« Je suis venue à la danse par hasard . J'avais été sollicitée pour danser dans une pièce de théâtre, j'ai aimé ça. »
Elle se lance ensuite dans des cours de ballet, puis de danse contemporaine. La discipline devient vite une raison de vivre.
Quand on lui demande, au débotté, pourquoi elle danse, Louise Lecavalier galope après sa propre pensée, en débusque les nuances, se laisse distancer par une association d'idées...
« Je pourrais répondre 'parce que je ne peux pas m'en empêcher'. Et aussi, pour lutter contre la paresse. Mais pas seulement lutter : je crois qu'il faut apporter quelque chose, quand on est sur terre. Danser, c'est à la fois un combat personnel et mon apport à moi. C'est aussi une façon de se découvrir et de découvrir les autres. »
D'elle, on connaît la danseuse à l'énergie débordante, les interprétations ultra-physiques quand elle se produisait avec la compagnie La La La Human Steps où elle s'était imposée en muse artistique d'Édouard Lock, de 1981 à 1999. Des années d'une rare intensité jalonnées d'oeuvres devenues mythiques, de rencontres-chocs avec David Bowie et Frank Zappa notamment.
« J'ai eu une chance inouïe de rencontrer Édouard Lock, et je n'ai jamais ressenti le besoin de créer mes propres chorégraphies à ce moment-là », assure l'interprète qui est aussi artiste associée de Danse CNA. Ce programme vise à soutenir le travail en danse d'une poignée d'artistes canadiens triés sur le volet.
Depuis 2006, Louise Lecavalier poursuit son travail avec sa compagnie, Fou Glorieux, mène en solo ou en duo sa recherche sur la puissance et la vulnérabilité du corps. Et multiplie les collaborations auprès de chorégraphes renommés : l'Ontarien Tedd Robinson (Lula and the Sailor, Cobalt rouge), Benoît Lachambre ("I" is Memory, Is you Me), Crystal Pite (Lone Epic) et Nigel Charnock (Children).
Quand on observe les chorégraphies auxquelles elle a participé depuis ses débuts, on note un fort penchant pour la prise de risque. Il n'est donc pas surprenant qu'à 50 ans passés, Louise Lecavalier s'offre tout bonnement un cadeau en or en signant sa première chorégraphie : la peur, le trac, les yeux dans les yeux avec son public, bref, le grand saut !
La passion de créer
Objectif déclaré : travailler au coeur de l'antagonisme qui perdure entre mouvement et pensée, corps et esprit, en tentant de reconnecter ces deux modes de connaissance afin de prouver que non seulement ils ne sont pas incompatibles, mais que l'un peut être le prolongement de l'autre. Celle qui s'est promis « d'arriver au plus près d'une danse qui serait aussi vibrante et large que la pensée » ne cesse, depuis 30 ans, de réinventer son vocabulaire, sa syntaxe. Louise Lecavalier préfère ainsi faire table rase du passé quand il s'agit d'entamer un nouveau projet.
Initialement prévu comme un solo, So Blue finira par intégrer un duo avec le danseur Frédéric Tavernini, avec qui Louise Lecavalier avait déjà dansé dans Cobalt rouge de Tedd Robinson.
« Logiquement, j'aurais dû prendre un danseur de la compagnie, avec qui je travaillais déjà, concède-t-elle. Mais je voulais quelque chose de nouveau. J'ai croisé Frédéric plusieurs fois dans la rue, par hasard. Ça tombait bien : je cherchais un partenaire capable d'une danse fluide, aussi fluide que la pensée. Il possédait ces qualités. »
La méthode des deux partenaires est simple : Louise Lecavalier fabrique le spectacle autour d'improvisations ad libitum, sous le regard bienveillant de sa répétitrice de longue date, France Bruyère.
« Elle empêchait que je détruise tout », s'exclame la danseuse et chorégraphe qui se définit plutôt d'une nature « rebelle et rock'n'roll, » jamais totalement confiante, même quand elle reçoit le Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle cette année.
En écoutant la musique du compositeur turc Mercan Dede, elle finira par tenir cette énergie à distance, préférant une plongée en douceur au coeur de ce qui nous constitue : So Blue ou « la couleur atomique du corps, celle de notre âme, tellement puissante et tellement belle ».
À chacun de compléter le tableau selon son imaginaire, mercredi et jeudi prochains.
POUR Y ALLER
OÙ ? Théâtre du Centre national de arts
QUAND ? Les 8 et 9 octobre, 19 h 30
RENSEIGNEMENTS ? Billetterie du CNA, 613-947-7000, www.nac-cna.ca ; ou par Ticketmaster : 1-888-991-2787, capitaltickets.ca