans le milieu de faire leur place sur le marché, puisque des machines comme les rétrocaveuses sont coûteuses.
Travail au noir
Le travail au noir est un autre facteur qui contribue à la compétition malsaine dans le domaine de l'excavation en Outaouais, selon ce que LeDroit a appris. Des entreprises choisissent de contourner le système afin de rester compétitives face aux entrepreneurs autonomes et aux autres entreprises qui les emploient.
Un entrepreneur en excavation de la région a confié au Droit, sous le couvert de l'anonymat, qu'il avait bel et bien recours au travail au noir pour faire baisser ses prix. Comme d'autres, il tient un double registre de paye pour ses employés.
Dans les chiffres officiels, le travailleur aura été sur un chantier seulement 20 à 25 heures par semaine. Dans les faits, il travaille à temps plein, mais est payé environ 15 $ de l'heure.
Kim Hébert est convaincue que cette pratique est répandue dans la région. Même si son conjoint est redevenu travailleur autonome depuis peu, elle affirme qu'ils reçoivent toujours, sur une base régulière, des appels de travailleurs qui offrent leurs services. « Plein d'opérateurs voulaient travailler pour nous, juste parce qu'on payait les salaires de la CCQ. »