Partie de rien, sauf du talent et de la volonté de ces deux mères de famille de Gatineau, en 2009, la petite compagnie de création de vêtements écologiques pour enfant, Le Monde à l'An Vert, était sur le point de connaître, cette année, une croissance qu'elles n'auraient jamais rêvé d'imaginer.
Un voleur et fraudeur, jumelé à l'application rigide par leur institution financière du Code de conduite canadien sur l'utilisation de cartes de débit et de crédit, est cependant en train de tout foutre en l'air, prétendent les deux femmes d'affaires.
L'entreprise est encore fragile et ne roule pas sur l'or, mais les commandes commencent à se multiplier et le rayonnement s'amorce. Magazines, entrevues télé, défilés : l'enthousiasme est au rendez-vous. Ou plutôt, était. Leurs collections, entièrement dessinées et confectionnées au Québec, trouvent une place dans plus de 150 boutiques situées au Québec, dans le reste du Canada, aux États-Unis et même en Amérique du Sud. L'entreprise vient même de décrocher les droits d'utilisation de Mafalda, jalousement protégés par son auteur, Quino. Il s'agirait d'une exclusivité en Amérique du Nord.
La clé de la porte du succès, pour Valérie Breton et Chantalle Guindon, était là.
En décembre, tout bascule
Tout a basculé en décembre dernier, alors qu'elles étaient de passage à Montréal pour participer à un salon de l'industrie du vêtement pour enfants.
Mme Guindon, qui a un compte d'entreprise avec les Caisses Desjardins, s'est fait subtiliser tout son portefeuille, carte de guichet comprise. Le voleur a vidé le compte de l'entreprise dans des commerces de la rue Sainte-Catherine. Un homme de 51 ans, bien connu des autorités policières de la métropole, a depuis été arrêté et fait face à 76 chefs d'accusations pour fraude et vols en lien avec ce dossier, mais aussi plusieurs autres, confirme le Service de police de la Ville de Montréal.
Ce genre de malchance arrive, se disent Valérie et Chantalle. Il s'agit d'un vol; elles seront bien remboursées par Desjardins, croient-elles.
Desjardins refuse catégoriquement de rembourser le montant volé sur la carte de guichet, malgré l'arrestation du présumé fraudeur. Toutes les démarches des deux femmes d'affaires auprès de l'institution financière n'ont rien donné. Desjardins affirme que son enquête lui permet plutôt de conclure que la détentrice de la carte a été l'artisane de son propre malheur.
Le montant n'est pas important : 2500 $. « Mais c'est un petit montant qui valait gros », précise Valérie. La perte de cette somme a fait que toute la fragile chaîne qui tenait en vie Le Monde à l'An Vert s'est brisée.
La mésaventure a fait rater aux femmes d'affaires un important salon à Toronto. « Nous y aurions récolté des ventes et des commandes nous permettant de financer la création des collections d'automne-hiver », dit-elle. Chantalle ajoute que dans l'industrie du vêtement, il faut être capable de supporter financièrement un inventaire pendant six mois.
«Pour vendre, il faut fabriquer, faire les patrons et les catalogues, livrer et payer du monde pour tout ça. On avait développé des trucs pour survivre aux premières années de démarrage de l'entreprise, mais là, la roue s'est arrêtée.»
Avec Jonathan Blouin